10.01.13 Le Potentiel – Fibre optique : le bal des chauves
En RDC, le lancement de la fibre optique est annoncé pour mi-mars 2013. A Muanda, des travaux de construction de la station datterrage se trouvent déjà en phase terminale. Par contre, la cacophonie gagne du terrain, notamment dans la mise en œuvre de la deuxième phase de déploiement de la fibre sur la ligne Kinshasa-Kasumbalesa pour laquelle la RDC a obtenu un financement dEximbank of China. En lieu et place de lopérateur public, la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT), cest à une firme privée, Liquid Telecommunications Operations DRC, que lEtat congolais, via lARPTC, a donné lautorisation, certes provisoire, de construire et dexploiter le réseau à fibre optique sur une bonne partie de la province du Katanga, violant les dispositions de laccord conclu avec la banque chinoise. Serait-ce déjà le début du bal des chauves ? Le gouvernement est interpellé. Sinon, le lancement de la fibre optique risque de connaître un mauvais départ.
Longtemps reporté, le lancement de la fibre optique en République démocratique du Congo est entré dans sa phase terminale. A Muanda, des ingénieurs français dAlcatel-Lucent qui travaillent à la construction de la station datterrage devaient déjà entamer la phase expérimentale. Sur papier, plus rien ne devait donc retarder lentrée de la RDC dans lère de la fibre.
Dans les couloirs du ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies de linformation et de la communication (PTNTIC), tout est mis en œuvre pour soustraire lopérateur public, Société congolaise des postes et télécommunications, de la gestion commerciale dune bonne partie de la fibre, particulièrement dans les zones minières du Katanga comprises sur laxe Kasumbalesa-Lubumbashi-Likasi-Kolwezi.
La tâche a été confiée à lAutorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (ARPTC) qui na pas tardé à signer, dans des conditions les plus obscures, avec une entreprise basée au Katanga « lautorisation provisoire de construction et dexploitation dun réseau à fibre optique », foulant aux pieds laccord de financement signé entre la RDC et lEximbank of China pour la construction et lexploitation commerciale de la deuxième phase de déploiement de la fibre optique sur la ligne Kinshasa-Kasumbalesa.
Or, dans laccord de financement, le prêt à taux concessionnel conclu avec la banque chinoise est à charge de lopérateur public, SCPT, avec garantie de lEtat congolais. Que restera-t-il alors des revenus à tirer de la commerciale si entre-temps, la SCPT se trouve amputée dune bonne partie de recettes sur laxe le plus utile de la province du Katanga. Cest lénigme que le gouvernement ferait vite déclaircir pour lever tout pan de voile autour de ce dossier, avant même quon passe à la phase de commercialisation de la fibre optique en RDC.
LE NŒUD DU PROBLEME
Tout est parti de lautorisation de lARPTC datant du 22 décembre 2012 dans laquelle lorgane de régulation du secteur des télécommunications reconnaît à la société Liquid Telecommunications Operations DRC de « construire et exploiter en RDC des réseaux à fibre optique sur les axes Kasumbalesa-Lubumbashi, Lubumbashi-Likasi et Likasi-Kolwezi ».
Larticle de la lettre dautorisation signée par le vice-président de lARPTC, Odon Kasindi Maotela, oblige cette société à « respecter lenvironnement et nutiliser que les équipements préalablement homologués par lautorité de régulation ». Est-ce des équipements acquis sur fonds propres ou sur les fonds dEximbank ? LARPTC nen dit rien.
Lon se souviendra que lEtat congolais, via la SCPT, avait obtenu dEximBank of China un financement de 221 millions USD pour le financement de la phase 2 du backbone national sur laxe Kinshasa-Kasumbalesa. Laccord a été paraphé en 2011 par Matata Ponyo Mapon, alors ministre des Finances, pour être par la suite coulé sous forme de loi par une ordonnance-loi du président de la République.
