Colloque d’hommage à Aimé Césaire Bruxelles 25 oct. 2008 Compte rendu

La spécificité de ce
colloque, c’est qu’il s’inscrivait dans la dynamique profonde de la recherche
kamitique (ou égyptologique). Ce qui permettait de rejoindre Aimé Césaire qui
prit le temps de lire pendant toute une nuit la première partie de Nations
Nègres et Culture
de C.A. Diop et circula dans Paris en quête des
intellectuels noirs à même de cautionner comme lui la thèse de l’historien
sénégalais. Sa démarche se solda par un échec dans un contexte où il ne
fallait pas oser apporter ses suffrages à une pensée révolutionnaire.

 Ceci dit, nous avons eu
la joie de rendre hommage à un nègre fondamental et jusqu’auboutiste,
architecte du concept de la négritude, témoin conscient de ses racines
africaines, familier des exigences de l’universel et connaisseur de la langue
française qu’il savait bien construire et déconstruire.  

L’expérience littéraire
d’Aimé Césaire procède du déracinement présenté dans son œuvre littéraire
comme l’arrachement au sol originel de l’Afrique-mère et l’acculturation subi
au pays natal, c’est-à-dire en Martinique. C’est donc la conscience d’une
identité brisée.  La révolte se traduit en tragédie.

Le ‘grand cri nègre’ implique un retour qui
débouchera sur un « renversement de modèles, une restructuration du
cadre de référence, une renonciation à l’univers de ‘nos ancêtres les
Gaulois’ et de leurs dieux et génies tutélaires ». Bien sûr, les ténors
de la négritude ne sont pas allés « jusqu’au bout de ce processus de
renversement de modèles et de la restructuration du cadre de référence
propre ». Mais la volonté de rédemption de leur entreprise – mise à part
sa dimension ‘aussitale’ (‘nous avons ‘aussi’ une science…) et la malheureuse
formulation senghorienne sur une raison hellène – garde sa valeur. L’hommage
déférent rendu à Aimé Césaire nous autorise à attirer l’attention de tout le
monde sur ce point. Il nous invite à revenir sur le concept du retour au pays
natal de l’Afrique dans la perspective diopienne. C. A. Diop montre la
nécessité pour l’Afrique d’un retour à l’Égypte ancienne dans tous les
domaines : celui des sciences, de l’art, de la littérature, du droit,
… Loin d’être conçue comme un repli sur soi ou une simple délectation du
passé, cette démarche lui permet de définir le cadre de réflexion approprié
pour poser, en termes exacts, l’ensemble des problèmes culturels, éducatifs,
politiques, économiques, scientifiques, techniques, industriels, etc.,
auxquels sont confrontés les Africains, aujourd’hui, et pour y apporter des
solutions que l’histoire impose.

La pensée de Césaire qui n’a
pas manqué de souligner le caractère décisif de la contribution de C.A. Diop
à la renaissance des peuples noirs, se situe dans le prolongement de la
réalité et du concept désormais opératoire de bukam (c'est-à-dire négritude
ou kemitude selon les usagers de la langue française).

Bukam s’oppose au monde de
l’oppression, de l’injustice et à la théologie du mensonge. On peut dire
qu’A. Césaire se situe dans une longue tradition du culte de
la négritude et du rejet de l’oppression sous toutes ses formes. La
négritude césairienne
a eu à charge de constituer «une
communauté d’oppression subie et une communauté d’exclusion imposée», «une
communauté de résistance continue» et de «lutte opiniâtre pour la liberté et
d’indomptable espérance». Elle n’était pas une métaphysique ni une conception
du monde. Selon A. Césaire, elle était «…une manière de vivre l’histoire dans
l’histoire : l’histoire d’une communauté dont l’expérience apparaît, à
vrai dire singulière avec ses déportations de populations, ses transferts
d’hommes d’un continent à l’autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses
débris de cultures assassinées (…). La négritude résulte d’une attitude
active et offensive de l’esprit. Elle est sursaut, et sursaut de dignité.
Elle est le refus (…) de l’oppression. Elle est combat, c’est-à-dire combat
contre l’inégalité. Elle est aussi révolte (…) contre (…) le réductionnisme
européen (ou) (…) ce système de pensée ou plutôt (…) l’instinctive tendance
d’une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même
pour faire le vide autour d’elle en ramenant abusivement la notion
d’universel (…) à ses propres dimensions, autrement dit, à penser l’universel
à partir de ses seuls postulats et à travers ses catégories propres» (lire le
Discours sur la négritude).

Le colloque d’hommage à Aimé Césaire a donné aux
participants –  aussi nombreux dans l’avant-midi que dans l’après-midi du
25 octobre dernier – l’occasion de réfléchir sur ces fondamentaux de la
négritude et de voir – à travers échanges et débats – comment il peut être
possible de se les approprier dans un contexte parfois inhospitalier où le
statut de la femme immigrée ne cesse d’interpeller.  

Kalamba Nsapo, théologien

 

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