Etudes Aequatoria 5 LES ANCÊTRES DE LIANJA Prolégomènes à l'épopée des Móngo

INTRODUCTION

Parmi les nombreuses versions de la grande épopée Mongo, connue sous le
nom du héros Lianja, celle qui est présentée ici en traduction
francaise peut être considérée comme une des plus importantes. En
effet, elle contient des péripéties qui s'éntendent rarement dans les
autres variantes. En outre, elle constitue la meilleure introduction au
récit de la vie du personnage principal de la Saga.

Cette épopée est le chef-d'œuvre de l'art oral des Mongo. Pour ce
peuple du Centre de la République du Zaïre, elle est une valeur de
premier ordre, non seulement dans le domaine artistique, mais aussi au
niveau sentimental. Comme le rappelle l'introduction du présent
ouvrage, la vie des Nkundo – Mongo en témoigne couramment. Car ils
citent le héros dans les exclamations, proverbes, etc., dans des
locutions telles que onko nde nsang'ea Lianja c'est là une nouvelle de
Lianja, c.à.d. merveilleuse ; ou quand ils disent que l'Européen est un
petit-fils de Lianja – et le rapporteur ajoute moi aussi je le crois –
parce que, eux aussi, exécutent des œuvres prodigieuses, comme le
proclame leur surnom Bakalakamboka nk'ont'onjalaka ouvre-routes sans
que quelqu'un le leur enseigne.

Ainsi nous a-t-il paru justifié de traduire le texte écrit dans sa
langue maternelle (lomongo – lonkundo) par le moniteur Bamala Louis et
publié à côté d'une traduction en néerlandais, par E. Boelaert, M.S.C.
et Ngoi Paul, dans les Annales du Musée de l'Afrique centrale (Tervuren
1958).

Cette publication est basée sur l'original écrit par Bamala tel qu'il
l'a entendu conter dans son village natal Mpenjele (Bofiji, tribu
Bolenge wa Simba) en 1937.

Dans une introduction il rappelle avoir appris cette saga de deux
vieillards de chez lui. Malheureusement il ne cite pas leur nom, mais
il ajoute que leur âge ne leur laisserait plus beaucoup de temps à
vivre. Ils racontaient sans hésitations et sans erreurs. Ils étaient
convaincus de l'authencité de leur récit.

La traduction néerlandaise porte comme sous-titre (je traduis) Les Ancêtres de Lianja.

Il y est traité de l'arrière-grand-père, du grand-père et du père de
Lianja. L'histoire s'arrête à la naissance du héors et de sa sœur
Nsongo.

Comme l'indique le titre de la publication de Musée de Tervuren le
texte en langue d'origine a été muni d'accents marquant la tonalité par
Ngoi Paul. Ce qui laisse entendre que le manuscrit de base était
dépourvu.

Ce document se trouve dans les archives de l'archidiocèse de Mbandak
sous la forme d'un texte dactylographié, inscrit comme étant l'original
(déposé personnellement par l'auteur ou, plutôt je crois, par
l'intermédiaire du Père E. Boelaert).

Ce document ne porte pas de marques tonales. En outre, il s'y trouve de
nombreuses fautes d'orthographe telles que la compréhension est ca et
là difficile au point d'exiger une interprétation sur la base du
contexte, voire de la comparaison avec d'autres versions. Une
photocopie de ce document se trouve dans les archives du Centre
Aequatoria de Bamanya.

Dans le présent ouvrage cette pièce d'archives correspond au sigle O.
L'Abréviation A renvoie au livre publié par le Musée de Tervuren. La
traduction francaise donnée ici suit le texte du volume publié. Ce
texte présente une amélioration notable avec O non seulement pour
l'orthographe (marques tonales, régularité et caractère scientifique de
la phonologie) mais aussi pour le style littéraire nettement supérieur.
Nous pouvons attribuer ces améliorations au co-éditeur Ngoi. Pourtant,
il faut remarquer une faiblesse : de nombreuses fautes (erreurs ou
coquilles ?) dans le texte Mongo de A, mais qui ne gênent pas la
compréhension, en partie grâce à la traduction parallèlle.

Au sujet de la forme on peut encore signaler que la langue employée
dans O est un mélange du dialecte d'origine du rapporteur avec les
variantes locales d'autres tribus et, surtout, du lomongo commun
enseigné à cette époque dans les écoles et employé par les missions.

Pour le contenu, A suit O sur la majeure partie, tout en divergeant
plus ou moins ca et là. Límpression s'en dégage que par endroits la
différence est due au souci de présenter un texte plus littéraire ou
plus coulant, tout en respectant l'essentiel du récit.

A d'autres endroits, cependant, on constate des divergences importantes
: additions, omissions, voire variantes plus ou moins considérables. Il
s'en dégage l'impression qu'on se trouve devant les emprunts à d'autres
versions, souvenirs personnels ou documents écrits. Mais nulle part il
n'est fait menton de ces sources. Ce qu'on aimerait savoir surtout
concernant la fin du récit (cf. ci-après).

Cette supposition est corroborée par les faits suivants :

certaines additions sont si volumineuses qu'elles ne peuvent être traitées de mineures ;

O termine le récit lorsque Indombe fait ses adieux à sa famille avant
d'être emporté par Itonde ; A continue l'histoire d'Indombe, ajoute
l'épisode du safoutier et conclut avec la naissance de Lianja.

A quelques endroits les divergences sont indiquées et incorporées dans la traduction.

 

 

LONKUNDO

La renommée de Lonkundo

Il y a bien longtemps habitait ici un homme appelé Lonkundo. Cet homme
était plus puissant que tous les hommes. La contrée où il habitait
était Méditerre (1). La femme de Lonkundo s'appelait Nsombe et son fils
Yonjwa. Il avait un très grand pouvoir sur cette région. Un jour
Lonkundo rêva (2) que son père Elombo lui dit : 'Rends -toi de grand
matin sur le sentier du puits-d'eau. Quand tu seras arrivé, regarde
bien tout autour, tu y trouveras une petite piste. Coupe un arbre à
ressort, prends une fibre de raphia (3) et tout l'outillage pour tendre
un piège à collet. Tu n'échoueras pas, à ce moment-là je serai avec
toi'.

De très grand matin, Lonkundo décrocha ses outils (4) et s'y rendit. Il
fit tout comme il avait vu dans son rêve pendant la nuit, puis il
rentra.

Le jour venu les femmes s'assemblèrent et partirent (5) puiser l'eau.
Elles trouvèrent le piège dressé. Elles se mirent à se demander qui
aurait fait cette chose étrange. Lonkundo leur dit : 'C'est moi qui
l'ai fait'. Le soleil se coucha. Le matin se leva. Lorsque les femmes
allèrent aux champs elles trouvèrent une bête prise au collet. Mais
elles ignoraient le nom de cette bête. Elles rentrèrent chez elles.
Elles dirent à Lonkundo : 'Nous avons trouvé une bête mais nous ne
savons pas ce que c'est'. Lonkundo battit le tam-tam. Les hommes
affluèrent (6). Arrivés en forêt, ils trouvèrent la bête prise. Ils la
détachèrent et la prirent avec eux au village. Arrivés chez eux ils
cherchèrent en vain le nom de cette bête, ils ne le connaissaient pas.
Là-dessus Lonkundo leur dit : 'Laissez-moi faire, je vous
l'apprendrai'. Il se dressa au milieu. Il leur ordonna de battre les
mains. Ils le firent. Il dit :' Donc vous tous ignorez le nom de cette
bête. Ne voyez-vous pas qu'elle est noire à cause de la magie' ? Et il
dit : 'Battez les mains pour recevoir la magie de la danse ; le chant
ne peut rester sans réponse'. Et il chanta :

Ce que vous ignorez ici

R/ n'est-ce pas la mangouste l'habitant de la clôture ?

Qu'est ceci ?

R/ n'est-ce pas la mangouste l'habitant de la clôture ?

Amis, cessez de fuir

R/ la petite mangouste de la clôture

Tous s'approchèrent ; ils savaient que cet animal est la mangouste
habitant de la clôture de chasse. Ils enlevèrent la bête et la
portèrent chez eux. Dès lors tous les hommes ont appris à dresser des
pièges grâce à Lonkundo.

Quand ils eurent apporté la bête, Lonkundo annonca à sa femme de la
rôtir. Elle prépara un panier plein de manioc et rôtit la mangouste. Le
matin très tôt Lonkundo commanda à Yonjwa de battre le tam-tam. Les
gens s "assemblèrent et mangèrent la mangouste.

Lonkundo ajouta encore quelque chose : 'Parce que les femmes n'ont pas
osé détacher cette bête, elles ne peuvent en manger'. Il lui donna le
nom de : animal félin (8). Voilà pourquoi les femmes ne mangent pas la
viande des animaux félins.

Lorsque Lonkundo vit qu'il avait tué la bête-prémice il se rendit dans
la très grosse forêt appelée Bengongo et établit une clôture grnade et
longue. Il dressa beaucoup de collets et creusa une grande quantité de
fosses. Il y circulait chaque matin et tuait une multitude incalculable
de bêtes. Il devint extrêmement riche (10).

Une nuit Lonkundo rêva qu'il avait pris le soleil dans un collet. Il se
fit des soucis à ce sujet, parce que la terre demeurerait dans les
ténèbres. Là-dessus il s'éveilla. Il réveilla da femme et lui raconta
son rêve. Sa femme lui dit simplement : 'Voyons ce qui se passera ces
jours-ci'.

Le matin venu Lonkundo décrocha son outillage et partit. Arrivé à la
clôture, il se promena tout au long mais ne trouva aucune bête. Arrivé
à l'avant-dernier piège il vit soudain une personne assise au bord du
piège. Il s'effraya. Cette personne était éclatante comme le feu. Mais
Lonkundo prend courage, apprête sa lance (11) , s'approche. Arrivé tout
près d'elle femme lui dit : 'Lonkundo, contre qui apprêtes-tu les
lances' ? Lonkundo répond : 'Et toi, que fais-tu là' ? La femme
répondit : 'Approche, je vais te le dire'.

Lonkundo remit (12) la lance en place, et s'approcha d'elle. La femme
dit : 'Arrête-toi là, ne me touche pas'. Mais Lonkundo la touche. Et la
femme dit : 'Mai, je suis l'aînée rénommée de mon père. J'ai refusé
tous les hommes. Mon père ne voulait pas que je me marie. Or, un homme
vint un jour demander ma main ; je l'aimai et l'accompagnai dans sa
famille (13). En route je ne vis plus où il avait passé. On dit que
c'était un mâne. En voulant rentrer chez moi, je m'égarai et vins me
faire prendre dans ce piège. Maintenant il vaut mieux que tu me libères
et que nous allions chez mon p`re, qu'il te paie ton salaire de cuivres
pour ma libération'.

