06.06.06 Tentatives de comparaison des législations forestières dans les pays du bassin du Congo, par Faustin Kuediasala (Le Potentiel)

Mais seul le Cameroun a prévu que les collectivités publiques locales (ici, les communes) puissent avoir un domaine privé forestier. Enfin, le statut juridique réel n’est pas toujours en phase avec l’intention du législateur : la constitution d’un domaine forestier permanent passe par le classement effectif des forêts, ou par un acte juridique formel équivalent visant à verser des massifs forestiers précis dans la catégorie visée. Seul le Cameroun a entamé un vaste processus de classement pour les forêts de sa partie méridionale. L’articulation entre le droit foncier et les codes forestiers reste une question juridique et institutionnelle sur laquelle les pays devront se pencher.

L’ACCES AUX RESSOURCES BOISEES

L’accès aux ressources se fait sous différents régimes, le plus connu étant celui de la concession forestière, qui correspond à un mode de gestion privé sur une propriété publique. Pour lutter contre l’exploitation illégale, les gouvernements ont réduit fortement la place des permis basés sur le volume, qui donnent facilement lieu à des fraudes par dépassement systématique des volumes autorisés, et qui sont également des vecteurs de fraude fiscale (échapper aux taxes de superficie) ou de contournement de quotas imposée aux concessions (par exemple les quotas de transformation ou d’essences). Mais cette politique rend très délicate la position des exploitants artisanaux et de certains petits exploitants qui basculent souvent du côté de l’exploitation informelle, donc se mettent en dehors de la légalité.

Le Cameroun a supprimé ou suspendu depuis 1999 les différents permis en volume (autorisations personnelles de coupe de 30 m3, Autorisations de Récupérations de Bois qui permettent aux exploitants d’enlever les grumes trouvées « abandonnées » en forêt et mises aux enchères, Coupe de Sauvetage de Bois …) qui existaient, même si certains permis restent assez souvent délivrés localement par les autorités dans le domaine non permanent . Au Gabon, les permis en volume concernent essentiellement le Permis de Gré à Gré, qui permet la délivrance à des citoyens gabonais de coupes comprenant jusqu’à 50 pieds.

L’administration admet qu’il est très difficile de vérifier que ce nombre de pieds est bien respecté (Oibt, 2005). La suppression des « permis de bois d’œuvre » au Congo-Brazzaville a suscité une protestation des exploitants artisanaux. Dans ce pays, on peut noter les permis de coupe des bois de plantation (plantations étatiques). Le code de la Rca permet la délivrance de « permis spéciaux » de coupe sur une superficie maximum de 10 ha.

Les durées d’attribution des permis varient de 15 ans renouvelables (Cameroun et Guinée Équatoriale) à 99 ans (Rca). Idéalement, la durée des permis devrait être proche des durées de rotation, mais la clause de renouvellement donne néanmoins une certaine sécurité à l’investisseur.

MODES D’ATTRIBUTION

Les permis forestiers sont accordés sur une base discrétionnaire par les administrations sur la base de différents critères, comme le projet d’investissement, l’impact social envisagé des activités ou la présence dans le pays. L’exception vient du Cameroun, lequel a mis sur pied depuis 1996 un mécanisme d’adjudication tant pour les concessions que pour les ventes de coupe. Celui-ci comprend deux étapes : une phase de présélection où sont examinées les infractions forestières imputables aux candidats, les compétences techniques présentées et la solvabilité. La note éliminatoire est de 65 sur 100 ; une phase d’examen des offres techniques et financières. La note technique compte pour 30%, et l’offre financière, qui correspond au montant que propose le candidat au titre de la Rfa (Redevance forestière annuelle, assise sur la superficie concédée), compte pour 70%.

L’offre financière est annoncée en public, et le résultat proclamé immédiatement après calcul du nombre total de points. Le gagnant doit constituer auprès d’un établissement bancaire une caution financière correspondant à un an de paiement de la Rfa. Il peut renoncer à la concession dans un certain délai, auquel cas celle-ci revient au candidat arrivé en deuxième position. L’ensemble du processus est suivi par un Observateur Indépendant, appointé par le gouvernement, qui donne son avis sur les procédures et rend compte au Gouvernement et à diverses institutions du déroulement des opérations.

Le Code forestier de la Rdc indique que les concessions doivent être attribuées par voie d’adjudication, l’attribution en gré à gré restant possible « à titre exceptionnel » (art. 83 et 86). Un arrêté fixant les modalités d’adjudication est en préparation ; il s’inspire du mécanisme camerounais. En attendant, un moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions a été décidé par un arrêté du 14 mai 2002, mais il n’a pas été entièrement respecté. Mentionnons que depuis mai 2005 la Rca a adopté un mécanisme d’adjudication similaire à celui du Cameroun, avec une pondération différente (40% pour l’offre technique, 60% pour l’offre financière), qui devrait être appliqué en cas de réattribution des concessions suite à un retrait ou un dépôt de bilan.