Selon des informations en provenance du Katanga, une bonne partie de matériels liés à la mise en œuvre de ce projet serait déjà arrivée dans la province du Katanga. Curieusement, cest le moment qua choisi lARPTC pour donner autorisation à une société privée de déployer ses matériels aux mêmes fins. Après, dit-elle, avoir obtenu un « avis favorable » du ministre de PTNTIC.
Quen est-il des matériels commandés par lEtat congolais sur financement dEximbank of China ? La confusion se mêle à la cacophonie. Pire, dans lautorisation accordée à Liquid Telecommunications Operations DRC, lARPTC précise dans des termes clairs que « loctroi de la présente autorisation nest pas subordonné au paiement au compte du Trésor public ». Dans quel but et pour quelle raison ? LARPTC préfère entretenir le flou.
Même si lARPTC peut avoir le droit de ne pas dévoiler ses mobiles, lopinion publique a, en revanche, le droit de savoir ce que la RDC gagne dans ce contrat, dautant que la société Liquid na aucune obligation de verser un seul rond au compte général du Trésor. En clair, il ny a pas de contrepartie.
Par ailleurs, lon peut chercher à savoir les raisons pour lesquelles lARPTC a préféré se tourner vers un privé en laissant sur le pavé lopérateur public quest la SCPT. Il y a donc anguille sous roche. Quand bien même lautorisation de lARPTC paraîtrait provisoire, elle ne dédouanerait pas pour autant la toute puissante autorité de régulation du secteur des télécommunications.
Cela dans la mesure où la lettre de lARPTC spécifie en son article 12 que « la présente autorisation sera de nul et nul effet après trois mois, et sera remplacée par une licence de concession après paiement au Trésor public dune contrepartie financière qui sera fixée par arrêté du ministre ».
DES ZONES DOMBRE
Il y a bien des zones dombre pour lesquelles le gouvernement devait exiger des explications de son autorité de régulation. Par ailleurs, il est noté que lARPTC a fait preuve de précipitation dans le traitement de ce dossier. Lautorisation quelle accorde à la société Liquid Telecommunications Operations DRC date du 7 décembre 2012. Elle prétend avoir obtenu « lavis favorable » du ministre des PTNTIC.
Or, larrêté du ministre des PTNTIC fixant les conditions et modalités détablissement et dexploitation du réseau des télécommunications à fibre optique na été signé que le 21 décembre 2012. De qui se moque-t-on ?
Ou on est un pays normal ou on est une République bananière. Comment peut-on anticiper sur le libellé dun arrêté ministériel à sortir ? Soit lARPTC se targue de pratiques abracadabrantes, soit elle se prévaut des prérogatives du ministre des PTNTIC. Quest-ce à dire ? Car le 7 décembre 2012, date à laquelle lARPTC a accordé son autorisation provisoire à la société Liquid, aucune instruction du ministre en la matière nexistait encore.
Après certains recoupements, il savère que le vice-président de lARPTC aurait agi en cavalier seul, dans lignorance de son titulaire et passant outre les instructions de la tutelle qui ont été rendu publiques deux semaines après. Une fois de plus, le gouvernement met à nu ses faiblesses, sinon son dysfonctionnement.
A trois mois du lancement de la fibre optique, lExécutif national ferait mieux de remettre de lordre dans ce secteur. Il a investi près de 37 millions Usd pour connecter la RDC à la fibre optique. Il a contracté par la suite un prêt de 221 millions auprès dEximbank of China. Un prêt nest pas un don. A moins que, en RDC, il se pose un problème de terminologie.
Le gouvernement na pas intérêt à tergiverser dans la gestion de ce dossier. Il doit reprendre les choses en main et mettre en place un système de gestion cohérent et transparent visant à permettre à lEtat congolais de rentrer dans ses droits, et surtout davoir la capacité de rembourser le prêt dEximbank of China.
Comme on le voit, beaucoup dacteurs ont pris part au bal des chauves avec comme label « fibre optique ». La fête touchant à sa fin, du poil se remet à pousser sur le cuir chevelu de tous les faux chauves. Limpunité, quand tu nous tiens !