L'usage alimentaire des fougères, par A.Biloso Moyene, Laboratoire de Botanique systématique, ULB,

La dégradation continuelle de l’économie congolaise, associée aux phénomènes destructeurs comme les pillages et les guerres, ont eu comme principales conséquences la destruction du capital de base de la population congolaise, augmentant considérablement le nombre de personnes ciblées dans les groupes vulnérables (Kankonde, 2001).

Avec l’accroissement de la population sinistrée on constate le retour à l’autosubsistance d’une bonne partie de la paysannerie. Le chômage et les arriérés de salaire dans une grande partie du pays, la RDC fait partie du groupe des pays dont la population vit dans l’extrême pauvreté. Or il y a un lien direct entre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, ce qui nous pousse a confirmé que la majorité de la population congolaise a un réel problème d’accès à la nourriture (PAM, 2004).

 Le pays traverse une crise qui a atteint aujourd’hui un niveau critique sur le plan nutritionnel. La population ne dispose plus de nourriture suffisante en quantité et en qualité pour s’approvisionner et s’alimenter ; le peuple congolais est mal nourri et puise ce qui lui faut dans son environnement naturel principalement, il s’agit des produits de la biodiversité ( ressources biologiques) que lui fournissent la flore et la faune sauvage (grâce à la cueillette, la chasse et le ramassage) ; ainsi que l’agriculture (Biloso, 2003).

 Le diagnostic sommaire tel que vient d’être présenté suscite en nous un certain nombre des questions sur la situation alimentaire de la population Kinoise. Elle concerne l’intérêt de plus en plus accru dans l’un des produits de cueillette servant de plus en plus à l’alimentation de la population de Kinshasa.

Quelle est l’importance et l’apport de la fougère (Pteridium centrali-africanum) dans l’alimentation ? Doit-on en cette période de crise encourager le recours aux produits provenant de la cueillette pour la nourriture d’un peuple ? Et enfin comment le marché de fougère est-il organisé ? Comment en promouvoir la culture ? Quelles en sont les conditions ?

 

Nous croyons qu’en répondant à toutes ces questions, nous essayerons de dégager les voies et moyens en rapport avec ce produit pour un apport ou une contribution à la résolution de la malnutrition et de la sous-alimentation qui constituent un frein au développement d’un pays.

 

La fougère appartient à la famille de Dennstaedtiaceae, elle a plusieurs synonymes à savoir :

Pteris aquilina L., Pteris esculenta G.Forst., Pteris lanuginosa Bory ex Willd., Pteridium esculentum (G.Forst.) (Prota, 2004).

Les noms vernaculaires de Pteridium Centrali-africanum sont : Fougère des savanes (Français) ; Bracken, brackenfern, eagle fern (Englais) ; Feto ordinário, feto dos montes (Portugais) ; Mushilu (Swahili) ; Mukiongi (Kikongo) ; Misili (Lingala).

 

Le Pteridium centrali-africanum  est présente sur tous les continents, y compris l’Antarctique. C’est une des espèces les plus répandues au monde. En Afrique, elle va de la Méditerranée jusqu’au Cap (Prota, 2004).

 

Le Pteridium centrali-africanum est largement utilisée comme légume cuit. Dans la région de Baffousam au Cameroun, elle est décrite comme consommée de manière courante en mélange avec des plantes comme Vernonia amygdalina Delile et Triumfetta rhomboidea Jacq. Au Gabon, les jeunes frondes encore enroulées (crosses de fougère) sont décrites comme comestibles. Plusieurs tribus d’Angola, du Congo et de la RDC consomment les feuilles. En Europe, un certain nombre d’accidents se sont produits suite à la consommation des feuilles par des animaux. Plusieurs sources mentionnent toujours son usage comme légume dans de nombreux pays, parfois à grande échelle. Pour les rendre comestibles, les crosses de fougère sont bouillies pendant une heure puis trempées dans l’eau tiède et enfin soumises à la sauce soit à la pâte d’arachide ou de courge (Lubini et al, 1997). Jusqu’à maintenant, les crosses sont appréciées au Japon, où elles sont bouillies, séchées et conservées pour un usage en hiver. Les crosses en boîtes sont commercialisées au Japon comme “warabi” ou “zenmai” (www. Prota.org, 2005).

