Il y a trente ans, le Yoka Lokole (La Conscience)
Le vendredi 9 juin 2006
'ENSEMBLE musical Yoka Lokole fut creé par Shungu Wembadio (Papa Wemba), Mavuela Somo et Bozi Boziana en Novembre 1975 à Kinshasa lorsque ceux-ci se séparèrent d' Evoloko Lay Lay et du groupe Isifi Lokole, après une querelle de leadership. De Isifi Lokole, le trio emmena avec eux le soliste Shora, alias Maillot Jaune, et le batteur Otis (Moto na Libandi), qui se convertit en drummer.
Mavuela Somo, Evoloko Lay Lay et Shungu Wembadio |
Le Yoka Lokole connut un début musical lent. En effet, en cette fin de l'année 1975, le Zaïko Langa-Langa, que Papa Wemba, Evoloko Lay-Lay, Mavuela Somo et Bozi Boziana avaient quitté une année auparavant, avait réussi son retour au premier plan après une longue hibernation et le Isifi Lokole, qui se dénommait désormais Isifi Mélodia sous la houlette du seul Evoloko Lay Lay, marchait très bien. En Mars 1976, l'attaque chant de Yoka Lokole, qu'on appelle à l'époque « The Fania All Stars » reçoit un renfort de taille avec l'arrivée de Mashakado Mbuta, qui venait de claquer les portes de Zaïko Langa-Langa. Et le grand succès ne se fera pas attendre.
Evoloko Lay Lay |
En Juin 1976, la chanson « Matembele Bangi » (Papa Wemba) caracole déjà en tête des hit-parades congolais et la danse « Mashakado au Pas » de Yoka Lokole n'a de rivales que le « Choquez » du Tout-Choc Zaïko Langa-Langa et le « Lofimbo » du groupe Isifi Mélodia d'Evoloko Lay Lay. Les grandes vacances 1976 sont particulièrement Chaudes. En ce même mois de Juin 1976, Luambo Djo Issa, un autre show-man en provenance du groupe Stukas de Lita Bembo, rejoint le Yoka Lokole qui va lancer successivement sur le marché de disques des tubes comme « Maloba Bakoko » (Mavuela Somo), « Mabita » (Mbuta Mashakado), « Lisuma Ya Zazu » et « Mama Walli » (Papa Wemba), « Bana Kin « (Mavuela Somo).
En Décembre 1976, des querelles de gestion et de leadership apparaissent au grand jour dans le Yoka Lokole. L'arrestation de Papa Wemba en ce début de Decembre 1976 ( pour avoir être sorti avec la fille d'un Général d'Armée du régime Mobutu) et son court séjour d'emprisonnement à la prison centrale de Makala ne vont arranger pas les choses. Pendant que le reste de Yoka Lokole fait une tournée dans le Bas-Congo pour, paraît-il, réunir un peu de fond, Papa Wemba, encore en gêole, y voit un acte de négligence et d'abandon par son propre groupe. A ce point, la crise est ouverte entre Papa Wemba, soutenus par ses proches et fans compatissants, et le Duo Mavuela-Mashakado, qui ont pris l'habitude, comme on sait le faire à Kinshasa, de revendiquer et d'afficher publiquement leurs origines Kinoises, particulièrement avec la chanson « Bana Kin » (Mavuela) qui fait fureur en cette fin d'année 1976.
Mavuela Somo Siméon |
Vers la fin de Décembre 1976, Shungu Wembadio (Papa Wemba) est enfin libéré. Lorsqu'il essaie de rejoindre le Yoka Lokole dans un Concert au 1-2-3, le fameux dancing-bar de Luambo Makiadi Franco, ses compagnons, Mashakado Mbuta en tête, lui signifient sa suspension du groupe. Ce sera la dernière apparition de Papa Wemba avec le Yoka Lokole au grand complet. Ensuite, on assistera à une querelle de nom avec d'un coté le Yoka Lokole « Aile Mavuela », et de l'autre le Yoka Lokole-Aile-Shungu. De guerre lasse, Papa Wemba va opter en Février 1977 pour son nouveau groupe l'appelation « Viva La Musica », tirée du cri de guerre (« Que viva la Musica… Que Viva The Fania All-Stars » ) aux temps forts de Yoka Lokole.
En ce début 1977, le Yoka Lokole perd aussi le guitariste Syriana et le drummer Otis qui suivent Papa Wemba dans le nouveau Viva La Musica. Le groupe va évoluer aussi sans le bouillant Mashakado Mbuta qui a accompagné Tabu Ley Rochereau et une sélection musicale du Zaire au Festival International de Lagos-1977 au Nigeria. Pendant ce temps, Papa Wemba et son Viva La Musica font un début foudroyant sur la scène musicale au Zaire et en Afrique Centrale. Le succès énorme de Viva La Musica met en difficulté tous les orchestres en vue au Zaire, en dehors de OK Jazz de Franco et de l'Afrisa de Rochereau. Le Yoka Lokole n'y échappe pas. D'après une rumeur à Kinshasa, le duo Mavuela-Mashakado, en s'attaquant directement et publiquement aux non natifs de Kinshasa (un « mowuta » en lingala), par la personne de Papa Wemba en particulier, s'était créé beaucoup d'ennemis aux dents longues, qui ont toujours eu à Kinshasa assez de pouvoirs financiers, politiques et occultes capables de faire et défaire des orchestres en fonctions de courants politiques ou de moeurs du temps. L'affaire n'était pas banale. On a entendu dire que le Président Mobutu se serait exclamé un jour : « Ngai, Mowuta ? ». Il n'était pas le seul d'ailleurs dans ce cas, Franco est né a Nsona-Bata (Bas-Congo), et Rochereau a vu le jour dans le Bandundu.
Shungu Wembadio |
Sentant le vent tourner mal, Bozi Boziana, malgré le succès du single « Mandolina » (Fevrier 1977), sera le premier à quitter le navire Yoka Lokole en Avril 1977.
Lorsque Mbuta Mashakado revient de Lagos en Mai 1977, la situation générale du groupe Yoka Lokole n'est pas rose. Le Zaïko Langa-Langa, également en perte de vitesse et sans un véritable show-man pour faire un contre-poids au succès de Viva La Musica, fait ouvertement des appels de pied à Mbuta Mashakado. Ce dernier ne résiste pas longtemps et rejoint le Zaïko Langa-Langa en aout 1977 en criant « Tout droit… Na Canaille Kaka » sur le podium de Fikin 1977. Après ces départs, Mavuela devint le seul « maître à bord » de l'orchestre Yoka Lokole, qui va recruter de nouvelles figures comme le guitariste Bidens, les chanteurs Fanfan (Fafa de Molokai), Shimita Lukombo, les frères Fataki et sortir successivement des chansons de bonnes factures comme « Testament », « Tubela » (Mavuela), sans vraiment accrocher le grand public. Le Yoka Lokole, sous la direction intérimaire du guitariste Sec-Bidens, va disparaître progressivement de la scène musicale lorsque Mavuela Somo entame une carrière solo au Gabon en Décembre 1978.