Londundo regarde en hout, regarde en bas (14) et dit : 'Non, pas ainsi.
Je te libère et tu seras mon épouse. Je ne veux point d'autre salaire'.
Et il lui demanda : 'Comment donc säppelle ton père' ? Elle dit : 'Mon
père est Esombyankaka (15) et mon nom est Ilankaka'. Puis Lonkundo
reprit : 'Partons'. La femme ne fit pas d'objection et ils partirent.

Ilankaka avait avac elle une petite corbeille, dans laquelle elle avait
mis une amande palmiste et un morceau d bois d'allumefeu (16). Venus au
village, ils le traversèrent et arrivèrent à la sortie. Ilankaka dit à
Lonkundo : 'Arrête, que je te fasse connaître chez mon père et ma mère.
Lorsque nous serons arrivés chez toi, même si nous nous querellons ou
que nous nous battons, ne me lance pas l'injure : je t'ai prise au
piège. Ce jour-là, fût-ce au moment de la plus forte chaleur du jour,
gare à toi' !

Ils arrivèrent. On questionna le patriarche Lonkundo au sujet de cette
femme. Il leur dit : 'C'est la femme dont je vous ai parlé ; je viens
da la ravir. Je crois que cela me causera une guerre'. Ils entrèrent
chez lui et bientôt il indiqua à sa femme sa propre maison à elle (17).

Un jour Ilankaka dit à son mari : 'Tu es un patriarche, il ne convient
pas que tu n'aies que deux femmes. Cherche encore d'autres'. Lonkundo
reprit : 'Moi aussi je le veux bien, mais je n'en ai pas les moyens
financiers'. Ilankaka reprit : 'Va les demander, je payerai pour toi
les titres de mariage autant que tu veux'. Lonkundo ne refusa pas le
conseil d'Ilankaka et partit chercher des épouses.

Lonkundo revint. Sa femme lui dit : 'Combien de femmes as-tu obtenu'.
Il dit : 'J'en ai quatre'. Ilankaka : 'Est-ce tout ? Ce n'est pas
assez. Va en chercher encore d'autres'. Le seigneur se leva avant le
jour et partit.

Il arriva au vaillage où il avait laissé les femmes précédentes (18).
Celles-ci dirent : 'Lonkundo est venu'. Lui dit à leurs pères : 'Voici,
moi je veux que vous m'appeliez d'autres femmes, même celles qui sont
mariées ; j'en veux même cent'. Les pères s'étonnèrent : 'Lonkundo
est-il venu comme par amusement ? Peut-on demander cent fiancées'. Ils
le quittèrent, eux et leurs filles.

Là-dessus Londundo retourna chez lui. Il raconta à sa femme tout ce qui
lui était arrivé. Son épouse acquiesca et dit : 'De grand matin
réveille ton fils ; nous allons avec ton fils chercher des fiancées'.
Le soleil se choucha. De bon matin Lonkundo alla réveiller son fils et
ils retournèrent à ce village.

Le succès de Lonkundo

Ils arrivèrent, lui et Ilankaka et Yonjwa. Ilankaka portait avec elle
la corbeille. Elle dit à son mari : 'Appelle les personnes qui
s'étaient séparées de toi, afin de discuter'. Lonkundo ordonna à
Iselamaka (19) de battre le tam-tam, et il le battit. Tout le monde
afflue ; ils trouvent Lonkundo assis. Eux aussi s'asseyent. Ils
demandent pourquoi il les appelle. Il leur dit : 'Nous nous étions
séparés et maintenant je viens terminer cette affaire'. Tous
s'exclamèrent : 'Ainsi donc tu viens payer le titre pour cent femmes
comme tu l'as dit' ? 'Oui'. Et eux : 'Bien, expose donc ta première
affaire'.

De suite il appela le père de Bolumbu et ils parlèrent. Le père de
Bolumbu fixa le prix. Lonkundo ne tarda pas ; il accosta sa femme ; ils
prirent tous les biens que le père de Bolumbu voulait et les lui
donnèrent. Lonkundo appela un autre ; il lui demnada ce qu'il voulait
pour lui. Cet homme le lui dit et on lui donna tout. Ils arrangèrent
les mariages toute la journée ; ils terminèrent toutes les affaires
sans être à court de rien.

Tous envoyèrent des messages à leurs filles mariées et elles vinrent.
Lonkundo paya pour toutes, les bonnes et les mauvaises, sans
distinction. Il ramassa toutes les filles nubiles de ce village sans
laisser aucune (20).

Lonkundo dit : 'Alliés, moi et vous sommes devenus parents par
alliance. Sachez que cette épouse-ci n'est pas une épouse, c'est ma
mère'. Tous les alliés dirent : 'Là tu dis vrai, elle n'est pas ton
épouse, elle est ta mère'. Lonkundo reprit : (21) 'Faisons nos adieux,
je pars'. Mais les alliés dirent : 'Tu ne pars pas aujourd'hui ;
patiente, reste dormir : pour que nous cherchions des victimes pour tes
épouses (22), tu pourras partir demain'.

Lonkundo ne s'opposa pas. Il alla se coucher. Le lendemain matin on
apporta les animaux domestiques aux épouses ; à chaque femmes deux
esclaves et des animaux domestiques sans compter. On se fit des adieux
; puis Lonkundo et sons escorte se mirent en marche en groupe serré et
ils arrivèrent chez eux.

Arrivée de Lonkundo avec son escorte

Quand Lonkundo eut pris congé de ses alliés, ceux-ci le laissèrent
partir avec son trésor (23). Ils se hâtèrent (24) et arrivèrent chez
eux. Les parents du patriarche vinrent tout joyeux souhaiter la
bienvenue aux fiancées (25).

Il arriva à ses maisons mais il n'y avait pas assez de résidences. Il
ordonna au groupe d'esclaves venus avec lui de construire plus de
huttes. Ils se dispersèrent dans la fôret, coupèrent les matériaux pour
la construction (26) et construisirent les huttes ce même jour.
Lonkundo distribua les résidences : Il y en avait assez.

Le patriarche et ses femmes vivaient et s'habituaient. Mais il ný avait
pas de champs. Un matin il alla avec elles leur désigner le terrain.
Elles établirent des champs et eurent une abondance de produits. Il
vivait avec elles en bonne entente ; il eut une nombreuse progéniture
(27). Les gens devinrent envieux de sa prospérité. Tout la journée ils
se querellaient avec ses femmes (28).

Là-dessus Lonkundo convoqua une assemblée. Il dit aux gens :
'Maintenant je veux quitter ce village, parce que vous ne m'aimez plus.
Je suis aux abois (29). Je ne vous le dis pas pour rien, mais afin que
vous ne me preniez pas pour une antilope qui détale sans raison'(30).
Les uns se déclarent d'accord, les autres le retiennent, mais lui-même
ne veut pos. Il attend encore quatre mois, puis il émigra. Il dit à ses
femmes : 'Aucune femme ne peut emporter quelque chose d'ici, exceptée
maman Ilankaka qui emporte sa corbeille. Vous toutes partez les mains
vides' (31).

Dès le matin ils partirent. Ils pénétrèrent dans la fôret. C'est
Ilankaka qui ouvre la marche. Pendant qu'elle marche elle ne parle à
personne, elle n'écoute que l'appel des perroquets ; quand elle entend
cet appel c'est qu'elle est arrivée à l'endroit où ils fixent leur
demeure.

Ils marchent résolument, très loin.(O ajoute : comme d'ici à Bondombe là-bas).

Ilankaka appelle Lonkundo par les doigts (c.à.d. par des gestes de la
main), elle lui dit : ' Je vois que les gens qui marchent avec nous
sont fatigués da la marche. Etablissons un chapement, couchons ici.
Demain matin nous allons plus loin'. Il ne s'oppose pas et on fait
halte. On se couche. Le lendemain, ils se mettent en route et partent.

Arrivé à un gros arbre boemba Lonkundo entendit des gens murmurer et
médire de lui. Ayant entendu pronocer don nom il prit ses flèches,
pénétra en fôret, se coula furtivement vers ces personnes. Il trouva
l'homme qui était venu chercher Ilankaka. Lonkundo cria fort et le
saisit. Il l'amena à Ilankaka et le lui donna comme esclave pour
assouvir sa colère.

Ils progressent un peu ; Ilankaka tend l'oreille et entend le tapage
des perroquets. Elle impose silence à la caravane par un geste et
quitte le sentier.

Elle trouva des perroquets en train de s'amuser. Elle se glissa vers
eux. Quand les perroquets eurent entendu le crissement de ses pieds
(sur les feuilles mortes) ils s'envolèrent. Cependant Ilankaka
s'approcha et arriva à cet endroit.

Elle était très contente qu'on est arrivé. Elle retourna auprès de son
mari et de ses coépouses et dit : 'Nous sommes arrivés' (32). Ils se
rendent à cet endroit et voient qu'il convient très bien comme habitat.
Ils se jettent par terre tout joyeux en faisant des culbutes.

La nouvelle demeure de Lonkundo

Lorsqu'il furent arrivés Lonkundo dit : 'Aujourd'hui personne ne peut
couper ne fût-ce qu'un feuillage. Demain matin je vous dirai ce que je
veux'. On écouta ses paroles et tous se couchèrent à même le sol sous
les arbres.

Au matin le patriarche appela Ilankaka et lui dit : 'Ilankaka,
maintenant nous sommes arrivés dans notre nouveau village. Avant de
couper les premiers arbres pour les travaux, nous devons enterrer notre
victime de fondation pouir la résidence'(33).

La femme répondit : 'Qui, c'est bon. Mais qui allons-nous tuer comme
victime de fondation' ? Il dit : 'Prenons cet homme qui t'a importuné
et tuons-le pour le punir'. Ils prirent donc cet homme, on le décapita
à la potence et l'enterra comme victime de la fondation de la résidence.

Lonkundo envoya les esclaves chercher les arbres pour les maisons de
toutes les femmes ce jour-là même. Il dispersa les femmes en fôret
chercher des aliments. Elles se dispersèrent : les unes partent pêcher
par écopement, les autres sur la terre ferme ; il en retint d'autres
pour égaliser le terrain pour les huttes. Aussi-tôt elles partirent
(34).