A Madagascar et aux îles Canaries, le rhizome est décrit comme comestible, et en France on l’utilisait pour nourrir les porcs. Les rhizomes contiennent de l’amidon, qui a été largement utilisé par les Amérindiens canadiens par le passé. Au Japon, l’amidon est utilisé pour fabriquer des confiseries (www. Prota.org, 2005).

Les feuilles sont utilisées comme paille pour le bétail et comme litière. La poudre séchée de crosses est appliquée sur les vieilles blessures. En Côte d’Ivoire, la pulpe des crosses cuites est utilisée comme lavement pour surmonter la stérilité des femmes. Le rhizome mélangé à celui du gingembre (Zingiber officinale L.) est écrasé et le jus est bu comme aphrodisiaque (www. Prota.org, 2005).

 

La plante entière de Pteridium centrali-africanum contient des composées toxiques et antinutritionnels. Les composés isolés comprennent des sesquiterpénoïdes (ptaquiloside et substances apparentées, appelées en général ptérosines, et qui ont des activités insecticides et carcinogènes), de l’ecdysone (composé terpénoïde identique à l’hormone de la mue des insectes), des hétérosides cyanogéniques, des tanins et des acides phénoliques. Tous ces constituants peuvent avoir une certaine activité comme dissuasif alimentaire. L’acide shikimique a été observé dans toutes les parties de la fougère de savane, spécialement dans le rhizome. Il a une activité carcinogène, ce qui peut expliquer chez le bétail un syndrome fatal d’hémorragie et chez l’homme le cancer de l’estomac après une consommation régulière de feuilles de fougère. La fougère contient également une enzyme qui détruit la vitamine B1 et engendre l’avitaminose B1, provoquant des dommages cérébraux chez les chevaux et autres non-ruminants et une hématurie enzootique aiguë (“redwater disease”) chez le bétail. La présence et les concentrations des différents constituants chimiques varient selon les sous-espèces et les variétés. Les rhizomes apparaissent être environ cinq fois plus toxiques que les feuilles. Il est difficile de détecter et de diagnostiquer un empoisonnement en raison de la toxicité retardée. Les symptômes et la mort peuvent survenir jusqu’à huit semaines après que les animaux aient cessé de manger les plantes. Le risque pour la santé humaine est plus élevé chez les jeunes enfants.

 

Pteridium centrali-africanum Hieron. est présente du Gabon au Mozambique.

La fougère (Pteridium centrali-africanum Hieron.) est un aliment fournissant aux êtres vivants des vitamines, protéines,… ; elle soigne les inflammations des articulations dans le domaine de la pharmacopée traditionnelle ; utilisée comme gel, elle est un aliment riche en fer. Les aliments n’étant pas suffisamment acheminés en ville, la population Kinoise ne dispose pas de la nourriture suffisante en qualité et en quantité pour son alimentation, d’où l’insécurité alimentaire. De ce fait la population concernée pourrait consommer les produits provenant de la cueillette à cause de leur prix abordable sur le marché et leurs valeurs nutritives.

Les fougères (Pteridium centrali-africanum Hieron.) suivent un circuit commercial court c’est-à-dire n’ayant pas beaucoup d’intermédiaires entre les marchés aux producteurs (marchés primaires) et les marchés aux consommateurs. L’unité de vente est la botte.

 

Nous voulons montrer à travers cette étude que la fougère bien que peu considérée, offre une diversité des denrées alimentaires pouvant couvrir les besoins alimentaires d’un peuple et répondre particulièrement à la demande extérieure.

 

Nous estimons qu’au terme de cette étude, les différents interlocuteurs, lecteurs, décideurs politiques et des partenaires sociaux pourront accéder aux informations fiables et à une meilleure compréhension du problème posé surtout que nous espérons mettre à leur disposition non seulement des recommandations concrètes pouvant leur permettre à renforcer le mécanisme de survie mais aussi les stratégies développées par les Kinois pour se mettre à l’abri de l’insécurité alimentaire menaçante.

