Entre la coupe et l'élection de Monique Phoba Mbeka et Guy Muva Kabeya

 C'est de ce rêve qu'Entre la coupe et l'élection parle,
celui d'une génération qui a cru pouvoir prendre sa place dans le monde
lorsque l'équipe nationale fut sélectionnée à la coupe du monde de
football en 1974, et celui de la génération de Clarisse et Demato, deux
jeunes apprentis cinéastes qui prennent ce rêve pour sujet de leur film
au moment de l'élection. Rêve ancien et nouveau rêve, déconfiture du
rêve et espoir renouvelé. Ainsi va le monde mais dans le cas du Congo,
ce fut 40 ans de dictature débouchant sur des guerres civiles à
répétition et une dégradation sans fin du pays.

La voix de la jeune Clarisse ponctue cette quête du souvenir. Elle se
charge de mélancolie quand elle découvre le triste destin des joueurs,
dont certains, malades, sont abandonnés, l'un ayant même dû mendier
devant l'hôpital pour survivre avec sa femme… Mais est-ce sa voix ou
bien la mélancolie elle-même qui nous envahit comme la douce rumba
zaïroise ? Les archives d'une époque prospère alternent avec la dure
réalité d'aujourd'hui : "Pour eux comme pour notre pays, le déclin
commença". L'écran se coupe en deux, déchirure du pays entre les deux
camps, violences et souffrances. Comment pourrait-il en être autrement
si déjà, à l'époque, comme les joueurs le révèlent peu à peu à Clarisse
et Demato, l'échec cuisant de la coupe du monde (aucun but de marqué
mais 14 encaissés) ne tenait pas seulement à la concurrence d'équipes
bien entraînées : arbitrages partiaux, déviation des primes prévues
pour les joueurs, intimidations du pouvoir mobutiste, présence de
féticheurs, discrimination raciale…

A quoi ces joueurs, ce pays pouvaient-ils se raccrocher ? "On a négligé
Dieu dans notre métier !", dit l'un d'eux. Un autre se présente aux
élections législatives… Entre la coupe et l'élection
est le temps d'une désespérante chute. Faut-il pour autant baisser les
bras ? Fait avec les moyens du bord dans le cadre d'une formation au
documentaire avec des élèves en fin d'études de théâtre à l'Institut
national des Arts de Kinshasa, le film prouve à lui seul qu'une réponse
est possible. Elle passe par un travail de mémoire pour se regarder en
face pour aller de l'avant. Entre la coupe et l'élection le
fait avec une belle énergie. Il est tellement en prise avec la dérive
de notre monde qu'il secoue ceux qui s'endorment. Efficacement monté,
il porte son propos. Chargé de poids humain, il touche même ceux qui
sont imberbes au foot. L'enjeu est maintenant d'en faire dix, vingt,
cent pour déjouer l'usure du rêve !

Olivier Barlet

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