Le « Dircab » de JP Bemba accuse les services de la chaîne des dépenses (Le Phare)

Exercice périlleux sur le plan scientifique, parce que Delly Sessanga Hipung a usé et abusé de tout ce qu'il détient comme expressions juridiques et économico-financières pour réfuter les chiffres récemment avancés par la presse kinoise démontrant le scandale des dépassements budgétaires à charge de l'espace présidentiel. Au bas mot, ce dernier aurait consommé, au-delà de ce qui lui avait été autorisé par la loi des finances de l'exercice 2004 , le montant effrayant de l'ordre de 27 millions d'Euros. Et sur lequel, la vice-présidence de la République chargée de l'ECOFIN aurait battu, à elle seule, le record de 11 millions d'Euros.

D'entrée en jeu, le directeur de cabinet a annoncé avec fierté l'imminence d'un projet de loi de reddition des comptes que le ministère des Finances se prépare à rendre public, lequel dressera le tableau retraçant la part de chaque consommateur des dépenses du budget de l'Etat pour l'exercice 2004. Ce qui permettra à l'opinion de se rendre compte des erreurs matérielles ou omissions volontaires contenues dans les rapports des dépenses établis par les divers services de la chaîne des dépenses et qui auraient imputé à d'autres institutions de la République, essentiellement l'espace présidentiel, des dépenses qu'il n'a pourtant pas consommées.

Delly Sessanga a d'abord reconnu que la vice-présidence de la République en charge de l'ECOFIN a connu un taux de dépassement budgétaire de l'ordre de 199% lors de l'exercice 2004 avec un taux d'exécution qui a atteint 299% pour la même année. Des dépenses qui avaient trait aux efforts de réunification économique et politique en exécution de l'une des principales résolutions de l'accord global et inclusif, a-t-il martelé face aux onze journalistes invités à ce déjeuner de presse.

Selon lui, contrairement aux chiffres de l'ordre de 3 milliards 164 millions de Francs Congolais que la vice-présidence de l'ECOFIN aurait consommés en dépassement de ce qui était autorisé, il faut retenir l'erreur matérielle de 3 milliards. En effet, le budget de l'Etat avait prévu le montant de l'ordre de 789.230.172 F.C. pour la vice-présidence de l'ECOFIN. Mais suite d'une part aux diverses missions tant à l'intérieur qu'à l'étranger pour défendre la cause d'un pays à peine sorti d'une longue guerre meurtrière et d'autre part pour répondre à certaines réalités de la vie et du fonctionnement de l'appareil de l'Etat, la vice-présidence de l'ECOFIN comme les trois autres ainsi que la présidence de la République ont été souvent amenées à intervenir en faveur de certains ministères en recourant à la procédure d'urgence pour débloquer des fonds en rapport avec la nécessité et l'urgence.

Que des fois, le Congo n'a-t-il pas été menacé de ne pas prendre la parole au cours de certains forums internationaux si le gouvernement ne libérait pas au préalable sa quote-partdes cotisations annuelles ou n'aura pas apuré ses arriérés accumulés depuis des dizaines d'années! Vu l'urgence et la nécessité et surtout pour ne pas perdre la face, on a dû recourir à la procédure d'urgence. Mais à cause de la lenteur de l'administration des finances, ces dépenses resteront imputées à l'institution qui avait fait la demande des crédits pendant tout le temps que le vrai consommateur n'aura pas procédé à leur justification et certification.

Or, pour la plupart des cas, c'est la vice-présidence de l'ECOFIN qui est sollicitée pour régler ce genre d'urgences, a indiqué Delly Sessanga. Voilà pourquoi c'est le cabinet de Jean-Pierre Bemba qui est cité comme ayant consommé plus que ce qu'il lui a été autorisé. Seulement voilà, sur le plan politique, cette thèse ne résiste pas à la moindre critique.

Tout d'abord, Delly Sessanga n'a pas dit pourquoi il a attendu près de douze mois pour tenter de justifier ce qui apparaît aujourd'hui aux yeux de nombreux observateurs comme un crime contre l'humanité, surtout pour un pays qui a vraiment besoin de toutes ses ressources financières pour exécuter le programme de la transition et répondre aux exigences des partenaires extérieurs. Tant et si bien que même une banque commerciale privée tient à jour la situation des comptes de ses clients pour leur permettre de ne pas délivrer des chèques sans provisions, comment alors comprendre que les services de la chaîne des dépenses, qui sont d'ailleurs sous le contrôle de la vice-présidence de l'ECOFIN, n'ont pas levé le moindre doigt soit pour sonner l'alarme, soit pour dénoncer les dérapages et cela pendant tout l'exercice 2004 face aux multiples demandes des crédits dépassant les prévisions budgétaires jusqu'à atteindre des sommets vertigineux?

On se réveille maintenant parce que la presse est tombée sur des chiffres qui font peur et démontrent la gourmandise et la boulimie de ceux-là mêmes qui se préparent à organiser les élections générales d'ici quelques mois. Peut-on alors continuer à leur faire confiance? Ceci ne justifie-t-il pas cela? That is the question.

© Le Phare – Fidèle Musangu, 07.11.05

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