 

2. APPROCHE METHODOLOGIQUE

Selon Kinkela Savy (2004) la méthode est la procédure logique d’une science, c’est-à-dire l’ensemble des pratiques particulières qu’elle met en œuvre pour que le cheminement de ses démonstrations et des théorisations soit clair, évident et irréfutable.

 

Pour bien mener notre étude, nous avons utilisés la méthode descriptive qui nous a permis de ressortir les détails sur le petit commerce de fougère dans la partie Est de la ville de Kinshasa, plus précisément dans la commune de Masina et d’analyser sa consommation pour dégager les spécificités.

 

Quant aux techniques utilisées, nous avons procédés par des enquêtes par sondage, aux interviews semi directifs avec les groupes focalisés de 10 à 15 intervenants et la documentation. Un questionnaire préétabli a été administré verbalement aux différents intervenants dans le circuit de commercialisation de fougère à Kinshasa.

Cette étude est réalisée dans la commune de Masina, choisi comme milieu d’étude, nos investigations se sont déroulées du 02 avril au 30 septembre 2005.

 

3. RESULTATS ET DISCUSSION

A partir des données de nos investigations durant six mois de terrain, nous présentons  sous forme des tableaux statistiques avec interprétations. Ces résultats nous permettent de bien cerner le marché de fougère dans les sites enquêtés.

 

3.1. Caractéristiques socio-démographiques des répondants

3.1.1. Genre des répondants

Tableau 1. Répartition de répondants par sexe

 

Sexe    Fréquence        %

Masculin          3          3

Féminin            97        97

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

Les données de ce tableau montrent clairement que la quasi-totalité d’exploitants et vendeurs de fougère à Masina est constituée des femmes.

3.1.2. Age des répondants

Tableau 2. Répartition de répondants par tranche d’âge

 

Tranche d’âge  Fréquence        %

Moins de 20 ans          0          0

20 à 29 ans      14        14

30 à 39 ans      33        33

40 à 49 ans      40        40

50 ans et plus   13        13

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

Il ressort de ce tableau que la majorité de nos exploitants et vendeurs de la fougère (soit 73%) sont dans la tranche d’âge de 3O à 49 ans.

 

3.1.3. Niveau de scolarisation des répondants

Tableau 3. Répartition de répondants par niveau d’étude

 

Niveau d’étude            Fréquence        %

N’a pas été à l’école    0          0

Niveau primaire           50        50

Niveau secondaire       50        50

Niveau supérieur et universitaire           0          0

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

La moitié de nos répondants soit 50% sont ceux qui ont fait les études primaires, tandis que l’autre moitié est constituée de ceux qui ont fait les études secondaires. Aucun universitaire ne s’intéresse à l’exploitation et la vente de fougère.

 

3.1.4. Ancienneté dans la pratique d’exploitation et de vente

Tableau 4. Répartition de répondants par ancienneté

 

Ancienneté       Fréquence        %

Moins de 2 ans            3          3

2 à 4 ans          40        40

5 à 7 ans          27        27

Plus de 7 ans    30        30

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

Sur l’ensemble de personnes enquêtées, 40% ont une ancienneté allant de 2 à 4 ans, 30% les font il y a plus de 7 ans, 27% dans la fourchette de 5 à 7 ans.

En réalité, l’émergence de l’exploitation et la vente des fougères est une pratique  récente.

3.1.5. Détention de document officiel

Pendant nos enquêtes, nous n’avions trouvé aucun vendeur détenant un document officiel pour l’exercice de son activité, ce qui traduit qu’ils évoluent dans un secteur informel. Ils ne payent pas des taxes.

 

3.2. Les intervenants dans les circuits de commercialisation des fougères dans la commune de Masina

Dans ce point, nous décrivons les catégories des acteurs impliqués dans les circuits de commercialisation de fougère dans la commune de Masina.