A la baisse du jour tout le monde revint. Surabondance de poissons ! Le
terrain arrangé par les femmes était tout égalisé. Ceux qui étaient
allés aux pieux et aux poutres pour les maisons revinrent. Ils
construisirent les maisons et les finirent complètement. Les gens
étaient très contents.

Puis le mari vint et distribua les maisons aux femmes et aux enfants. A
sa première femme, Bonduwa, il donna une maison mauvaise. Bonduwa se
mit en colère ; elle assembla les coépouses et le leur raconta.

Quand Lonkundo eut entendu cela, il prit ses affaires et la chassa.
Quand Yonjwa vit sa mère déshonorée il partit avec elle ; il lui bâtit
une maison et lui interdit d'aller chez son père.

Ilankaka demeurée avec Lonkundo lui dit : 'Lonkundo, moi je possède un
objet qui mon père m'a donné. Au sujet de cette chose, il m'a dit :
avant de la planter tu dois savoir si ton mari t'aime vraiment.
Maintenant je veux la planter'.

Lonkundo dit : 'Tu vois toi-même comment je me conduis avec toi. Plante
donc ton objet'. Ilankaka prit l'amande palmiste qui se trouvait dans
sa corbeille et la planta.

Un certain laps de temps étant passé, le palmier était devenu un gros
palmier (35) et produidit un régime de fruits de palme énormes. Les
fruits murirent et on les coupa : un seul frit gros comme un fruit de
Chrysophyllum ! Ilankaka l'spprêta et le donna à son mari.

Lorsque le mari se mit à le manger, il lui trouva un guôt si doux et si
savoureux qu'il oublia les noms de ses épouses et de ses enfants. Il
appela toutes ses femmes et leur dit : 'De ce palmier personne ne peut
manger. C'est là un pacte que j'ai conclu avec Ilankaka. Toi, Ilankaka,
sache-le (ne l'oublie pas)'. Ils continuaient à vivre en paix.

Un jour ce palmier porta trois régimes. Lonkundo dit : 'De ces trois
régimes produits personne ne peut manger, excepté moi et Ilankaka'.

Les jours passaient. Un jour, vers le soir, les gens de Méditerre
envoyèrent un message à Lonkundo : 'Viens à l'assemblée demain matin,
nous n'attendons que toi'.

Le matin venu, le patriarche dit à sa femme : 'Allons un peu voir les
fruits de palme'. Ils allèrent et trouvèrent les fruits mûrs.

Lonkundo bondit de joie, il dit à Ilankaka : 'Voici, va m'appeler
quatre femmes pour qu'elles aillent m'accompagner à l'assemblée. Toi
qui restes ici, appelle Yonjwa pour qu'il coupe ces fruits des palme et
prépare-les. Apporte-les-moi à l'assemblée l'avant-midi, que je les
mange. Ainsi je me payerai la tête de ces gens-là'.

L'épouse prit quatre jeunes femmes et les fit se mettre en route pour
accompagner leur mari à cette réunion. Après leur départ elle prit un
couteau, appela Yonjwa qui coupa les fruits de palme et les découpa.
Elle prit des ignames et d'autres alments et les prépara. Elle invita
une jeune fille qui les emballa dans une petite hotte et elles
partirent, puis arrivèrent à l'assemblée et entrèrent dans une maison.

Lorsque Lonkundo vit son épouse, il tressillit d'allégresse et dit :
'Amis, celle qui vient là-bas n'est-elle pas comme la mère de mon ami'
? Ils regardèrent et dirent : 'Oui, fourre un cure-dents entre les
dents' (36).

Lorsque Ilankaka se fut approchée Lonkundo envoya celles qui étaient
venues avec lui : 'Allez accueillir votre tante'. Elles partirent et se
chargèrent de la hotte. Elles vinrent et déposèrent la charge.

Lonkundo appela sa femme et lui dit en secret : 'Voici : délie d'abord
le paquet d'aliments et quand les gens sont venus manger, délie le
paquet des fruits de palme seulement après, entendu' ?

L'épouse acquiesca. Elle vint, mais elle n'avait pas encore délie un
paquet qu'une jeune coépouse prit le paquet aux aliments et l'ouvrit.
Les membres de l'assemblée mourant d'appétit et tout ébahis se jetèrent
sur les mets et les mangèrent tous. La jeune fille délia également le
paquet de fruits de palme ; les gens se ruèrent sur les fruits et les
firent disparaître d'un coup.

Lorsque le patriarche vint il chercha la nourriture : rien ! Il se mit dans une colère terrible.

Ceux qui s'étaient jetés sur le mets et dur le fruits de palme les
finirent et dirent : 'Comment ! patriarche Lonkundo, tu manges ces bons
fruits de palme tout seuls ! Où les as-tu obtenus' ? Et ils léchèrent
les feuilles avidement.

Ilankaka Etait toute ébahie. Elle alla se mettre à côté de son mari
pour le calmer. Mais le mari se fâcha et la souffleta devant tout le
monde. L'épouse dit : 'Comment ? Qu'ai-je fait ? Pourquoi me frappes-tu
? Je suis bien venue avec les aliments mais je ne les ai pas
dépaquetés, ce sont les jeunes femmes qui les ont dépaquetés ; de quoi
suis-je coupable' ? Là-dessus elle prit sa hotte et emballa tous ses
sffets pour partir. Lonkundo dit : 'Reste que je te dise quelques mots.
Tu as enfreint ma loi, maintenant je vais enfreindre la tienne. Je vais
dévoiler nos secrets réciproques'.

 

 

Déshonoration d'Ilankaka

Lonkundo dit : 'Vous tous les camarades assemblés, écoutez que je
dégrade cette femme. Vous savez tous que je me conduis avec cette femme
en tout bien. Ce n'est pas pour rien qu'elle est l'objet de ma bonté,
car elle est très active. Savez-vous pourquoi épousée par un titre, je
l'ai simplement ramassée, je l'ai prise dans un piège.

Je ne connais pas son père et sa mère. Pas un seul anneau de cuivre n'a
été versé pour elle. Elle est devenue comme ma mère ; elle travaille à
m'enrichir. Elle est mon paladin. Mais a-t-elle un clan ?

Si vous le contestez : n'avez-vous pas vu comment je l'ai amenée ?

Qu'est-ce que vous m'avez demandé ? D'où viens-tu avec cette femme ?
Que vous ai-je répondu ? J'ai dit que cette femme était celle que
j'avais cherchée depuis fort lontemps et que je viens d'enlever. Je
vous ai menti. Sachez qu'elle n'est qu'une esclave'.

Lorsque les gens eurent entendu cela ils furent tout honteux. Ilankaka
était écrasée, elle ne pouvait plus lever un pied (37). Tous avaient
les yeux fixés sur elle. Elle se couvrit et baissa la tête. Transpirant
et sèchant alternativement, elle s'enhardit et quitta l'assemblée/

Toutes les coépouses étaient très mécontentent et réprimandérent leur
mari. Celui-di dit : 'Non, laissez-moi. Elle vous traite mal toujours.
C'est pour cela que j'agis ainsi'(38). Elles n'écoutaient pas leur mari
et n'incriminaient que lui seul.

Ilankaka s'éclipsa furtivement. Mais arrivée en forêt elle éclata en
sanglots, toute triste. Quelle affliction indescriptible ! Elle courut
à pas de géants. Elle se dévêtit de tous ses vêtements et continua
toute nue. Elle courut vite et arriva au village.

Lorsque ses coépouses la virent nue elles eurent peur. Elles allèrent s'enfermer.

Ilankaka entra dans sa maison ; elle prit sa corbeille, sortit et
pleura : 'Papa hélas, maman hélas ! ma parenté qui n'a pas besoin de
chercher le travail hélas ! que dois-je faire ? on m'a nommée esclave
hélas' !

Ensuite elle alla au milieu des épouses et leur dit : 'Moi et vous
avons vçu ensemble. Lonkundo est devenu célèbre par moi. Mais sachez
qu'aujourd'hui il m'a déshonorée. Je ne demeure plus avec vous.
Emballez vos affaires pour que je vous reconduise dans votre famille'.

Elles ne désobéirent pas. Elles entrèrent dans leurs maisons, ramassèrent toutes leurs frusques et se mirent en caravane.

Ilankaka prit des cendres, s'en couvrit et cria l'invitation : 'Nous
toutes avons vécu ensemble, moi aussi, écoutez et répondez'. Et elle
entonna : 'Libres' ! Elles répondirent : 'En avant'. Les femmes se
mirent en rang serré et partirent. Ilankaka marcha en tête avec la
fumée d'un brandon et chanta : 'Fumée, brouille le chemin' (39).

Elle alla conduire les femmes chez leurs pères et leur dit : 'Prenez
vos filles et les payements de mariage'. Toutes arrivèrent chez leurs
parents et ils se réjouirent. Mais elle-même contiua sa marche avec sa
corbeille et arriva chez ses parents qui étaient séparés d'elle depuis
fort longtemps. On lui souhaita la bienvenue, et on tua pour elle des
poules et des chèvres.

Les femmes qui étaient restée là-bas avec Lonkundo l'avertirent
qu'elles devaient se rendre derrière les huttes (40). Là elles
sentirent l'odeur de la fumée laissée par Ilankaka qui les appelle et
elles partirent définitivement. (O ajoute : Voilà le trébuchement de
Lonkundo à cause de sa stupidité et de son orgueil).

Retour de Lonkundo

Avant que la réunion ne fut terminée Lonkundo se rappela ses fautes
envers son épouse. Il avait beau attendre le retour de cellles qui
étaient allées derrière les maisons : elles ne revenaient pas. Il dit :
'Amis, moi et vous étions en assemblée. Vous avez vu avec quelle colère
Ilankaka est partie. Voici que les femmes qui étaient avec moi ne
reveinnent pas. Attendez-moi donc un peu, je vais regerder, je
reviendrai demain'.

Ils dirent : 'Pas ainsi ! Tu es un grand seigneur ; il ne convient pas
que tu voyages par la forêt tout seul. Il est préférable que nous
envoyons des jeunes gens qui aillent te chercher quelques femmes qui
viennent te prendre'.

Ils envoyèrent les jeunes gens. Ceux-ci partirent en partie courant en
partie marchant ; ils arrivèrent à la résidence du patriarche. Mais ils
trouvèrent le village désert ; ils jetèrent des regards mais ne virent
personne. Les maisons étaient abandonnées depuis longtemps. Quelle peur
! Ils retournèrent en grande vitesse. Ils arrivèrent chez eux et
communiquèrent la nouvelle aux membres de l'assemblée.

