Dr.Cheik Modibo Diarra:"Des lions qui marquent leur territoire; c'est le scénario idéal pour le développement de l'Afrique"

C’est par ces mots que Cheick
Modibo Diarra, l’astrophysicien malien de la Nasa, organisateur de
l’événement a introduit la conférence sur le thème : « Quels avenirs
peut-on envisager pour l’Afrique ? ». Il avait invité Alioune Sall,
directeur de l’Institut des Futurs Africains, à venir exposer ses
recherches sur les devenirs probables du continent noir.
La conférence débat s’est appuyée sur les recherches que le Dr. Sall a
menées pour préparer son ouvrage intitulé « Afrique 2025 : quels futurs
possibles pour l’Afrique au sud du Sahara ? » et qui propose des pistes
originales pour l’entrée de l'Afrique dans le XXIe siècle.

Se confiant à Freddy MULONGO, le président de Microsoft Afrique, Cheick
Modibo Diarra partage son optimisme pour l'Afrique grâce à une société
civile forte et compétente Crédit photo:Oussouf DIAGOLA,Agence Nabara.

 

 

"L’avenir de l’Afrique en débat : quel scénario pour les lions ?"

« Il n’y a pas de fatalité qui ferait de l’Afrique un spectateur de
l’Histoire, s’exclame Alioune Sall. Prospecter sur l’avenir de notre
continent n’est pas un luxe réservé à quelques intellectuels. C’est une
exigence pour réduire les incertitudes. » Avec 1 milliard 500 millions
d’habitants en 2050 (dix fois plus qu’aujourd’hui), une population très
jeune, des ressources naturelles importantes et un vaste territoire,
l’Afrique aurait tous les atouts pour devenir un centre économique
mondial incontournable.

Tel est le constat de départ des recherches conduites par Alioune Sall
et son équipe. Mais, au-delà de l’explosion démographique et des
richesses non exploitées, les chercheurs pointent du doigt les
nombreuses difficultés auxquelles doivent faire face les Africains. A
commencer par la santé, qui reste un problème majeur. « La malaria fait
perdre à l’Afrique 13 milliards de dollars chaque année, souligne le
directeur de l’Institut des Futurs Africains. De plus, la jeunesse du
continent peut s’avérer être aussi une faiblesse, car elle entraîne des
besoins sociaux importants. » Autres difficultés mises en exergue : les
régimes dictatoriaux qui n’ont pas totalement disparu, la logique
rentière qui empêche le continent de se lancer dans la compétition
mondiale, l’extraversion économique. Face à ces réalités, beaucoup
d’incertitudes subsistent quant au devenir de l’Afrique. Celui-ci
dépend principalement, selon Alioune Sall, de l’évolution des
mentalités et des régimes de gouvernance.

Des « lions qui marquent leur territoire »

« La logique relationnelle, qui nous fait investir davantage
dans le capital social, communautaire, que dans le capital productif,
va-t-elle céder la place à la logique économique, faite de compétition
? Allons-nous vers une démocratisation plus forte ou bien les régimes
prédateurs vont-ils se maintenir au pouvoir ? » Ces interrogations,
soulevées par Alioune Sall, induisent plusieurs scénarios possibles
concernant le futur de l’Afrique. Le chercheur et son équipe en ont
relevé quatre. Deux scénarios catastrophe : celui des « lions pris au
piège », dans lequel l’Afrique demeurerait incapable de mettre ses
richesses et ses talents au service de ses citoyens, et celui des «
lions affamés », caractérisé par la prédominance des logiques
guerrières.

Deux autres plus optimistes : « " Les lions sortent de leur territoire
" est un scénario dans lequel l’Afrique valorise ses productions
minières et agricoles, investit fortement dans la science, la formation
et développe ses organisations sociales, explique le directeur de
l’Institut des Futurs Africains. Le problème de cette situation c’est
l’accroissement des disparités géographiques et sociales et les
conséquences néfastes sur l’environnement. Le défi, selon nous, c’est
de se développer sans perdre son âme. Ce quatrième scénario, nous
l’avons baptisé " les lions marquent leur territoire ".»

Pour l’atteindre, il faut, selon Alioune Sall, insuffler des
changements dans les modes de vie et de développement. « C’est tout à
fait possible. L’Afrique doit faire sa révolution, s’exclame-t-il. Il
appartient aux Africains d’être responsables et de faire en sorte que
leurs ressources cessent d’être pillées. Aujourd’hui des élites se
contentent de tirer profit des richesses du continent.

Mais une série de revendications émane de la base et amène les Etats à
se dire qu’il faut changer. Nous devons soutenir ces revendications
pour que les hommes politiques soient moins soucieux de gagner les
prochaines élections que de savoir ce qu’ils vont léguer aux futures
générations. » Autre condition nécessaire : faire le tri dans les «
valeurs africaines ». Car certaines sont peu favorables au
développement. C’est le cas, selon le chercheur, du patriarcat. Au
contraire la solidarité est, elle, porteuse d’espoir. Enfin, «
l’Afrique ne pourra s’en sortir si elle reste divisée entre 53 pays,
estime Alioune Sall. Nous devons mettre en commun nos ressources. Les
organisations régionales comme la CEDEAO ou la SADC doivent devenir les
piliers de cette intégration. Quant à l’Union Africaine, ses structures
doivent être investies par la société civile. »

L’Afrique est donc en face de plusieurs futurs possibles. Reste
à savoir quelle direction elle choisira pour avancer. Pour Cheick
Modibo Diarra, le scénario « les lions marquent leur territoire » peut
devenir réalité. « Il faut s’engager, mettre ses ressources dans ce
désir là », lance-t-il à la grande assemblée réunie dans le salon Orsay
de l’hôtel Hilton. Car, comme le disait l’ancien philosophe Sénèque, «
pour qui ignore à quel port se rendre, aucun vent n'est propice ».

De l’avis du Dr Diarra, il est important d’offrir aux futurs
leaders de l’Afrique « une plate-forme où ils peuvent apporter leurs
propres idées et visions sur les façons dont le continent progressera
vers le futur et trouver les façons de concrétiser cette progression ».
La conférence à Paris a donnée aux participants la possibilité de
débattre entre eux et de mettre sur la table des propositions et des
idées pour influencer durablement les orientations du continent.

Lilo Miango et Dr.Cheick Diarra au salon Orsay de l'hôtel Hilton à Paris Crédit photo:Oussouf DIAGOLA, Agence Nabara

«
l’Afrique est en face de plusieurs futurs possibles. Il y a de
nombreuses questions et variables qui peuvent avoir un effet sur les
directions que choisira le continent pour avancer ». L’Afrique, selon
le président pour l’Afrique de Microsoft Corporation, ne doit pas
rester là à attendre que le sort décide pour elle. « Avec une
population relativement jeune, des ressources naturelles importantes et
un vaste territoire, l’Afrique est bien placée pour devenir un centre
économique mondial incontournable », a indiqué le Dr. Diarra

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