24.06.08 Bandundu : quand le diamant empoisonne la vie (Syfia)

Petit village d’à peine 80 cases situé dans le territoire de Kutu, en amont
de Bandundu (chef-lieu de la province), Ibey est devenu, depuis près d’une
année, célèbre grâce à une nouvelle carrière d’exploitation de diamant. Beaucoup
de monde – environ 6000 personnes – y a afflué durant les derniers mois, venant
d’autres provinces du pays et de la République du Congo (Brazzaville)
proche.

 

Seule la voie fluviale permet d’atteindre ce petit eldorado complètement
enclavé. Parti de la capitale provinciale, il nous a fallu 9 heures de
navigation par baleinière, sur la rivière Kasaï agitée, pour atteindre Ibey. A
l’arrivée, notre embarcation a de la peine à trouver de l’espace au port, où ont
accosté, attachés par des chaînes ou des câbles, des centaines de pirogues
motorisées et à pagaie, des canots rapides…

A l’approche du quai, des compagnons de voyage se bouchent le nez. Une
puanteur insupportable monte des eaux. Au milieu de la rivière, des centaines de
dragues ronronnent. Des dizaines de plongeurs vêtus de scaphandres sont à
l’œuvre. Des maisons, des cabanes et des tentes des diamantaires bordent la
rive. Certains de ces derniers passent la nuit à la belle étoile, bravant les
intempéries. "Nous ne pouvons vivre que près de la rivière pour mieux faire
notre travail, surveiller les plongeurs, les tamiseurs…", nous explique un
chercheur de la petite pierre précieuse, Cimpaka Citeks.

Le panorama de la carrière parait curieux. Les maisons sont entassées les
unes à côté des autres, construites en paille ou en nattes. Les nantis habitent
des tentes. La plupart des habitations ne comporte qu'une seule pièce. "Nous
n’avons que faire des maisons en dur, renchérit Cimpaka. Quand le diamant
deviendra rare, ce sera facile de tout démonter et d’aller chercher une autre
carrière ailleurs.".

 

Insouciance de la population

 

Les chercheurs de diamant se soucient peu aussi des conditions d’hygiène.
La plupart font leurs besoins physiologiques dans la rivière, sur laquelle on
voit flotter des ordures de toutes sortes : sachets, bouteilles en plastique,
condoms usagés… Tout le monde se baigne dans ces eaux souillées et polluées qui
servent aussi pour faire la lessive et la cuisine. "Ceux qui ont des moyens
s’approvisionnent en eau vive [eau minérale, Ndlr] à Bandundu, ou achètent l’eau
puisée d’une source lointaine", raconte Mubiala Dido, croisé au premier abord.
Mais cette eau a un coût : 250 Fc (0,45 $) le bidon de 5 litres d’eau de source,
2.000 Fc (3,6 $) une bouteille d’un litre d’eau vive.

Pour le chef d’Ibey, cet afflux de population dite flottante aide les
villageois à s’approvisionner sur place en produits manufacturés, sel, savon,
huile de palme et végétale, friperie…, et en médicaments essentiels (aspirine,
pénicilline, chloroquine…). Avant, ils devaient parcourir de longues distances
pour s’en procurer. Le chef est cependant conscient du danger qui guette la
santé des habitants, qui vivent dans des conditions où aucune règle d’hygiène
n’est observée. Mais il n’a aucune solution pour y faire face. "Je me demande
par quel bâton magique ce peuple sera sauvé si jamais une épidémie se déclare
dans la contrée", s’exclame-t-il.

Des infirmiers et agents de la Croix-Rouge locale, qui vont de village en
village pour dispenser des soins ambulatoires et vendre des produits
pharmaceutiques, s’en inquiètent aussi. L’un d’eux estime que "les victimes se
compteront par centaines parmi les villageois, les riverains et les voyageurs
sur la rivière Kasaï", le jour où une épidémie du genre cholera se déclarera
dans cette zone.

 

Un WC qui ne résout rien

 

Mais ces risques ne sont pas pris au sérieux par les chercheurs de diamant.
"Notre vie, c’est la rivière. Nous sommes habitués à vivre ainsi. Les microbes
ne nous feront absolument rien", lance un plongeur à la fin d’une journée de dur
labeur, après avoir bu 72 cl de lotoko, un alcool local vendu à 2000 Fc dans un
débit de boisson et de tabac à priser et à fumer.

 

L'installation d'une toilette et d’une douche à usage communautaire
construites par un privé ne résout pas le problème d’hygiène. L’eau de la douche
rejetée par ces toilettes se déverse, en effet, dans la rivière. Les mouches
bourdonnent partout. Les asticots rampent sur le pavé. Chaque matin, on voit une
longue queue de gens devant cet unique lieu d’aisance. Mais il ne s’agit que de
ceux qui peuvent payer le droit d’entrée, fixé à 200 Fc pour la douche avec
l’eau de source, et à 250 Fc pour l’usage des WC.

 

Le gros des habitants d'Ibey n'a pas le choix. "Nous utilisons et
continuerons d’utiliser la rivière pour nous soulager", se désole une vendeuse
de friperie, qui trouve coûteux le prix exigé par le propriétaire de ces
toilettes. Chef de division provincial des Mines, Jean Petit Mbuya juge cette
situation préoccupante. Il lance un appel à l’Association des négociants de
diamant pour, dit-il, "créer des structures capables de s’occuper de l’hygiène
dans ce milieu, état donné que leur santé en dépend."

 

 

 

 

Bandundu, 23/06/2008 (Syfia Grands Lacs

 

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