Lorsque Lonkundo eut entendu cela il s'élanca en courant. Mais ses
compagnons lui dirent : 'Seigneur, arrête de courir, marche
correctement. Tes épouses ne sont pas parties ailleurs, elles sont
encore là'.

Mais lui rétorqua : 'Laissez-moi, je ne vous entends pas, j'ai perdu la
tête'. Il partit au galop. Il passa par plusieurs villages et
questionna les habitants : 'N'avez-vous peut-être pas vu mes épouses
par ici' ? Ils dirent : 'Vas-y toi-même, nous autres nous avons trop
peur'.

Il s'élanca à toute allure. Arrivé à l'extrémité : ah ! le village tout
désert ! Il commenca à trembler ; il hésita, il passa dans la rue, il
jeta des appels à celles qui sont mieux connues, en vain ! rien ! Il
appela : 'Maman Ilankaka ! Maman Ilankaka !'Absolument rien. Il se jeta
par terre. Il sanglota à pleine gorge. Il pleure bruyamment. Et il se
rend chez Bonduwa qu'il avait chassée. Il lui demande où son bonheur
est allé. Bonduwa répond : 'Est-ce à moi que tu le demandes ? Comment
saurais-je ce qui se passe entre toi et tes femmes' ?

Il appela son fils et le questionna sur ce qui s'était passé. Son fils
lui dit : 'Là où tu te trouvais à l'assemblée as-tu mal agi envers
Ilankaka ' ? Il acquiesca. Le fils reprit : 'Voici : quand elle est
venue ici, elle assembla les femmes et les enfants et leur raconta
tout. Ce fut une colère extrême. Elle entra dans la maison, prit tous
ses effets, elle maudit le palmier. Toute la multitude des coépouses
entrèrent dans leurs huttes, emballèrent tous les ustensiles, et
sortirent sur-le-champ : 'Libres ! En avant ' ! Ilankaka en tête entra
avec elles en forêt. Si tu mets cela en doute, voilà le chemin par
lequel elles ont passé'.

Lonkundo est là comme un chien qui a mangé les chenilles (41), il perd
ses esprits. Il appelle son fils et dit : 'Viens, poursuivons-les'. Ils
allèrent en forêt par le même chemin quélles avaient pris mais
n'arrivèrent nulle part. Ils s'égarèrent et marchèrent par le même
chemin par lequel ils avaient pénétré dans la forêt.

Le fils dit : 'Papa, maintenant nous n'arrivons pas où elles sont
allées ; il y a trop de fumée. Nous ne voyons plus le chemin.
Retournons donc'. Lonkundo brisé se laissa lourdement tomber, pleurant
sans cesse, mais les pleurs ne rendent rien à personne.

Il retourna à sa femme précédente. Lui et sa femme et son fils
emballèrent leurs effets et retournèrent à Méditerre. Il u revint
monogame. Il débroussa les jachères, remit ses maisons en bon état et
reprit son travail habituel de la clôture de chasse. Le fils devint un
grand homme propre au mariage. Il désirait se marier lui aussi.

YONJWA

Le Mariage de Yonjwa

Lonkundo se réhabitua à Méditerre ; il se fit vieux et affaibli. Il
laissa le pouvoir à son fils, disant : 'Yonjwa chéri, maintenant il
convient que tu prennes femme ; pars donc demander une épouse, que je
paie le titre de mariage encore de mon vivant'.

Le fils dit : 'Bon, je l'ai entendu. Mais je ne veux pas aller moi-même
choisir une fiancée ; il vaut mieux que tu le fasses pour moi'. Le père
consentit : 'Demain matin, je vais chercher une femme pour toi'.

Le lendemain matin, le père prend ses armes, part chercher une femme
pour son fils. Arrivé à certain village il se rend chez un patriarche
nommé Ilela, il lui dit : 'seigneur, je ne suis pas venu pour rien, je
suis venu demander pour mon fils la main de ta fille aînée'. Ilela dit
: 'Bon, mais attendons Bolumbu wui est allée pêcher'.

Le soir tombé les personnes parties à leurs travaux revinrent. Ilela raconta à sa fille ce qui s'était passé.

Bolumbu dit : 'Bon, discutez l'affaire ; moi-même j'irai voir cet homme'.

Le soleil couché, on porta les côtes à la natte (42). Puis il se fit
matin. Bolumbu et le beau-père partirent et arrivèrent. Lonkundo appela
son fils et lui présenta son épouse. Le fils dit : 'Ca va, mais
attends-moi que j'appelle mes compagnons d'âge pour qu'ils la voient'.

Les compagnons vinrent et firent la moue contre elle, disant : 'Cherche de la bière, buvons, puis chante :

Papa renvoie celle-là

Son visage n'est pas beau

Je ne veux pas celle-là

Sa conduite n'est pas bonne

R. Papa renvoie celle-là

On apporta la bière et on but. Enivrés ils se mirent à chanter. Yonjwa
se dressa et lanca les termes d'accueil : 'Ce que je fais tous les
villages l'entendent'.

Puis il entonna son chant et ses compagnons répondirent : 'Papa renvoie celle-là. Son visage n'est pas beau'.

Le père et la mère ne l'entendent pas, ils sont distraits. Seule la
fiancée l'entend, elle est toute honteuse. Elle s'enfuit la nuit-même.
Pour de bon.

Après un certain nombre de jours Uonjwa envoya encore son père lui
demander une fiancée. Le père lui amena un multitude de fiancées, mais
il agissait toujours de la même façon.

Une autre fois qu'il envoya son père celui-ci dit : 'Non, tu n'es pas
sérieux. Je t'ai présenté une grande quantité de filles et tu n'en veux
pas. Il vaut mieux que tu ailles toi-même comme font tes compagnons.
Quand tu en auras trouvé une, reviens-moi que je te donne les richesses
dotales'.

Yonjwa se déclara d'accord. Un soir il dit à son neveu : 'De grand
matin demain nous partons chercher une femme qui me convient'. Le neveu
acquiesça.

Le matin venu Yonjwa et son neveu se mirent en marche. Arrivés à
Inganda ils quittèrent le sentier. Ils trouvèrent des jeunes filles en
train de jouer. Il en aima une, et dit : 'Je viens te demander'. La
fille répond : 'N'es-tu pas ce Yonjwa qui arrache les femmes par les
bras (pour les répudier) ? Je ne t'aime pas, va-t'en avec ta beauté
masculine' (43).

Yonjwa se retira et partit. En progressant il trouva d'autres jeunes
filles jouant à dinette.Il alla vers elles, en aima une et lui dit :
'Je viens chez toi'. La fille lui dit : 'Faire quoi ? 'Il le lui dit,
mais elle : 'Non, tu m'aimes aujourd'hui, mais quand ton père m'a prise
pour toi je crois que tu m'as refusée. Comment me trouves-tu,
aujourd'hui ? Ai-je donc changé ? Va-t-en' ? Yonjwa est tout
désappointé.

Yonjwa sortit et poursuivit son chemin. Il trouva des jeunes filles en
train de faire leur coiffure. Il s'y porta et en aima une. Il dit :
'Maman, je viens chez toi'. – 'Chez moi' ? – 'Qui'. – 'D'abord ton
nom'. – Je m'appelle Yonjwa'. – 'C'est donc toi Yonjwa le bafoueur qui
va bafouant les femmes, comme ton père maltraitait min aînée et c'est
moi que tu demandes en mariage ? Va-t-en vit, n'ai-je pas déjà vu
d'autres beaux jeunes gens ? Quelle laideur' ! (44)

Yonjwa revint sur le chemin. Son neveu lui dit : 'Oncle, je vois que
tes demandes n'ont pas de succès. Il vaut mieux que nous allions
consulter un magicien'. Yonjwa se dit d'accord.

Ils se rendirent chez Bokika-le sauvage se faire désensorceler. Bokika
dit : 'Apporte-moi deux anneaux de cuivre ( avance sur les honoraires).
Il les lui donna. Bokika dit : 'Prends cette petite natte
ramasse-balayures et ces deux feuilles, donne-les à ton neveu. Toi-même
marche toujours derrière lui'.

Ils firent ainsi. Ils marchèrent tout droit. Ils travesèrent le village
et pénétrèrent en forêt. Arrivés juste à l'entrée du village ils
rencontrèrent un homme ruisselant d'huile de palme : il en est devenu
invisible.

Bolembe voulut rebrousser chemin mais Yonjwa l'empêcha : 'Arrête' !
Yonjjwa arrêta cet homme et le questionna : 'D'où viens-tu' ? 'Mais cet
homme ne répondit pas, il ne faisait qu'haleter. Il dit : 'Je te
raconterai'. Ils s'assirent.

Quand l'halètement fut diminué, Yonjwa dit : 'Raconte-mai un peu
comment tu es devenu tout couvert d'huile'. Lui dit : 'J'etais allé
demander une fiancée. Je ne voulais pas n'importe quelle femme.
J'appris la renommée d'une femme nommée Eyonga. Comme elle est
extrêmement forte à la lutte on lui applique le sobriquet Championne.
J'y allai. Arrivé, je la demandai en mariage. Elle accepta. Mais avant
de la prendre, on doit la terrasser dans l'huile. Nous nous sommes
mesurés moi et elle ; bien vite elle me terrassa deux fois, puis elle
me versa encore le résidu d'huile dur le corps. Voilà pourquai je suis
tout crasseux d'huile. Je m'élançai en vitesse derrière les maisons ;
je rentre chez moi. Si tu ne le crois pas, écoute ce chahut-là avec
lequel on se moque de moi'.

Yonjwa ne répondit rien. Ils se firent leurs adieux et se séparèrent. A
l'arrivée à l'entrée du village, Yonjwa sit à Bolembe : 'Quand nous
serons arrivés là chez la femme, reste au milieudes chemins. Etends la
natte et assieds-toi sur les feuilles magiques. Qu'il pleuve, qu'il
vente, qu'on t'appelle, tant que tu n'as pas entendu mon appel à moi,
ne te lêve pas de la natte'.

Ils arrivèrent. Yonjwa demanda où habitait Eyonga. On le lui indiqua.
Il s'y rendit, y trouva quatre femmes occupées à tresser leurs cheveux.
Il les questionna, elles répondirent, mais ne lui demandèrent pas
pourquoi il était venu. Il badina et leur demanda : 'Qui de vous est
Eyonga' ?

