Cest la réconfortante conclusion que lon tire après la lecture du très connectif ouvrage, en portugais, « Contribution Bantu dans la musique populaire brésilienne : perspectives ethnomusicologiques » de lancien congolais de la rive gauche, Kazadi wa Mukuna, sao-pauliste et nord-américain, devenu, et actuellement, Professeur a lUniversité de Kent, dans lOhio.
Livre bien utile, celui-ci vient dêtre réédité, pour la troisième fois, à Sao Paulo, par la maison A Terceira Margem Editora Didactica.
Sétalant sur 223 pages, avec une préface, bien émotive, du vétéran anthropologue autrichien Gerhard Kubik et une présentation faite par l incontournable africaniste de l USP, Fernando Mourao, cette courageuse étude sarticule en trois grands axes dans lesquels, lauteur sattache à redéfinir le concept « d esclaves bantu », identifie, précisément, les éléments musicaux venus de l Afrique centrale et australe ainsi que leurs origines ethniques, le continuum, mais aussi, les mutations subies par cet ensemble organologique dans limmense territoire de l Amérique du sud.
Applique, lancien de la fameuse Université de Californie à Los Angeles, a tenu à soutenir ses affirmations par divers documents.
Lon y retrouve, a cet effet, un tableau sommatif présentant prés dune trentaine de formes expressives de la samba, (du bantu, semba, prendre avec beaucoup délicatesse), dans des configurations chorégraphiques en alignement, en paires, en rapprochement ou en cercle, attestée dans plusieurs régions brésiliennes telles que la Ceara, la Pernambouco, l Alagoas, la Bahia, la Guanabara et le Vale do Paraíba, dans l Etat de Rio de Janeiro.
Lon y remarque aussi des cartes indicatives, du XVI eme siècle, de lancien Kongo et, successivement, celles indiquant la récurrente zone « Congo-Angola », les mouvements de la main dœuvre noire dans le pays – continent de loutre-Atlantique, entre le milieu du XVI et le début du Second Grand Conflit Mondial, correspondant a leffrénée exploitation de lor et du diamant a Mato Grosso, Goiás et, naturellement, dans les Minas Gerais, et une autre, restituant, dans la même période, les déplacements des « gentio congo » vers le Vale do Paraíba, au nord de Sao Paulo.
Cest cette mobilité humaine qui installera, irréparablement, les supports musicaux, les rythmes et les chorégraphies bantu sur presque lensemble des 8 millions et demi de km2 du géant de lAmérique du sud.
Lethnomusicologue a tenu à consigner dans son travail, dans un bel exercice comparatif, une quinzaine de transcriptions et partitions de chants bantu, tels que ceux des Kongo et des Luba de lAfrique centrale et des Makondé du sud-est de la Tanzanie et du nord du Mozambique et les couplets créolisés afro-brésiliens.
Eurythmique
Lun des exercices techniques comparatifs de partita porte sur le chant kikongo « Mono kisala ko » avec un cabula afro-brésilien.
Il a aussi pris soin dy annexer une vingtaine de photographies illustrant lexécution de divers instruments bantu tels que le mélodieux idiophone marimba (xylophone), utilise dans les congadas, leurythmique cuica ou mpwita et l entrainant cordophone mbulumbumba.
Se fondant, visiblement, sur ses mentors, Kubik et Mourao, qui avaient insiste, dans les années 70, respectivement, les « Traces caractéristiques de l Angola dans la musique brésilienne » et le fait que « les locuteurs de langues bantu avaient contribue, significativement, a lagencement culturel du Brésil », le frère de l autre congolais de l Université de Sao Paulo, brésilien, aussi devenu, Kabenguele Munanga, sest donc , résolument, engage a démontrer les liens entre les expressions musicales afro-brésiliennes et l aire culturelle, constituée par l Afrique centrale, australe et orientale, c est a dire le tiers du continent noir.
Les preuves historiques proposées par Kazadi sont assez classiques avec, néanmoins, la mise en relief de la rare relation de Dieudonné Rinchon sur le négoce des mayombe, angico, bateke et bakamba , de la vallée du Niari, sur le littoral allant du Cap Lopez a l embouchure du fleuve Congo, et d autres bois d ébène sur la juteuse « Cote d Angole » , trafic ardemment organise par le Capitaine Negrier nantais Pierre – Ignace Liévin Van Alstein.
Lauteur prend aussi, pour la contre- cote, de nombreux témoignages à caractère historique, confirmant le peuplement majoritaire bantu du Brésil.
Il aligne, notamment, laveu, bien fondé, portant sur la provenance des « nigritio » de la Vale do Paraíba, note par la spécialiste Maria de Lourdes Borges Ribeiro, selon laquelle, « ceux-ci nous étaient envoyé par le grand ravitailleur ( bocarra ) qu était l Angola, et qui nous fournissait régulièrement, régulièrement….D autres « angoleses » venaient de Pernambouco, Bahia e Minas ».
Cest cela qui explique, pour le Professeur de Kent, lexceptionnelle concentration bantu dans la vallée carioca, terre, par excellence des congadas de Sao Benedicto, des sons des Kasanje, des « mocambiques » de Guaratingueta, de la capoeira Angola, du cabula, du candomble ketu, des lundu (du bantu, nzundu , tambor) , des caxixi, des sanza, des mberimbau, des gunga ( cloches),
Lon reconnaitra que lauteur, avantage par ses origines africaines, a eu une lecture plus ombilicale que celle de nombreux de spécialistes brésiliens tels quEdison Carneiro dans sa respectable œuvre « Negros Bantus », publiée, à Rio, en 1937.
Synthèse bien utile, qui mérite d être traduit, en français, « Contribution bantu a la musique populaire brésilienne : perspectives ethnomusicologiques », constitue, a tous points de vue, une contribution de plus pour une meilleure connaissance de la forte influence civilisationnelle des terres des « Atu » au Brésil, immense pays qui constitue la plus importante macrostructure culturelle noire dans le Nouveau Monde.
Et, cest, sans nul doute, pour cela que le Comite d Organisation de la Troisième édition du Festival Mondial des Arts Negres, qu abritera, en Décembre 2009, la très diasporique Dakar, a décidé daccorder au pays de la Samba de Umbigada , le statut de «Pays Invite d Honneur » de ces grandes retrouvailles de l Afrikiya et ses prolongements.
Simao SOUINDOULA
Historien américaniste
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