Nous considérons les cueilleurs comme étant des producteurs. Ceux qui achètent directement chez les producteur et à des grosses quantités sont considérés comme étant des démi-grossistes. Ne peut être considéré comme grossiste, celui qui achète les grosses quantités et assure son transport jusqu’au lieu de vente pour revendre en gros.

Tableau 5. Les principaux acteurs dans les circuits commercial de Fougère

 

Les intervenants           Fréquence        %

Producteurs     33        33

Grossistes        0          0

Demi-grossistes           7          7

Détaillant          60        60

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

Il ressort de ce tableau 5 que plus de la moitié des commerçants sont des détaillants, les tiers sont des producteurs (cueilleurs), alors les demi-grossistes ne représentent que 7% des intervenants.

Tableau 6. Les principales sources d’approvisionnement de la commune de Masina en fougère 

Les sources d’approvisionnement        Fréquence        %

Maluku village  27        27

Ngamanzo       20        20

Menkao et les villages environnants      30        30

Bibwa  23        23

Total    100      100

   Source : Nos enquêtes Avril-septembre 2005

Les données de ce tableau nous montrent clairement que 30% de fougère vendues sur les marchés de Masina proviennent de Menkao et les villages environnants,  27% de Maluku village, 23% de Bibwa et 20% de Ngamanzo.

 

3.3. Disponibilité de fougère sur les marchés à Masina

 

Nous présentons dans le tableau ci-dessous la disponibilité des fougères (Pteridium centrali-africanum) sur les marchés de Masina en fonction des arrivées journalières sur des analyses des nos pointages et observations du mois de septembre 2005 pour 20 commerçants identifiés ayant approvisionné  le marché de la liberté en fougère du 05 au 11 septembre 2005.

 

 

Tableau7. Les arrivées journalières des fougères (Pteridium centrali-africanum)

 

            Jour de la semaine

            Lundi   Mardi   Mercredi          Jeudi    Vendredi          Samedi Dimanche

 

Exploitant         Valeur en Fc                Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O Fc          Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O F          Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O F            Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O F            Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O F         Valeur en Fc    Nbre de botte de 3O F

1          1500    50        1650    55        1350    45        900      30        720      24        1050    35        1500    50

2          1350    45        450      15        750      25        750      25        690      23        1200    40        450      15

3          1650    55        900      30        900      30        900      30        1200    40        1650    55        900      30

4          1350    45        1650    55        1650    55        900      30        1500    50        1500    50        750      25

5          750      25        1350    45        900      30        900      30        1350    45        750      25        750      25

6          450      15        1170    39        1650    55        750      25        900      30        1200    40        1650    55

7          690      23        1200    40        900      30        900      30        720      24        690      23        900      30

8          1170    39        900      30        900      30        1200    40        1200    40        1650    55        1650    55

9          1500    50        1650    55        900      30        1500    50        1350    45        1500    50        1350    45

10        900      30        900      30        720      24        1170    39        1650    55        900      30        720      24

11        720      24        1650    55        900      30        1500    50        1500    50        1170    39        1500    50

12        1200    40        1350    45        900      30        900      30        1350    45        750      25        900      30

13        1350    45        750      25        750      25        1500    50        1650    55        900      30        720      24

14        1050    35        1500    50        1350    45        1170    39        1650    55        750      25        720      24

15        1500    50        1350    45        1050    35        450      15        1170    39        1650    55        750      25

16        1230    41        1200    40        1650    55        900      30        1350    45        900      30        1500    50

17        1140    38        1500    50        1500    50        720      24        1650    55        720      24        1350    45

18        1110    37        1170    39        900      30        900      30        1350    45        900      30        1650    55

19        1380    46        1500    50        1170    39        900      30        750      25        900      30        1650    55

20        870      29        900      30        750      25        750      25        450      15        750      25        1170    39

Total    22860  762      24690  823      21540  718      19560  652      24150  805      21480  716      22530  751

Moyenne         1143    38        1235    41        1077    36        978      33        1208    40        1074    36        1127    38

 