Eyonga ne le cacha pas, elle se nomma. Lui reprit : 'C'est à toi que je
suis venu rendre visite. Je ne veux pas aucun agacement'. Eyonga se
retourna. On la laissa un instant. Et elle dit : 'Venu pourquoi' ? –
'Je viens te demander en mariage'. Eyonga repartit : 'Chez moi, on ne
fait pas ainsi. Va là-bas au-déla de la place centrale, questionne ceux
qui s'y trouvent assemblés ; ils te diront ma façon d'agir'. Il partit
(45).

Les patriarches lui dirent : 'Reste, on te flanquera par terre toi
aussi demain matin'. Mais Yonjwa reprit : 'Je ne veux pas demain, je le
veux aujourd'hui même'. Les patriarches : 'Son père n'est pas ici.
Attends que nous l'appelions pour toi'.

On appela Kungoelo. Il vint. Yonjwa lui dit pourquoi il était venu.
Kungoelo : 'Qui es-tu' ? Et lui : 'Moi, je suis Yonjwa fils de
Lonkundo'. – 'Oh ! ainsi c'est toi ! Attends'.

Le patriarche appela les esclaves et leur ordonna d'apporter cinquante
fûts d'huile. Ils les apportèrent. Kungoelo battit le tam-tam et les
gens s'assemblèrent. Il leur dit qu'il s'agit du combat habituel. Tout
le monde se mit à huer : 'Yonjwa est venu ramasser sa part de honte
pour les chutes lui aussi'.

Les gens s'assirent et les esclaves vidèrent tous les fûts d'huile.
L'huile arriva aux cuisses (O : aux mollets). On appela les deux
lutteurs. Immédiatement ils entrèrent dans la mare d'huile.

Bolembe demeuré à distance sur le chemin se casse le cou pour voir. Les
lutteurs s'empoignent. Ils glissent d'un côté et de l'autre ; puis se
détachent. Ils recommencent, s'empoignent, slissent d'un côté et de
l'autre, puis se lâchent.

Les spectateurs s'émerveillent de la vigueur de Yonjwa. Championne
n'est pas habituée à une longue lutte. Que fait-elle maintenant avec
Yonjwa ?

Championne soulève Yonjwa jusqu'aux épaules. Au moment de le jeter par
terre Yonjwa dit : 'Papa Lonkundo, une femme peut-elle me terrasser
devant tout le monde ? Où irais-je cacher ma honte' ? 'Immédiatement
Championne sentit des crampes comme d'un poisson électrique et la lâcha.

Le père de Championne s'attriste, et entonne ce chant :

Ma chère fille Championne

Tu luttes fort longtemps

Tu enfantes étant célibataire

Parce qu'aucun homme ne l'emporte sur toi

Que fais-tu donc aujourd'hui ?

Montre ta tactique

Qui ne tarde pas à triompher

R : Change la prise

' ' '

Championne le leva en haut pour le flanquer par terre, mais elle-même
glissa et tomba ; son père cria : 'que fais-tu' ? Championne rebondit.
Les gens sont tout étonnés. Le père dit : 'Reprenez cela'. Alors Yonjwa
en eut assez et Kungoelo dit : 'Finissez-en'.

 

 

Yonjwa triomphe de Championne

Yonjwa se fâcha. Il se mordit les lèvres et dit : 'Bolembe, réponds à mon chant'. Et il entonna :

Yonjwa sois comme un Ficus

Ficus comme qui enserre le palmier

R. serré

Là-dessus Yonjwa lève Championne et l'agrippe solidement. Elle tente de
se libérer : impossible. Elle le tente encore : sans résultat. Il la
lève en haut et la jette en bas mais tombant sur les pieds. Les
visiteurs hurlèrent : 'Oh ! assez ! Championne a un mari'. Quelques-uns
n'étaient pas d'accord. Yonjwa dit : 'Si vous n'êtes pas d'accord,
continuons pour y mettre fin'. Mais Championne ne voulait plus, elle en
avait assez.

Le père dit : 'Cessez la discussion. Taisez-vous et écoutez. Yonjwa est
un premier-né, Championne est une première-née (46). Mais aujourd'hui
Championne a trouvé un mari. Avouez qu'il l'a terrasée'.

Tous battirent les mains et répandirent la nouvelle que Championne
avait trouvé un mari. Le père dit : 'Il l'a bien vaincue mais il reste
une chose : il doit me couper les fruits de palme qui se trouvent sur
l'arbre Polyalthia (47). Quand il aura fait cela il peut prendre son
épouse, la dot s'arrangera après'.

Le patriarche Kungoelo prépara à manger et de la bière pour tous les visiteurs, puis ils s'en allèrent.

Yonjwa et sa femme se baignèrent, s'enduisirent de fard rouge et
entrèrent dans la chambre de Championne. Bolembe qui était resté dehors
entra dans la maison. On cuisina une abondance de nourriture et on
mangea.

Le soleil se coucha. La nuit Championne dit à son mari : 'Papa veut te
mettre dans l'embarras. En pleine nuit je t'éveille-rai, pour que nous
allions dans la palmeraie couper deux régimes de fruits excellents : tu
grimperas sur le Polyalthia les y attacher, que tout soit fini demain
matin'. Ils firent ainsi.

Le lendemain matin le patriarche bat le tam-tam et les gens
s'assemblent. Il dit : 'Amis, allons à l'accord d'hier, c'est-à-dire
que mon gendre coupe les fruits de palme sur le Polyalthia'. Tout le
monde s'étonne : 'Comment les fruits de palme murissent-ils sur le
Polyalthia' ? Ils partirent.

Arrivés là ils trouvent deux régimes brillants. 'Ah ! Comment ? Voilà
des fruits de palme mûrs sur le Polyalthia' ! Yonjwa grimpa et les
coupa. Tout en sueur il descendit et remit les fruits à son beau-père.
Ayant fini cela Yonjwa dit au patriarche : 'Je désire me mettre en
route aujourd'hui'. Le patriarche répondit : 'Tu as une femme, mais
attends : arrangeons ses bagages, vous partirez demain'. Ils
arrangèrent les affaires.

Pendant la nuit la femme eut un rêve. Elle réveilla son mari et lui dit
: 'Lorsque nous partirons demain nous disposerons la caravane comme
ceci : toi en tête, ton neveu te suit, puis moi, et Lofale – un enfant
que Championne avait eu avant son mariage – me suit. Tous les autres
viennent après nous. Si tu n'agis pas ainsi nous n'arriverons pas en
bonne condition'. Le mari se dit d'accord.

Ils se remirent à dormir et la femme eut encore un autre rêve : 'Si ton
mari rencontre quelquún et que cette personne demande son nom, qu'il ne
le dise pas. Yonjwa doit lui demander son nom a lui. Dis-le-lui. Ne
cache absolument rien' !

Championne dit à son mari : 'Si tu rencontres quelqu'un pendant que
nous marcons et qu'il te demande ton nom en disant : halte, dis, qui
es-tu ? ne lui dis pas ton nom mais demande-lui de même : halte, dis,
qui es-tu ? Si tu lui cites ton nom, il te tue'(48).

Au matin Yonjwa se rend chez son neau-père Kungoelo et prend congé de
lui : 'Je vais chez moi. Je ne pars pas seul, donne-moi des hommes pour
qu'ils t'apportent les valeurs dotales autant que tu veux'.

Kungoelo appela huit hommes, disant : 'Pars avec ceux-ci, qu'ils
aillent me chercher les valeurs dotales'. Yonjwa reprit : 'Non, huit
n'est pas assez, quatre-vingts hommes (49).

Le soleil étant monté la caravane se mit en route dans l'ordre que
l'épouse avait vu la nuit. Ils marchèrent fermement. La nouvelle
s'était répandue que Yonjwa avait acquis Championne et qu'il allait
passer avec elle par là.

Lorsque les hommes qui avaient demandé la main de Championne
entendirent cela ils en furent jaloux et allèrent se cacher pour le
tuer. Championne portait avec elle un sachet en fourrure que son père
lui avait donné, sans rien d'autre.

Arrivés au milieu de la forêt, et pendant qu'ils causaient ensemble,
ils virent soudam devant eux comme un coup de foudre : 'Halte, dis, qui
es-tu' ? Yonjwa dit : 'Moi, Yonjwa'. Immédiatement cet homme prit une
lance et le blesa profondément à mort.

Les gens prennent la fuite. L'homme dit : 'Championne, partons'.
Championne dit : 'Attends-moi, je dois d'abord enterrer Yonjwa'. Elle
retira de son sachet en fourrure de genette un pau de collyre qui sý
trouvait et le mit dans le nez de Yonjwa. Yonjwa éternua trois fois et
revint à la vie. Cet homme (étranger) s'enfuit.

Championne réprimanda son mari pour sa stupidité et ils partirent. Peu
de temps après, ils voient soudain un homme qui s'amène, armé de
flèches et de lances. Il interpelle Yonjwa : 'Halte ! Dis, qui es-tu' ?
Yonjwa se trompe une nouvelle fois et lui dit : 'Moi Yonjwa'. Cet homme
prend une lance et en blesse Yonjwa mortellement.

Championne agit tout comme avant et guérit son mari. Toutes les
personnes dans la caravane le réprimandèrent. Championne jura : 'Si on
te tue encore une fois, moi je rentre chez moi, tu n'as pas
d'intelligence dans ta tête' ! Yonjwa eut honte, il fit un serment lui
aussi.

Pendant qu'ils s'entretenaient là-dessus, ils virent un homme devant
eux : 'Halte ! Dis, qui es-tu' ? Yonjwa répliqua : 'Halte, dis, qui
es-tu' ? Cet homme répondit : 'Moi je suis l'oiselet des herbes, on
entend sa renommée mais on ne le voit pas'. Yonjwa prend sa lance et le
tue.

Ils continuent la marche, puis soudain voient encore quelqu'un
apparaître devant eux, effroyable à voir : 'Halte, dis, qui es-tu' ?
Yonjwa : 'Halte, dis, qui est-tu' ? L'homme répondit : 'Je suis la
chauve-souris du marécage aux palmiers Raphia qui habite ici et là,
même chez ses parents par alliance' (50). Yonjwa prit sa lance et le
tua. On le jeta. Ils continuèrent et rencontrèrent une multitude de
personnes qui leur tendaient un traquenard et il les maîtrisa tous.

