DIASPORA RIO PLATENSE : LE TANGO, UNE GEOCINESE BANTU

Scelle en 301 pages, sous une impression et un façonnage de remarquable
qualité, cette presque réplique, bien sous-titrée, crânement, « Los origines
del tango y outros aportes al folklore rio platense
. Rectificaciones
historicas
 », s’étale en une quinzaine de chapitres qui mettent en relief
les origines des rythmes et danses candombé, l’évolution créolisée des noirs,
les étonnants  lubolos, interprètes leucodermes des chorégraphies niger,
la récurrente milonga, les apparentes  « Académies »  et le sublime tango et ses
« miracles ».
 

L’on note, en fin d’ouvrage, de vigoureuses Notes Complémentaires dans
lesquelles l’auteur, avec un étonnant discernement scientifique,  brise de
nombreux préjuges sur la  « negrada » et fournit d’intéressantes
informations sur, entre autre communautés présentes dans les bairros del Sur de
Montevideo, les Curimba.
 

Il y analyse aussi la récursive locution interjective bantu, bien
incrustée  dans les candombes « Oye, ye, yumba ! …Calu, gan
gue !
 ».
 

Rossi y a également place une vingtaine de partitions de milongas, parmi
laquelle « La Estrella », composée par Antonio D. Podesta, première pièce
de ce genre,  présentée sur scène. Et, cela fut fait, en 1889, à Montevideo.

La nécessaire introduction signée par l’écrivain vénézuélien Horacio
Jorge Becco est, a plus d’un titre, rafraîchissante, et surtout, bien absout 
Don Rossi, qui a été l’objet des vifs quolibets par ses contemporains
 « portenos ».  Le bolivarien réhabilite, véritablement,  le journaliste
de Cordoba.

En effet, celui-ci précise les affirmations du début du XX éme siècle du
très nationaliste rio platense, ne dans la marge orientale du « Fleuve, Grand
comme la Mer ».

L’on y apprend que les premiers esclaves débarqués, en 1693, a Buenos
Aires, originaires du « grupo bantu, los congos y angolas »,  l’ont été
par des trafiquants portugais, qui avaient déjà bien vide le Royaume des Nzinga
et organise les grands centres d’exportation de pièces d’Inde, Sao Paulo de
Loanda, en 1575, et Sao Felipe de Benguela, en 1617.
 

Précurrences

Ce sont eux qui apportèrent dans la région, profitant largement des
fêtes chrétiennes et en leur offrant des saints « neglos »,  les rythmes
– danses  candombe, camanbu, mama cumanda, yongo, cazambu et
samba
et le membranophone tango.

C’est ainsi que l’estuaire sud-américain bruissera, en plus des sons
«  congos y angolas », ceux des « mozambiques, benguelas, cabindas,
molembos
, y en fin, todos los de Angola » avec leurs marimba,
porongo et mazacalla, sous des chants calunga et
cangue
.
 

Et, ce sont, invariablement, los Reyes de los Congos o de los
Angolas
, qui mèneront, après les sages fêtes catholiques,  les inévitables
spectacles et marches candomberos dominicaux des « Naciones ».

Sur la « Banda » occidentale du fleuve argente, ce sont eux qui créeront
le fameux quartier « el Mondongo » et perpétueront l’initiale milonga,
que Jorge Becca pense qu’elle « es voz bunda » (kimbundu).

Le critique de musique de Caracas soutient l’uruguayen de naissance,
lorsqu’ il avance que le tango a ses origines dans les exhibitions
chorégraphiques  candombes (du bantu ndombe, noir), avec leurs fameux
« cortes e quebradas », lascives précurrences de la milonga.

Cette proto – expression artistique, à l’image du tango, deviendra
aracial, ce qui permettra son intégration dans les littératures nationales rio
platenses ; Oliverio Girondo, par exemple, en fera le titre de l’un des poèmes.

Bien cruellement, l’originaire de la République Orientale, ne en 1871,
rappelle que, durant sa jeunesse, le spectaculaire tango, aujourd’hui (1920), en
plein triomphe mondial, était bien considéré comme « cosa de negros », et
particulièrement « de los Congos e de los Angolas, naciones, las mas profusas
en el Plata
 ».
 

Selon Rossi, d’ autres confréries de la « negrada rio platense »
 contribueront également a l’ enracinement et a l’ enrichissement  du tango, a
Montevideo, a l’ exemple de los Banguela, Lubolos, Lugolas ou
Lubolas
, Humbuero, Cambunda, Hombe, Bamba, etc.

Révélant la dimension anthropologique des candombes et donc du tango
initial, l’ italo-argentin soutient que les précieux  services dynamogènes du
quimboto ( tradi-praticien) étaient sollicites, lorsque cela était
nécessaire, avant chaque représentation.

Excluant, énergiquement, les homophonies et homographies castillane et
latine sur le terme tango, et se fondant sur le très baliseur « A
comparative study of the Bantu and semi-Bantu Languages
 » de Sir Henry H.
Johnston, publie en 1917, Vicente Rossi, insiste pour dire que « tango es un
vocable africano
 ».
 

L’une des hypothèses étymologiques de la grande tanguito
qu’avance le chercheur du « Parana Guazu », décédé a la fin de deuxième
grand conflit mondial, est le bantu tanga, chanter.
 

C’est avec un plaisir à peine contenu que Rossi traite, avec une dizaine
de croustillantes anecdotes, relevées jusque dans les cours royales européennes,
 l’extraordinaire succès universel de la danse-rythme de « los hijos de
Angola e los inkises
 » installes, de force, dans  l’estuaire sud-américain.

Il le qualifie d’authentique miracle et de revanche civilisationnelle
des anciens esclaves. Pour lui, il s’est agi, ni plus, ni moins, que de
véritable conquête de l’Europe et de l’Amérique du nord.
 

Il passe, ainsi, en revue, au début du nouveau siècle, le triomphe total
du tango-candombe dans la sage France, l’ aristocratique Grande Bretagne,  la
parente et sainte Italie, l’ orgueilleuse  Allemagne, la rigoureuse  Autriche,
la froide Russie et les ségrégationnistes Etats Unis d’ Amérique.
 

La nouvelle mise à disposition de « Cosas de negros » est, a tous
points de vue, une action à saluer. En effet, cet ouvrage permet d’avoir, en
première main, des informations d’un précieux témoin de la période marquant la
fin des bailongos sur les terres argentées et l’irrésistible  expansion,
mondiale, du tango ; dont les fondements historiques sont, indiscutablement,
bantu.

Néanmoins, il faut reconnaître que ce nouveau milonga avait bénéficié de
la ligne mélodieuse et sentimentale de la Habanera, introduite dans les ports
voisins de l’embouchure atlantique par les bouillants marins afro caribéens mais
aussi avait assimilé les modes de composition espagnol et italien.

La réédition de ce livre, qui intervient après d’autres initiatives
similaires, constitue, sans nul doute, un important point de réconfort pour les
« Disparus de la Plata », victimes d’un XIX éme siècle bien tragique.

Par

Simao SOUINDOULA

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