Les données collectée sur un échantillon de 20 commerçants de fougère (Pteridum centrali-africanum) du 05 au 11 septembre 2005 au niveau du marché de la liberté à Masina présentées dans ce tableau montrent un approvisionnement journalier moyen de 37 bottes de jeune pousse (pieds) de fougère (Pteridum centrali-africanum ) représentant une moyenne journalière de 746,7 Fc soit 1,78$ au taux de 420 Fc le dollars ($). Signalons qu’il n y a pas eu des différences significatives en ce qui concerne la comparaison des prélèvements pour les 7 jours de la semaines. Etant donné que l’approvisionnement engendre un prélèvement sur le milieu naturel, mutandis mutadis ; une botte de 30Fc contient en moyenne 15 pieds de fougère (Pteridium centrali –africanum ); pour une journée de prélèvement, nous avons estimé à 561 pieds de fougère (Pteridium centrali –africanum ) exploités.

Fig.1. De la cueillette à la consommation (Photo  Biloso Moyene 2005)

 

Une exploitante en pleine cueillette à Bibwa     Les fougères conditionnées en botte de 1,5Kg

 

 

3.4. Condition d’échange

Le commerce de fougère se réalise dans les mêmes conditions et spécificités que tous  les autres produits agricoles. Les fougères sont vendues à même le sol, elles sont périssables, le prix est fonction de la qualité et de l’état du produit. Les heures de pointes pour la vente est aux environs de 11 heures, la tendance à la solde est remarquable aux environs de 15 à 16 hoo, les vendeurs ne disposant pas d’infrastructures de stockage et de conservation adéquates, il sont obligés de rabattre le prix (vente à des prix cassés).

Le prix est fonction de l’unité de vente qui est la botte. Les bottes sont variables à chaque type de marché. Au niveau de producteur (cueilleur) on a des bottes de 1,5 Kg en moyenne respectivement à 50 Fc, ce qui équivaut au prix moyen de fougère au niveau des marchés primaire auprès du cueilleur. Cette même botte est revendue à 100 Fc au niveau de marché secondaire (Parkings, marchés terminaux) chez les détaillants, ces derniers conditionnent les fougères en botte de 250 à 300 grammes qu’ils revendent aux consommateurs à 30 Fc ; c’est le prix au consommateur. En faisant la règle de trois simple, nous déduisons qu’une botte de 1,5Kg acheté à 50Fc auprès du cueilleur revient à 150 Fc ou 180Fc (Soit 165 Fc en moyenne) auprès du détaillant au marché de Masina.

 

3.5. Rentabilité économique de la commercialisation de fougère

Dans ce point, nous avons tenté de dégager les marges de commercialisation et analyser la part du bénéfice dans la réalisation du chiffre d’affaire.

3.5.1. Les  Coûts d’acquisition

Signalons que nous travaillons sur base des moyennes du mois de septembre 2005 ( 37 bottes pour la production, 50 Fc pour le prix d’achat et 1,5 Kg pour le poids). Quant aux charges d’approvisionnement (transport et manutention), nous les prenions en fonction de tarif de transport de l’hôtel de ville de Kinshasa en vigueur pour la même période d’observation et de collecte des données.

Tableau8. Les coûts d’achat

Coût d’achat    Source d’approvisionnement

            Maluku            Ngamanzo       Menkao           Bibwa

Prix d’achat/botte        50 Fc   50 Fc   50 Fc   50 Fc

Charge d’approvisionnement/botte       11 Fc   7 Fc     19 Fc   4,5 Fc

Total/botte       61Fc    57 Fc   69 Fc   54,5 Fc

Source : nos calculs sur base des enquêtes de septembre 2005

Il ressort de ce tableau que les coûts d’achats sont variables en fonction de la source d’approvisionnement en fougère. Ce coût oscille autour de  6O Fc.

Le demi-grossiste doit engager 61 Fc pour acheminer une botte de fougère de 1,5 Kg cueillie à Maluku vers Masina, 57 Fc pour Ngamanzo, 69 Fc pour Menkao et 54,5 Fc pour Bibwa.

