BD / Souvenir: Jeunes pour Jeunes et compagnie !
Depuis
la revue Jeunes pour jeunes, la bande dessinée connaît un
succès populaire qui a permis à des dizaines dauteurs de sexprimer.
Nourrie de cultures urbaines, du brassage des religions et de
« kinoiseries » (ces informations que lon ne trouve pas dans les
quotidiens), Apolosa et kikwata, Molok et Sinatra kasaduma, Coco et
Didi, Mama Sakina et Mose Konzo… sont des héros populaires que les
Congolais n'ont toujours pas oublié
Émergence de la bande
dessinée africaine (
Hilaire Mbiye Lumbala)
Comparativement à la bande dessinée occidentale, celle de
lAfrique peut paraître encore jeune. Cette jeunesse nexclut pas
une réelle vitalité qui inscrit ce domaine dans lensemble bien
plus large de la création artistique et littéraire comprenant,
notamment, la peinture, la sculpture, larchitecture, la littérature,
la musique, le cinéma, la peinture populaire, la couture et la
photographie.
La presse écrite, les revues et magazines de la B.D. ainsi que les
maisons dédition ont grandement contribué à lessor de la B.D.
africaine, comme nous lexaminerons plus loin. Faute de
présenter une histoire complète de cette B.D. venue du Sud, le
présent article se propose den étudier ses contextes démergence
et déclosion ainsi que ce que lon pourrait déjà considérer
comme faisant partie de ses acquis.
Quotidiens et hebdomadaires
La presse a servi despace de publication ou de pré-publication à bon
nombre de dessinateurs. Toutes proportions gardées, la découverte de
la B.D. est liée à lintérêt que la presse locale lui a accordé : quil
sagisse de la presse quotidienne au Burkina Faso, en Côte-dIvoire, au
Gabon ou à Madagascar ; de la presse hebdomadaire au Congo
démocratique ; ou enfin de la presse mensuelle et des magazines de
B.D. comme en Centrafrique et au Congo démocratique.
Au Burkina Faso, cest grâce à la presse écrite tant privée que
gouvernementale que la B.D. sest développée et ouverte au grand
public. En 1980, LObservateur, un quotidien privé, a publié quelques
illustrations ; et Sidwaya, quotidien gouvernemental, a distrait ses
lecteurs avec quelques épisodes de « Maître Kanon ». Cest surtout
LIntrus , hebdomadaire institutionnel, qui a donné à la bande dessinée
ses lettres de noblesse. Deux noms, parmi les plus connus, Anatole
Kiba et Raya Sawadogo, se sont dabord exercés dans LObservateur où
ils ont publié quelques illustrations et caricatures. Anatole Kiba va
collaborer à Sidwaya où il publie par épisodes, « Maître Kanon ». De son
côté, Raya Sawadogo quitte les journaux pour publier, à compte
dauteur, « Yirmoaga », sous forme de petits livrets 1.
"La découverte de
la B.D. est liée à
lintérêt que la
presse locale lui
a accordé".
Émergence de la bande
dessinée africaine
Hilaire Mbiye Lumbala
1. Les titres suivants ont été publiés :Y irmoaga au petit coin, Lhomme trompair, Opital, Le
salaire vital, Loyer 86 cado ou pas cado, Yirmoaga aux IPR. Comme les titres le montrent,
ces récits sont en français populaire, français moussa parlé dans la rue.
© Notre Librairie. Revue des l ittératures du Sud.
N° 145. La bande Dessinée. Juillet -Septembre 2001
En Côte-dIvoire, lémergence de la B.D. remonte aux années 1970
avec la création de lhebdomadaire Ivoire-Dimanche. Celui-ci a lancé
dans les rues ivoiriennes quelques personnages dont les célèbres Dago
et Monsieur Zézé 2. « Dago » est loeuvre de Maïga (dessins) et dAppolos
(textes) et a été publié sous forme dalbum, en 1977, par Inter Afrique
Press. Quant à « Monsieur Zézé », cest une création de Lacombe, sortie
en album aux éditions Achka à Libreville 3. À son tour Fraternité Matin
a repris le flambeau en publiant, dans sa rubrique « Sourire du jour » ,
quelques vignettes signées par Jess Sah Bi, Pépé et Soumaila. Le même
Jess Sah Bi a réuni ses meilleures vignettes dans un album intitulé
Imbécile et heureux.