Ils continuent mais Championne est fatiguée de la marche, et elle dit :
'Yonjwa chéri, j'en ai assez, qu'allons-nous faire' ? Son mari dit :
'Ordonne aux esclaves de chercher un endroit convenable pour y
construire des huttes' ! Les esclaves trouvèrent un endroit excellent
et revinrent le leur dire. Yonjwa leur commanda d'établir le campement.

Le soleil se coucha. Le matin se leva. La femme dit : 'Je ne peux plus
continuer à marcher ; il vaut donc mieux faire ici notre demeure
définitive'. Le mari dit : 'Bon, faisons donc ainsi'. Il matériaux de
construction. Ils firent ainsi : les uns arangeant le sol, les autres
coupant les pieux, d'autres encore plantant. Immédiatement tout était
fini.

Yonjwa dit : 'Avant de donner un nom à ce village je dois tailler un
tam-tam et avertir mon père que je suis revenu avec une épouse et que
je suis occupé à établir une résidence dans cette forêt'. Il ordonna
aux esclaves de chercher un gros arbre Pterocarpus. Puis il tailla un
tam-tam plus grand que tous. Ce tam-tam s'entendait par tout le pays
des Nkundo. Et il dit : 'Avant que je parte chez mon père : ce village
s'appelle Nkuma'(51).

 

Yonjwa présente sa femme à son père

Yonjwa dit : 'On ne peut cacher la viande au feu (52). Je vais donc
mener cette femme à mon père pour qu'il fasse sa connaissance'. Il dit
à son épouse : 'Ce soir nous emballons quelques choses. Tous les
esclaves doivent voir la demeure de papa'. La femme agréa le projet du
mari.

Le soir Yonjwa monte vers le tam-tam et le bat pour la première fois.
Il mande à son père : 'J'ai été parti longtemps. Demain matin nous nous
reverrons. Les nattes étendues ! Je viens avec le jeune d'un léopard.
Arrange tout. Demain je suis en route' (53).

Les gens s'étonnèrent cat on ne connaissait pas la présence d'un
tam-tam dans cette forêt-là. Ils le mirent en doute, disant : 'Cela
n'est pas le tam-tam de Yonjwa ; c'est un autre patriarche venu
s'établir là'. Ils eurent peur de cela.

Le jour se lève. Championne et son mari appellent les esclaves qui
s'assemblent. On leur expose longuement l'ordre de la marche. Ils
partent mais ont beau chercher le chemin de Méditerre, ils ne le
trouvent pas. Ils se mettent à errer et à s'égarer complètement. Ils
marchent sans interruption et arrivent de retour à Nkuma. Ils se
fâchent (54).

Championne leur impose silence disant : 'Calmez-vous'. Elle prend son
sachet en fourrure de genette, l'ouvre et dit : 'Vous tous ici, pendant
que nous allons dans cette fourrure personne ne peut parler. Mais
répondez à la chanson que je vais entonner'.

On s'assied. Championne et son fils Lofale chantent :

'Genette de papa vole vole

emporte nous vole vole

pour arriver chez papa vole vole

Cette fourrure courut à toute allure, les emporta tout droit et les mena à Méditerre.

Yonjwa enjoignit à sa femme d'arrêter la caravane. Tous s'arrêtèrent
net ! Il leur dit : 'Maintenant nous sommes arrivés chez moi. Mais vous
tous n'entrez pas, attendez un moment. Moi et Championne et Lofale et
Bolembe, nous nous présentons d'abord'.

Ils firent ainsi. Ils arrivèrent. Lorsque le père de Yonjwa le vit, il
bondit de joie et alla embrasser son fils. Le fils dit : 'Vois-tu mon
épouse' ? – 'Oui, entrons dans la maison'. Il battit le tam-tam.

Les gens vinrent lui souhaiter la bienvenue. Yonjwa dit : 'Papa, je
suis venu avec une multitude de personnes, bats le tam-tam qu'ils
viennent'. On les appela et ils affluèrent tous. Le village se remplit
de monde. Ils viennent admirer Yonjwa en rappelant la richesse de
Lonkundo : 'Le fils ressemble au père, ce n'est pas un conte'. On leur
souhaita la bienvenue et leur prépara une abondance de nourriture.

Le soleil se coucha. On leur assigna où passer la nuit. Tôt le matin,
Yonjwa dit : 'Papa, demande-moi les nouvelles (55), que je t'expose
tout ce qui m'est arrivé là où je me suis rendu'.

Le père convoqua les gens et il le questionna sur ce que lui était
arrivé depuis qu'ils s'étaient séparés. Le fils dit : 'Je suis parti
avec Bolembe. Il n'est pas là. Nous ne pouvons donc tout raconter
aujourd'hui'. Quand Bolembe fut arrivé Yonjwa raconta clairement tout
dans les détails : le chahut ne peut percer le ciel (56). Ils
s'étonnèrent de toutes les tribulations du jeune homme. Et il termina :
'J'amène un jeune léopard : paie les valeurs de mariage pour elle'.

Le père regarda en bas, regarda en haut, et transmit les nouvelles aux
visiteurs. Ils dirent : 'Nous nous fions à toi' (57). Lui dit : 'Cher
Yonjwa, quelle affaire formidable ! Cela coupe le sifflet ! (58). Mais
nous verrons bien demain'.

On alla ze coucher. Le matin venu, Lonkundo appela son fils et lui dit
: 'Appelle les beaux-parents que nous arrangions l'affaire du titre
matrimonial'.

L'arrangement du Mariage

Les beaux-parents vinrent. Lonkundo questionna son fils : 'Yonjwa, qui
est vraiment le frère de ton épouse' ? Il répondit : 'Elle n'a pas de
frère. Son père a envoyé ces gens pour lui apporter les valeurs,
donn-les à eux tous. Mais fais d'abord que Championne ramasse le
premier anneau de cuivre pour le leur remettre'(59).

Le père dit : 'C'est en ordre, c'est parfait. Attention à ce que je vais faire' !

On fixa les regards sur lui. Lonkundo dit : 'Méditerre' ! Et il acclame
: 'Comment je me suis fait une renommée, vous l'avez vu' !

Il dit : 'Yonjwa, appelle les esclave qu'ils viennent'. Il les appela.
'Dis-leur qu'ils aillent dans mes maisons, qu'ils prennent les houes et
les couteaux et tous les outils en fer qui conviennent au travail de la
terre, pui qu'ils se mettent dehors'. Ils sortirent tous ces objets.

Le patriarche dit aux anciens : 'Vous avez vu comment j'ai travaillé à
m'enrichir grâce à la chasse. Vous vous êtes demandé : Est-ce que
Lonkundo dissipe sa richesse en boisson ou en bagatelles ou quoi ?
Regardez ce que je vais faire'.

Et il dit aux esclaves : 'Pénétrez dans mon arrière-cour, creusez
partout et prenez la richesse comme vous voulez, jusqu'à ce que vous
n'en pouvez plus'. Ils l'entendirent et partirent.

Lorsque les habitants de Méditerre eurent entendu cela ils prirent
aussi leurs outils et allèrent creuser eux aussi. Quelle bousculade se
fit là ! Ils prirent du couvre tant qu'ils pouvaient, il en resta
encore. Ils remplirent des quantités de paniers jusqu'à la satiété.

Ceux qui étaient encore célibataires à Méditerre payèrent pour leur mariage ce jour-là même.

Yonjwa remercia son père grandement, disant : 'Papa, tu es un véritable
père. Tu as la renommée de n'être pas allé à la chasse vainement. Tu as
acquis des esclaves par ce travail. Tu as libéré des hommes du célibat.
Tu as fait un travail admirable. Reconnaissance à toi ! Les villages
vivent grâce à toi. Mets-toi en marche allons à Nkuma, pour voir les
animaux domestiques que mon beau-père t'a envoyés par moi'.

Lonkundo prit toutes ses affaires et on partit.

Les habitents de Méditerre dirent : 'Nous ne restons pas ici ; partons
avec le patriarche, il n'y a plus personne qui soutient le village'.
Ils prirent leurs effets et partirent avec Lonkundo et son fils : ce
fut là l'extinciton de Méditerre.

A l'arrivée en forêt Championne appela les femmes et leur enseigna la
loi habituelle : 'Personne ne peut parler dans ce sachet ! Qui parle
reste'.

On entra dans le sachet. Championne et son fils entonnèrent leur
chanson habituelle et partirent. Ils courent en volant et arrivent.
Yonjwa ordonna aux esclaves de construire une agglomération pour les
arrivants. Entretemps le père de Championne les suivit. On lui souhaita
la bienvenue. Il fit la connaissance des alliés. On lui donna son
trésor et il se réjouit. Il prit le groupe de ses esclaves, il fit ses
adieux aux alliés et partit.

Arrivé chez lui ce ne furent que des acclamations d'accueil. La rénommée de Lonkundo et de son fils de répandit.

Lonkundo convoqua une assemblée et donna à son fils toutes ses
possessions et la bénédiction. Il le bénit : 'Que tout ce que tu
désires arrive dans tes mains. Que ton fils aîné devienne renommé
partout comme toi-même. Ma force est finie. Agis sur la terre comme tu
veux'. Et il lui donna encore d'autres épouses ce jour-là.

 

 

ITONDE

Grossesse de Championne

Après la conclusion du mariage Yonjwa et Championne vivaient comme mari
et femme. Championne devint enceinte. Dans sa grossesse elle refusa tut
aliment. Le mari eut très peur. Il la réprimanda, mais son épouse lui
dit : 'Yonjwa, tu me réprimandes sans raison, je ne supporte aucune
nourriture, qu'y puis-je' ? Mais renvoie-moi à papa, lui sait quels
aliments j'aime'.

Le mari dit : 'Non, dis-les, je te les chercherai moi-même'. L'épouse
n'avait aucune bonne explication, et continuait à pleurer fort.

Un jour qu'ils se trouvaient ensemble ils sentirent l'odeur d'une bête
qu'on est en train de rôtir à l'autre côté du village. Championne dit à
son mari : 'Cherche l'endroit où l'on rôtir cettte viande pour me
l'apporter'. Le mari sortit et proclama qu'on lui apporte cette viande.
On la lui apporta, il l'acheta pour un anneau de cuivre et la donna à
sa femme.

Lorsque la femme eut vu la viande elle la prit et la braisa. Elle prit
trois bananes, les passa par le feu. Elle mangea avec énormément de
goût, et dit : 'Yonjwa chéri, tu as réussi ; je ne veux plus d'autres
viande ou poisson, je ne veux que les rats de Gambie. Va m'en chercher'.

