"Le Congolais est-il plus poète que prosateur ?" parA.E Mbuyamba K.
NTOINE-ROGER Bolamba, l'un des pionniers de notre littérature écrite, se manifeste essentiellement par la poésie. En 1947, il publie son premier recueil de poèmes Premiers essais et en 1955, sa seconde somme poétique Esango. Chants pour mon pays. L'une des premières femmes écrivains aussi, Clémentine Nzuji, se fait découvrir du public par le truchement de la poésie en 1967 avec son premier recueil de poèmes Murmures.
Les écrivains, que les Editions Belles-Lettres du Ministère de la Culture -créées en 1966. lancent sur le marché du Livre littéraire, sont en majorité des poètes. Ce sont, entre autres, Gaby Sumaïli (Aux flancs de l'Equateur), Théophile Ayimpam (Les complaintes du Zaïre), Paul-Olivier Musangi (Les ancêtres zaïrois), etc. Le premier concours littéraire, qui est organisé en 1967 dans la période post-indépendante par l'extension universitaire de l'Université Lovanium de Kinshasa en collaboration avec la Faculté de Philosophie et Lettres de ladite Université en mémoire d'un étudiant-poète très tôt disparu, Sébastien Ngonso, porte uniquement sur la poésie. Ce concours a permis de révéler beaucoup de talents poétiques parmi les étudiants de cette Université dont entre autres Gaby Sumaïli, Philippe Masegabio, Isidore Ndaywel, Théophane Buluku (décédé), etc. Le second concours littéraire dans la période évoquée a lieu en 1968 et est organisé par le Goethe Institut, un centre culturel de l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne dans notre pays. Il porte aussi uniquement sur la poésie. Ses lauréats sont tous étudiants à l'Université Lovanium de Kinshasa, à savoir Marie-Eugénie Mpongo, Philippe Masegabio et Théophane Buluku.
La même année, 1968, signalons la création des Editions Lettre congolaises au sein de l'Office national de la recherche et du développement (ONRD) qui publieront les premiers recueils de poèmes de facture élaborée et qui seront parmi les meilleurs de la jeune littérature congolaise moderne. Leurs auteurs sont tous des étudiants de l'enseignement supérieur et de l'Université : Philippe Masegabio (Somme première), Dieudonné Kadima-Nzuji (Les ressacs), etc.
Au concours littéraire de Léopold Sédar Senghor de 1969, le groupe de poètes totalisait environ autant de représentants que les quatre autres genres ensemble. Aussi, c'est dans la poésie que se sont révélés les principaux talents, les autres genres ne suivant que de loin. Ce constat est pratiquement le même au concours littéraire Joseph-Désiré Mobutu de 1970. Il a révélé, à son tour, plus de talents en poésie que les autres genres.
En plus d'un nom déjà connu d'Elisabeth Françoise Mweya – lauréat du concours littéraire Sébastien Ngonso – émerge de nouveaux noms que sont Ida-Harvey Kabongo, Philippe Elebe, Gabriel Osesa-Akotshi et Lambert Kabantashi. Même les Congolais qui, pour la première fois, se font publier à l'étranger sont des poètes. Etienne Tshinday Lukumbi est le deuxième Congolais – après Antoine-Roger Bolamba en 1955- qui est édité pa la prestigieuse maison d'édition parisienne 'Présence Africaine' : Marche, ô pays des espoirs (1967). Matala Mukadi Tshiakatumba l'est aussi par une autre prestigieuse maison d'édition parisienne 'Seghers' : Réveil dans un nid de flammes (1969).
De plus, le premier professeur d'université qui s'adonne à l'écriture, V.Y. Mudimbe, commence par la poésie en publiant son premier recueil de poèmes, Déchirures, en 1974 aux éditions du Mont Noir qu'il venait de fonder en collaboration avec le Père Pierre Détienne. Ainsi, depuis l'existence de notre littérature moderne dans les années 1940 à ce jour, la poésie demeure un genre très cultivé.
Des nouvelles plaquettes parues sont nombreuses et témoignent toujours de la vitalité de cette discipline. Leur quantité est importante, mais la qualité dans la plupart des cas est sujette à caution. Cependant, ces vingt dernières années une nouvelle génération de jeunes poètes aux talents parfois -et souvent- prometteurs est en train de prendre la relève de poètes de la première génération post-indépendante. J'en ai fait cas dans la rubrique intitulée Découvrons nos écrivains zaïrois/congolais que j'anime depuis plusieurs années dans la périodique Renaître paraissant à Kinshasa.
La prédominance de la poésie sur les autres genres s'observe aussi dans la littérature congolaise produite dans nos langues locales. Citons, à titre d'exemples, Makolo Muswaswa, auteur de deux recueils en tshiluba : Kanyi Kalombo (1979) et Munanga Wanyi (1990) ; Théo-Omer Ngoy Lukangu avec Kasaï wa balengela (1986) et Zaïre ditunga dietu (1994) -poème en tshiluba- ; Kasele Laïsi, auteur d'un recueil poèmes en swahili (Simameni wa kongomani, etc.). Il faut note que ces trois poètes ont produit aussi des textes poétiques en langue française.
Tout en souhaitant que d'autres genres littéraires se développent aussi de façon considérable et harmonieuse, le choix est néanmoins laissé à tout écrivain pour qu'il exploite la forme scripturale qu'il aime et qu'il maîtrise le mieux. Mais, dans ce choix, il faut qu'il respecte la dialectisation du fond et de la forme. Car, toute littérature est avant tout la synthèse de dire et du comment dire.
Pr. A.E Mbuyamba K.
Université de Kinshasa
© Le Potentiel 20.05.2006