PERMIS RESERVES AUX OPERATEURS NATIONAUX

Outre les permis en volume, certaines zones ou catégories de permis de surface sont réservées par la législation aux ressortissants nationaux. C’est le cas au Gabon, pour les permis de la « première zone » (qui borde la côte) et pour les Permis Forestiers Associés (Pfa). Au Cameroun, une partie des Unités forestières d’aménagement (Ufa) mises en adjudication sont réservées aux opérateurs nationaux. Cela n’a pas toujours été le cas, les adjudications de 2000 et de 2001 ayant été ouvertes à tous les candidats. Quant aux ventes de coupe, celles qui sont délivrées sur le domaine permanent sont réservées aux nationaux (art. 44-2) mais pas celles qui le sont sur le domaine national (art 53). Cependant, peu ou pas de ventes de coupe sont délivrées sur le domaine permanent, et le gouvernement a réservé en 2005 des quotas de ventes de coupe aux ressortissants camerounais sur le domaine national.

Les permis réservés aux ressortissants nationaux sont souvent confiés en sous-traitance ou en « fermage » à des exploitants étrangers qui disposent de moyens d’exploitation que n’ont pas, bien souvent, les attributaires nationaux dont très peu sont de véritables professionnels. Cette forme de sous-traitance a le grand défaut de briser la chaîne des responsabilités de la gestion forestière et de ne pas inciter au développement d’une vision de long terme, compte tenu de la possibilité de changement de «fermier ».

LA PLACE DES POPULATIONS LOCALES

La réservation de permis de surface aux nationaux n’a pas véritablement réussi, à quelques rares exceptions près au Cameroun, à faire émerger une classe d’entrepreneurs nationaux.

Les populations peuvent bénéficier de forêts communautaires au Cameroun et en Guinée équatoriale, et la loi le prévoit également au Gabon et en Rdc. Au Cameroun, 67 forêts communautaires ont été constituées depuis 1997 (sur 180 demandes reçues), pour environ 240.000 ha (Gfw, 2005) et ce nombre serait de plus de 80 fin 2005. Depuis 2002, les communautés bénéficient d’un droit de préemption sur les futures « ventes de coupe » prévues dans le domaine national. En Rca, bien que le code forestier ne mentionne pas cette possibilité, un projet pilote a démarré pour la constitution de 6 forêts communautaires. Au Gabon, le gouvernement envisage la constitution de forêts communautaires dans le cadre de projets pilotes (Oibt, 2005). Le code de la Rdc indique que les communautés pourront bénéficier de concessions forestières sur les terres boisées « détenues en vertu des coutume » (art. 22) sur le domaine protégé, mais aucune concession communautaire n’a été constituée à ce jour. Mais si, au Cameroun, seule une exploitation artisanale est, en principe, autorisée sur les forêts communautaires depuis 2001, le code forestier de la Rdc prévoit que l’exploitation des concessions des communautés peut être confiée, par contrat, à un exploitant artisanal (art. 112) ou à « un tiers » en vertu d’un contrat d’exploitation (art. 113-3).

Au Cameroun, la surface des forêts communautaires est plafonnée à 5.000 ha et celles-ci doivent être dotées d’un plan simple de gestion validé par l’administration ; en Rdc, aucun texte d’application n’a encore fixé de plafond de superficie pour les concessions des communautés.

Au Cameroun, les populations locales devraient bénéficier également de l’exploitation des forêts communales à travers les redevances versées à la commune par le bénéficiaire du permis.

FISCALITE AFFECTEE LOCALEMENT

Au Cameroun, les populations riveraines des concessions bénéficient de 10% du montant de la Redevance forestière annuelle (Rfa), assise sur la superficie de la concession et déterminée par le mécanisme d’adjudication. Les fonds sont versés par la commune à un Comité de Gestion constitué au sein de chaque communauté bénéficiaire. Une étude récente indique les difficultés des villages bénéficiaires à recevoir des Communes la totalité des sommes qui leur sont dues (Ngoumou Mbarga, 2005). Les communes bénéficient au Cameroun de 40% du montant de la Rfa versé par les concessions et les ventes de coupe situées sur le territoire communal . Ce qui représente un peu plus de 5,5 milliards de Fcfa annuellement, environ. En Rca, 30% de la taxe d’abattage est affecté aux collectivités locales, et 25% de la taxe de reboisement (art. 58 de la Loi de Finances de 1998), ce qui représente en théorie 1,5 milliards de Fcfa environ.

Au Gabon, le cahier des charges sur certains titres d’exploitation de grandes concessions prévoit le versement de 1.000 Fcfa par m3 de bois abattu aux populations riveraines. Une clé de répartition territoriale en fonction des « finages » (zones d’influence de chaque village) a été définie pour la distribution de ces redevances. Cette disposition d’un cahier des charges pourrait être étendue par l’administration à l’ensemble des concessions dans un proche avenir. En République du Congo, 50% de la taxe de superficie est affecté à un fonds spécial ouvert auprès du Trésor pour le développement des régions.

LES CAHIERS DES CHARGES

Une grande part des transferts de fonds et d’avantages en nature au profit des populations locales passe par le système du cahier des charges. Ces cahiers contiennent plus ou moins de clauses prévoyant des transferts sociaux ou des réalisations à caractère socio-économique à la charge des concessionnaires. Les bénéficiaires prévus ne sont pas seulement les communautés villageoises, mais également parfois les collectivités publiques locales voisines, voire les autorités administratives locales et le service forestier. En République du Congo, les transferts organisés par les cahiers des charges ont acquis une ampleur particulière (Karsenty et Pierre, 2005).

En Rdc, il n’existe pas encore de cahiers des charges, mais les transferts informels en argent ou en nature au profit des populations et des autorités locales sont fréquents et négociés (ou imposés) au cas par cas.

Le Potentiel 06.06.06

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