Le lendemain matin, le mari sortit, appela trois esclaves, et les
envoya en forêt. Ils dressèrent une multitude de collets et tuèrent
huis rats. Ils les apportèrent à Championne. Venant à les manger elle
les engloutit en une seule heure.

On envoya encore un groupe d'esclaves et ils eurent beaucoup de rats.
Elle les braisa tous ; elle les fit disparaître sans rien laisser (60).
Puis elle se remit à pleurer. Lorsque son mari eut vu cela il se fâcha.
Il envoya les esclaves en forêt et ordonna d'y rester jusqu'à la
naissance de l'enfant.

Ils préparèrent des provisions et pénétrèrent dans une forêt très
éloignée. Cette caravane comprenait douze hommes. Yonjwa et Championne
et les esclaves marchèrent droit et loin, puis arrivèrent au plus
profond de la forêt. Yonjwa ordonna aux esclaves d'établir un
campement. Ils se couchèrent.

Le lendemain, de très grand matin, Yonjwa ordonna aux travailleurs de
construire une très longue maison et une grande étagère. Cela fini,
quand la matinée fut avancée ils pénétrèrent dans la forêt afin de
déblayer le terrain pour la clôture de chasse.

Ils établirent une clôture colossale et dressèrent une grande quantité
de collets. Le lendemain matin ils allèrent inspecter la clôture. Ils y
trouvèrent pris huit rats de Gambie et les apportèrent. Championne les
mangea tous goulûment (61). Le lendemain après ils y retournèrent et y
trouvèrent pris dix rats de Gambie. Ils les portèrent à Championne qui
en braisa cinq et boucana cinq. Elle mangea les premiers toute seule.

Le jour se coucha ; le matin venu ils inspectèrent les rats posés sur
l'étagère : disparus ! plus aucun ! Championne éclata en pleurs
longuement. Lorsque le mari eut vu cela il appela les esclaves et les
qustionna. Ils dirent : 'Comment ! Nous dormons de notre côté et toi
ici. Quoi donc viendrons-nous faire par ici chez toi' ?

Championne pleura toute la journée. Yonjwa envoya les hommes inspecter
la clôture. Ils trouvèrent vingt rats. Ils les apportèrent Championne
les prit toute nerveuse. Elle en boucana dix et braisa dix. Ceux-ci
venus à point elle les dévora toute seule.

Pendant la nuit les dix rats mis dur l'étagère disparurent. Au matin
Championne pleura en sanglotant. Voyant cela Yonjwa se fâcha. Il appela
tous ses esvlaves et les fouetta. Il ls la et versa de l'eau sur les
cordes. Ils pleurèrent : 'Nous ne sommes coupables que d'être esclaves.
Là où le seigneur et sa femme dorment personne n'y va. Qui donc irait
manger les rats ? Qu'y pouvons-nous' ?

Là-dessus un garçon a une idée, il dit : 'Laisons cela, aujourd'hui
même je tresse un filet et j'en couvrirai les rats. Nous verrons bien' !

La matinée étant déjà avancée, Yonjwa libéra les esvlaves et dit :
'Alles inspecter les collets'. Ils y allèrent et prirent quarante rats
ce lour-là. Ils les apportèrent. Championne bondit de joie et fit comme
d'habitude : elle en mangea vingt et boucana vingt.

Entretemps le soleil se coucha. Le garçon qui avait tressé le filet dit
: 'Seigneur, je voudrais te préparer ce tabac-ci' (62).

Yonjwa agréa. Or le garçon n'était pas venu préparer le tabac, mais
couvrir les rats avec le filet qu'il avait tressé pendant la journée.
Ayant fini cela il prit le tabac et le donna au patriarche.

Ils entrèrent dormir. Au beau milieu de la nuit le patriarche entendit
du bruit sur l'étagère. Il trembla fort. Il réveilla sa femme. Mais en
lui tâtant le ventre et écoutant : le ventre était tout silencieux (63).

Il questionna sa femme : 'Championne ! Championne ! où est parti ton
enfant' ? Elle répondit : 'Yonjwa, tu m'interroges, mais je suis toute
ébahie, j'ignore où il est parti. Qu'allons-nous fair' ? Yonjwa dit :
'Attise un peu le feu'. Pendant que Championne s'approche du foyer pour
raviver le feu elle sentit quelquún lui lancer un crachat à la figure !
Ce crachat piquait comme une chenille urticante. Championne se retira
en glissant sur le séant et se laissa tomber sur le lit en pleurant.

Le patriarche s'enhardit pour attiser le feu. Mais il sentit qu'on lui
chachait à la figure lui aussi, la salive comme la pluie et piquante à
l'excès.

Celui qui leur chacha au visage était celui qui nenait manger la viande
se trouvant sur l'étagère ; c'était l'enfant dans le sein de Championne
; il sortait chaque nuit pour mange la viande. Mais un garçon avait eu
une idée et ainsi le prit au filet.

Epouse et mari souffraient beaucoup des urtications. Ils appelèrent les
esclaves pour qu'ils viennent avec du feu pour voir ce qui s'était
passé. Lorsque les esclaves retournèrent à leur propre foyer ils
trouvèrent le feu éteint depuis longtemps. Quel malheur !

Il faisait tout noir. Le patriarche et sa femme se levèrent. Ils
restèrent assis, puis entendirent les coucous qui commençaient à
annocer le jour.

Quand Championne eut entendu cela elle s'éveilla, et chanta une chanson magnifique :

Yonjwa Chéri, j'entends les coucous de la forêt m'appeler

R/ avec des appels comme d'homme

Que vais-je faire ?

R/ avec des appels comme d'homme

Yonjwa

R/ avec des apples comme d'homme

Que vais-je faire ?

R/ avec des appels comme d'homme

 

Lorsqu'elle
eut fini cette chanson le jour redevint tout obscur. Ils attendent et
sombrent dans le sommeil. Puis ils entendent qu'on bat le tam-tam dans
chaque village :

'natte et lit adieu,

le sommeil nocture est fini

adieu adieu'.

Là-dessus Yonjwa réveilla sa femme : 'Championne, qu'allons-nous faire
? là-bass au village on bat les tam-tams que le jour point. Or ici, que
se passe-t-il' ? Ils dormirent toute la journée puis entendirent de
nouveau des tam-tams battre :

'Si tu vas te marier rentre parfois dans ta famille pour qu'on ne
t'enseigne pas en vain le chemin vers ta famille ; natte et lit, nous
te revenons'.

Yonjwa dit : 'Ecoute comme on bat les tam-tams pour le coucher du
soleil. Comment ne s'est-il pas levé ici' ? Ils sont fatigués de dormir
et se mettent à passer la nuit en veillant. Ils réveillent les
esclaves, mais ils ne se voient pas, ils s'entendent parler seulement.

Puis ils entendent chanter les coucous comme d'habitude. Championne
chante aussi sa chanson habituelle. Entendant cela Yonjwa réprimande sa
femme : 'Comment ! Je crois que tu sais ce qui se passe ici. Car à
peine entends-tu les coucous commencer à chanter que tu commences de
suite également ta chanson. Cesse un peu de chanter encore. Nous nous
trouvons ici en danger de mort. As-tu jamais vu qu'on vit dans les
ténèbres nuit et jour ? Cesse' !

Chaque fois que Championne entendait le chant des coucous elle ne
laissait pas de chanter. Yonjwa se fâchait et dit à sa femme : 'Si tu
veux rester ici tu le peux ; mais moi je me traine en târonnant sur le
chemin de chez moi, même dans l'obscurité, n'importe'. Il annonça ce
projet à ceux qui étaient venus avec eux. Il rampa lui et sa femme et
les esclaves, et partirent, cherchant le chemin à tâtons.

S'étant avancés un peu ils arrivèrent en pleine lumière. Ils y
trouvèrent le soleil déjà en haut. Ils se mirent les bras dans les
bouches (d'étonnement). Lui et sa femme et les esclaves se mirent à
courir. Pendant cela personne ne regardait en arrière. Ils arrivèrent
dans les villages, puis chez eux.

Lorsque les gens les virent ils vinrent accueillir le fils. Mais Yonjwa
dit : 'Parenté, retournez dans vos maisons. Attendez-moi un instant que
je mange ; ensuite je vous raconterai le grand événement inoui qui
m'est arrivé là-bas en forêt'.

Il s'assit, puis se coucha. Le lendemain matin il ordonna à Lofale de
battre le tam-tam. Lofale convoqua l'assemblée. Les villages affluèrent
d'affilée et remplirent la place publique.

Là-dessus Yonjwa appelle sa femme et les personnes qui étaient allées
avec lui était arrivé dans la forêt. Les cris montent jusqu'au ciel
(65).

Yonjwa ajouta encore ceci : 'Ici dans ce village nous nous connaissons
bien. Mais si vous voyez un étranger ne lui enseignez pas le chemin
vers mon habitation ; mettez-lui du poison dans la nourriture afin
qu'il meure ; ou encore : faites-lui boire l'ordalie'.

Ayant entendu cela les gens eurent très peur. Ils préparèrent toutes sortes d'armes pour le tuer quand il viendra.

 

 

Itonde revient

Là-bas où l'enfant était resté dans le campement le jour était levé
depuis longtemps. Cet enfant s'appelait
Itonde-esprit-de-sorcellerie-au-flanc. Il ramassa une amande palmiste
et se mit en position pour attendre le gibier. Voyant passer une
antilope naine il lui lança l'amande, la toucha aux pattes et
l'antilope mourut. Il prit l'allume-feu et alluma le feu. Il braisa la
bête en entier. Elle vint à point et il chanta sa chanson de repas :

'Itonde garçon dévorant R/ dévore-le

Sans père sans mère ici dévore-le

Garçon dévorant dévore-le

Là-dessus il mangea la bête entièrement. Pendant quíl était assis il
vit une antilope mpambi passer. Il prit son amande palmiste habituelle
et al lança, l'antilope atteinte mourut. Il la prit et la braisa comme
d'habitude. Il chanta son chant et la mangea entièrement. Il fit ainsi
avec beaucoup d'autres bêtes, excepté seulenment le éléphants et les
serpents.

Pendant qu'il était assis il vit un nectarin se percher tout près de
lui. Il prit son amande palmiste comme de coutume pour le tuer. Mais le
nectarin lui dit : 'Es-tu fou ? N'es-tu pas rassasié de toutes ces
bêtes que tu manges ? Pourquoi donc me tues-tu' ?