Au Gabon, les premières tentatives de B.D. ont vu le jour dans la
presse locale, notamment avec le quotidien LUnion qui, dès 1976, a
commencé à publier quelques B.D. à suivre. LUnion a fait connaître
des dessinateurs comme Achka, et Richard
Amvame, alias Laurent Levigot. Le premier y a publié « Bibeng, lhomme
de la rue » et le second y a signé « Tita Abessolo ». En 1983, Achka
réalise un hebdomadaire gratuit de petites annonces, le Coin Coin, où il
distille ses B.D.
En République démocratique du Congo (RDC), il est important de
saluer le mérite de lhebdomadaire Zaïre-Hebdo qui, entre 1972 et 1975,
a publié dune manière régulière des épisodes des “Aventures de Mata
Mata et Pili Pili” du Congolais Mongo Sisé 4. Cest lunique
hebdomadaire dinformation générale qui sest intéressé à la B.D. et lui
a consacré toute une rubrique : « Notre feuilleton ».
Revues et magazines de B.D.
Contrairement aux productions ivoirienne, burkinabé et congolaise
qui ont débuté dans la presse locale, la B.D. centrafricaine est apparue
grâce aux revues spécialisées, à savoir Tatara (1983), Balao (1985) et
Dounia (s.d.). Balao, « bonjour » en sango, est un trimestriel publiant,
outre de la B.D., des jeux et des dossiers thématiques. Par contre,
Dounia et Tatara (« miroir » en sango) sont totalement des magazines
de B.D. et en B.D.
En Côte-dIvoire, deux magazines ont existé. Ils ont vécu le temps
dun éclair : Zazou (1979) et Le Margouillat (1984). Au Gabon, la B.D.
est aussi passée par les magazines. À noter Afrikara , Cocotier, LUnion
magazine et BD Boom. La revue Afrikara a été lancée par Laurent
Levigot et a connu une brève existence. On y a découvert, outre Tita
Abessolo, dautres personnages comme Ayo et Ombiri. Cocotier, la
première revue de B.D., na réalisé que cinq numéros et est devenue
La B.D.
centrafricaine
est apparue
grâce aux
revues
spécialisées.
Il est important de signaler quavant Dago et Monsieur Zézé, Ivoire-Dimanche avait publié
dautres oeuvres, à savoir Yapi, Yapo et Pipo de G. Ferrant ; Hubuc et le travail, Tout
sexplique et Les aventures de Grégoire Kokobé de Jean de Dieu Niazebo.
Aujourdhui une maison dédition : Achka. LUnion magazine est un
mensuel dinformation où Achka et Laurent Levigot ont produit
respectivement des illustrations et des B.D.
Le dernier né est BD
Boom, « Magazine Explosif de Bandes Dessinées ». Il continue à
paraître et est animé par une nouvelle génération dartistes comme
Ly-Bek, Pahé et le Congolais Emmany Makonga.
La RDC est un pays qui a vu naître plusieurs revues de B.D. La
toute première est Jeunes pour Jeunes(1968) , devenue Kake en 1971,
suite à la politique du recours à lauthenticité. Jeunes pour Jeunes a eu
un énorme succès dans tout le pays, avant de cesser de paraître.
Dautres revues, moins célèbres, ont existé et, pour certaines,
continuent dexister. Il sagit de Alama (Lubumbashi), Yaya, Disco,
Rasta Magazine, Bédéafrique, Afro B.D., Évasions, Bleu Blanc, Lisese,
Fula Ngenge, Africanissimo, Bulles et Plumes.
Mais, malgré lengouement général, pour des raisons économiques
et faute de soutien financier, ces revues africaines 7 ont fini par se
faire rares dans les kiosques ou les points de vente.
Avant de
disparaître, elles ont fait connaître des talents comme Lacombe (Côte dIvoire),
Anatole Kiba et Raya Sawadogo (Burkina Faso), Achka,
Laurent Levigot, Ly-Bek et Pahé (Gabon), Boyau, Asimba Bathy, Barly
Baruti, Mongo Sisé, Tembo Kashauri, Fifi Mukuna (RDC), Olivier
Bakouta-Batakpa (République centrafricaine), etc.
La presse, quotidienne comme hebdomadaire, est et demeure le
véhicule apprécié par le public, parce que pratique et bon marché.
Elle ouvre laccès à la culture “bande dessinesque” et permet, dans
certains cas, des pré-publications . On laura remarqué, nous navons
cité, pour illustrer, que quelques pays. Le constat est presque le
même dans plusieurs pays, chacun gardant toutefois ses spécificités :
le Sénégal, Madagascar, le Mali, le Tchad, le Bénin, le Congo
Brazzaville…