Au niveau des détaillants, tous achètent des fougères auprès de demi-grossistes à 100 Fc la botte de 1,5Kg. Le coût d’acquisition pour le détaillant est de 1OO Fc

 

3.5.2. Les ventes

3.5.2.1. Au niveau des demi-grossistes

L’unité de vente est respectivement la botte de 1,5 Kg au prix de 100 Fc auprès des détaillants.

3.5.2.2. Au niveau des détaillants

La botte achetée à 100 Fc auprès des demi-grossistes est conditionnée en botte de 250 ou 300 grammes et revendue à 30 Fc. Nous disons qu’une botte de 1,5Kg est revendue à 150 ou 180 Fc (165 Fc en moyenne) auprès du consommateur.

 

3.5.3. Marge bénéficiaire et rentabilité

La marge bénéficiaire est la différence entre les Coûts de distribution et les coûts d’achat.

Pour ce qui est du commerce de fougère à Masina, nous le dégageons pour l’unité de vente qui est la botte.

La rentabilité est le rapport exprimé en pourcentage entre la marge bénéficiaire et le chiffre d’affaire.

Les formules suivantes nous ont servi pour les calcules.

 

 

  C’est aussi le rapport en % 

Tableau9. Marge bénéficiaire et rentabilité chez les demi-grossistes

 

Eléments constitutifs     Source d’approvisionnement

            Maluku            Ngamanzo       Menkao           Bibwa

Coût d’acquisition/botte           61Fc    57 Fc   69 Fc   54,5 Fc

Vente/botte      100Fc  100Fc  100Fc  100Fc

Marge bénéficiaire/botte          39 Fc   43 Fc   21 Fc   45,5 Fc

Rentabilité        39%     43%     21%     45,5%

Source : nos calcul sur base des nos enquêtes de septembre 2OO6

Il ressort de ce tableau que la rentabilité au niveau du demi-grossiste est élevée pour Bibwa (avec 45,5%), suivie de Ngamanzo avec 43%, Maluku avec 39% et Menkao avec 21%.

Nous disons que la rentabilité moyenne du commerce de fougère au niveau des demi-grossistes est de 37%.

Au niveau des détaillant, la rentabilité est calculée de la manière suivante :

Tableau9. Marge bénéficiaire et rentabilité chez les détaillants

 

Eléments constitutifs     Marchés secondaires

            Parking de Bitabe        Parking de Hindou       Parking Q3      Parking de Pascal

Coût d’acquisition/botte           100Fc 102Fc  102Fc  102Fc

Vente1/botte    165 Fc 165 Fc 165 Fc 165 Fc

Marge bénéficiaire/botte          65 Fc   63 Fc   63 Fc   63 Fc

Rentabilité1      39%     38%     38%     38%

Vente2/botte    150 Fc 150 Fc 150 Fc 150 Fc

Marge bénéficiaire/botte          50 Fc   48 Fc   48 Fc   48 Fc

Rentabilité2      33%     32%     32%     32%

Vente3/botte    180 Fc 180 Fc 180 Fc 180 Fc

Marge bénéficiaire/botte          80 Fc   78 Fc   78 Fc   78 Fc

Rentabilité3      44%     43%     43%     43%

Source : nos calcul sur base des nos enquêtes de septembre 2OO6

Nous constatons que les marges sont près que les mêmes pour chaque catégorie d’intervenant dans le commerce de fougère.

Si bien que le commerce de fougère soit dans le secteur informel, il offre un revenu pour la survie et la lutte contre l’insécurité alimentaire pour les usagers.

 

Perspectives

La fougère (Pteridium centrali-africanum Hieron) jusqu’aujourd’hui est objet de la cueillette, elle est un produit local bien que nutritif.

L’importance de la fougère est principalement locale et souvent seulement historique (Lubini et al, 1994). Alors pour répondre ou assurer la sécurité alimentaire, vu la poussée démographique de la ville de Kinshasa, la vulgarisation des techniques de cuissons pour s’en débarrasser des substances toxiques que cela a été confirmé, limite son aptitude à la consommation humaine. En Afrique, l’utilisation alimentaire de Pteridium centrali-africanum doit être découragée ou faire l’objet de suivi, et les autorités sanitaires devraient mettre en garde les populations locales contre ses dangers.

Si après vulgarisation et investigation on constate que la population s’intéresse de plus en plus au produit, induisant une forte demande de fougère au marché, on pourra voir comment conseiller la production. Il est vrai que la fougère fournit un certain apport du point de vue de la sécurité alimentaire (sa disponibilité sur les marchés, sa stabilité dans les approvisionnement et son accessibilité), mais malheureusement, elle n’est pas consommée par toutes les tribus de la RDC par le fait qu’elle ne fait pas partie des leurs habitudes alimentaires.

 

 

CONCLUSION

 

Depuis plus d’une décennie déjà, la malnutrition et la sous-alimentation pèsent sur la population congolaise. Elles font des ravages surtout parmi les personnes plus vulnérables qui sont les tout petits, les femmes enceintes et les vieillards. Cette situation est due au fait que la production agricole nationale n’arrive plus à couvrir les besoins alimentaires et nutritionnels de la population.

 

Mal nourrie et sous-alimenté, la population congolaise présente un état sanitaire morbide qui a affecté sensiblement sa productivité du travail.

Condamnés à survivre, les pauvres exercent une pression trop forte sur l’environnement naturel pour en tirer ce qui peut leur permettre de ne pas mourir de faim. Ils exploitent de façon la plus irrationnelle les ressources naturelles. Ceci grâce à  la cueillette facile, l’accès facile et le prix abordable.

Les revenus générés bien que précaires garantissent une survie aux intervenants dans la chaîne de commercialisation. Le profit au sens strict n’est pas l’objectif principal pour toutes ces activités qui sont du reste menés en vue de résoudre un problème de survie dans la conjoncture particulièrement difficile.

Le maintien de la fougère dans la commercialisation des produits alimentaires à Kinshasa est plus qu’une stratégie de survie qu’une activité lucrative permettant l’amélioration sensible des conditions de travail. Ceci peut se justifier dans le calcul de la rentabilité économique de la présente étude. Le coût d’acquisition d’une botte est de 60Fc pour les demi-grossiste, respectivement vendu à 100 Fc. Et 102 Fc comme coût d’acquisition auprès des détaillants, respectivement vendus en moyenne à 165 Fc et ainsi une rentabilité de 37 % pour le demi-grossiste et 38% au niveau de détaillants.

 

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

 

Biloso Moyene A., 2003 , Contribution à l’étude d’approvisionnement et distribution des produits de chasse et de cueillette dans la ville de Kinshasa en R.D.Congo, D.E.S interuniversitaire en Gestion des Ressources Animales et Végétales en Milieux Tropicaux, FUSAGX/ ULG (Belgique), 53 p. inédit.

Kankonde Mukadi J. et Tollens E., 2001 , La sécurité alimentaire au Congo-Kinshasa,  analyse, production et consommation, Harmattan, KUL, Paris, 348p.Uni. 20 p.

Kinkela Savy S.,2004 : Analyse genre dans le système de production du manioc, cas du plateau de Batéké à Kinshasa, INERA, 46 p

Lubini A. Kusehuluka  K. & Bunga B., 1994 , Plantes utilisées dans les traitement de la blennorragie et de la syphilis à Kinshasa (Zaïre). In Proc. XIIIème Plenary Meeting AETFAT, Malawi, 1 : 251-260.

Lubini A.1997 , Utilisation des plantes par les Yansi de l’entre Kwilu-Kasaï (Zaïre). In Proc. XIIIème Plenary Meeting AETFAT, Malawi, 1 : 53-74.

Mbemba F et Remacle J, 1992 , Inventaire, identification et composition chimique des aliments et denrées alimentaires traditionnelles du Kwango-Kwilu au Zaïre, DGCG,  p.17-24.

PAM. 2004 , Rapport d’enquête sur la sécurité alimentaire et les stratégies de survie à Kinshasa, Kinshasa, 33 p.

PROTA. 2005 , Les légumes, www. Prota.org/legume/Pteridium sp, consulté le 2O septebre 2005.

 

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.