Itonde eut peur et déposa l'amande palmiste. Le nectarin parla encore :
'Voici, reste tranquille, je te dirai pourquoi je suis venu'. Il lui
dit : 'Tu as une parenté. Or où est-elle' ?

Itonde repartit : 'Je ne le sais pas'. Le nectarin : 'Demeure ici, ne
pars pas ; je vais chercher quelqu'un qui t'indique le chemn de chez
toi'. Le nectarin le quitta et lui envoya le coucou.

Pendant qu'Itonde était assis il vit le coucou venir. Il lui demanda :
'Qui es-tu' ? L'oiseau répondit : 'Qui es-tu' ? Itonde réfléchit et dit
: 'Es-tu le coucou qu'on m'a promis ? Apporte-moi l'envoi qu'on t'a
remis pour moi'.

Le coucou dit : 'Bien sûr je suis venu pour toi, mais on ne m'a pas
confié un cadeau pour te remettre. Moi je suis venu te donner un moyen
magique. Mais cette magie personne n'a les moyens de la payer. Mais
toi, tu es digne de pitié et je suis venu te le donner gratuitement'.

Itonde dit : ' Je te remercie, donne-la moi'. Mais l'oiselet reprit :
'Non, non, avant de recevoir ma magie tu dois chanter pour moi'. Itonde
: 'Que dois-je chanter' ? L'oiseau lui rit et dit : 'Tu as les yeux
ouverts et tu ne connais pas de chansons' ? Chante donc :

'Coucou, chanson que chantent les jeunes femmes. Quand tu auras fini je te donnerai'.

Itonde chanta à pleine gorge. Le coucou vint voler doucement et se
poser sur ses mains, disant : 'Bats les mains et tu reçois la magie de
la danse'. Notre héros battit les mains.

Le coucou dit : 'Cette chose que je t'ai apportée est un grelot. Et ce
grelot porte un nom. Son nom est monde. Chaque chose que tu aimes
demande-la au grelot et tu l'auras. Tout y est : combat, force,
richesse, pauvreté, orage, vent, tous les oiseaux et animaux, toutes
les langues de la terre. Voici ta vie' (66).

Itonde prit ce grelot. Se mettant à l'examiner il y trouva les marques
de tout ce qui se trouve sur la terre : les marques qui se trouvent sur
les feuilles de la forêt, les objets et tous les serpents. Il était
content.

Puis il se mit en marche cherchant le chermin pour sortir de la forêt.
Il sonna le grelot et chanta : 'Que cette brisée R/ soit un chemin'.
Immédiatement il suivit la brisée en allant tout droit et arriva très
loin. Mais il s'égara encore et revint à l'endroit où il s'était trouvé
avant. Soudain il vit le nectarin lui revenir en disant :

Itonde R/ tin tin tin

Ne vois-tu pas tin tin tin

Bats le grelot tin tin tin

Et chanta la chanson tin tin tin

Ainsi tu arriveras tin tin tin

Le gaillard ne protesta pas, il prit le grelot, le sonna, chanta sa chanson et parvint sur une grande route (67).

Itonde-esprit-de-sorcellerie-au-flanc était très content pour être
parvenu à une grande route. Mais il était déprime parce qu'il était
tout nu. Il se regarda et eut honte, disant : 'Ainsi ce ne va pas ; il
convient que je retourne en forêt pour y rester ; puis me mettre en
route quand j'aurai un vêtement'.

Il retourna en forêt. Pendant un détour il entendit quelqu'un chanter
des chansons d'écot à pleine gorge. Il dit : 'Je n'ai pas encore été en
contact avec des humains. Il est préférable de me porter sur le chemin
pour demander à cet homme une petite pièce de tissu'. Il s'y rendit et
le salua.

Lorsque Lomanga l'eut vu il prit peur et dit : 'D'où viens-tu' ? Avant
même qu'Itondo lui réponde Lomanga sortit une lance et la lança vers
lui. Itonde l'évita, disant : 'Toi, un patriarche, tu n'as pas de
façon. Je ne fais que t'interroger. Pourquoi donc me jettes-tu des
lances' ? Il n'avait pas encore fini ce qui était dans la bouche (68)
que Lomanga lui en lança encore une.

Itonde l'evita. Il en prit encore une et la lança. Toute la journée
Itonde évitait les lances jusqu'à ce que toutes celles que le
patriarche avait furent épuisées. Itonde courut, retira de terre toutes
les lances, poursuivit Lomanga, le blessa et le tua tombant net comme
une masse. Il lui enleva tout son habillement et s'y enfila lui-même.

Le gaillard était très content parce qu'il avait obtenu toutes les
affaires : lances, boucliers, réticule, couteau, et beaucoup d'autres
objets.

Il reprit le chemin et le suivit tout droit. Mais il avait la peau
sèche grise ; il dit : 'Ainsi ce n'est pas bien ; je vais chercher du
fard rouge'. Il entendit le bruit d'une vieille femme, Ondufeji,
occupée à râper le fard. Il se porta vers elle pour lui en demander un
peu.

Lorsque la femme le vit elle cessa de râper son bloc de bois, elle cria alarme et s'enfuit.

Notre héros quitta le chemin, prit ce fard et s'enduisit. Il était devenu un vrai homme qui n'a plus peur.

Il continua longtemps et arriva à l'entrée du village. Il s'arrêta
toute la journée, inspecta l'agglomération, puis continua. Il arriva
auprès des gens en assemblée. Lorsqu'ils l'eurent vu ils sortirent et
l'examinèrent.

Lorsqu'Itonde vit cela il leur posa ses propres questions, puis il se
retira en courant et les laissa. Mais l'un des patriarches qui était là
l'examina longuement et leur dit : 'Vous autres ne vous souvenez-vous
pas de ce qu'on vous a dit ? Ne connaissez-vous pas cet homme ?
N'est-ce pas lui dont le patriarche Yonjwa a dit qu'il les ensorcelait
dans la forêt ? Comment ! Cessez le tapage et ne le fixez pas trop pour
qu'il ne remarque rien. Laissez-le pénétrer en forêt ; ensuite
envoyons-lui un garçon l'inviter ; et quand il vient donnons-lui des
alments empoisonnés et des ignames vénéreuses afin qu'il meure
aujourd'hui même'.

On ordonna aux femmes de préparer des aliments empoisonnés. Le
patriarche Ilongalomola envoya son fils à la poursuite d'Itonde dans la
forêt. Il l'arrêta et lui dit : 'Viens, papa t'appelle vite' !

Itonde hésite, puis se retourne et ils reviennent. Lorsqu'ils le voient
à l'entrée du village ils sont ébahis et vont l'accueillir. Certains
lui lancent les salutations solennelles ; il leur répond : 'La liane a
des yeux' (70).

Là-dessus quelques-uns s'enfuirent sachant que cést un vrai homme.
Itonde s'arrêta dehors. Le patriarche en personne va vers lui et lui
dit : 'Comment., tu es un notable, entre donc dans la maison. T'ai-je
appelé pour rester dehors' ?

Immédiatement il quitta la place et ils entrèrent dans le hangar (71).
Là il se défit de son réticule et l'accrocha à un pieu. Les vieux et
les femmes et les jeunes l'entourèrent et lui demandèrent les
nouvelles. Mais il leur dit : 'Moi je n'ai pas de nouvelles. Tout est
en paix chez nous. Je suis en voyae pour visiter le monde'. Ils
approuvèrent.

La nourriture étant prête lui est servie. Il dit : 'Seigneurs, on dit :
L'habitant vit grâce au visiteur. Entourez-moi, joignons les doigts'
(72).

Tous, jeunes et vieux, disent : 'Tu voyages tout seul, il vaut mieux
que tu manges aussi tout seul. Nous pas' ! Il dit : 'Il y a trop
d'aliments ; empaquettez-m'en une partie'.

Le patriarche (A cite son nom Ilongalomola : Ilonga démasqueur de
mensonges) reprit : 'Mange tranquillement ; ce que tu laisses les
femmes te l'empaquèteront'. Il se dit content et les remercia.
Là-dessus il décrocha son réticule et sortit son grelot. Tous le
regardèrent tout ébahis.

Il se leva, prononça des incantations interminables ; puis il se mit à danser en chantant sa chanson apprise du coucou :

Mon grelot puis-je manger ceci R/ tin tin

L'arbre au tronc épineux tin tin

Ne mange pas, ne mange pas tin tin

L'arbre au tronc épineux tin tin

On a mis du poison tin tin

Ne mange pas, ne mange pas tin tin

 

Lorsqu'il
eut fini sa chanson personne ne dit mot. Tous étaient engourdis. Itonde
décrocha son réticule, et sans rien dire se mit en marche et partit.

Ceux qui restaient derrière mouraient d'une honte indicible. Ils mirent
les mains dans la bouche (74) et le poursuivirent. Jetant le regard en
arrière le gaillard vit un essaim comme d'abeilles l'entourer. Il
prépara une lance et ils s'enfuirent.

Il continua à marcher sans arrêt et parvint à un autre village. Les
gens firent comme les précédents et il les vainquit. On l'attaqua des
fois et des fois mais il continua et arriva au village de Yonjwa.

Les gens qui se trouvaient dehors le virent ; ils eurent peur et se
jetérent dans les maisons. Là ils épièrent par les petits trous dans la
toiture. Notre héros marcha résolutement pour battre le tam-tam que
personne ne peut toucher. Mais quelques-uns sortirent et lui crient :
'Toi, d'où viens-tu ? Qui t'a dit que tu peux utiliser ce tam-tam ?
Es-tu ensorcelé ? Ote-toi, descends immédiatement. Si tu ne t'en vas
pas tu verras' !

Lui répondit : 'Si vous ne vous taisez pas je ne m'en vais pas et je vous battrai'.

Eux reprennent : 'Ah ! avec ta témérité tu oses battre ce tam-tam' ?
Pendant qu'ils parlent encore il prend les baquettes qui se trouvaient
dans le hangar et il battit le tam-tam d'urgence.

Quand les localités eurent entendu cela ils accoururent, même les vieux
et les tout vieux (75). Personne ne reste. Tomber est rester (76).
Vinrent là toutes les cinq tribus qui vivaient ici dans notre pays :
Bombwanja, Elingal, Mpama, Bokote, Balumbe. Ils affluèrent par vagues
et remplirent Nkuma entièrement.

Ils disent : 'Seigneur Yonjwa, nous ne te demandons qu'une suele
nouvelle. Nous ne voulons pas converser. Tu es un esprit. Tu as
interdit sévèrement ce lokole qui ne peut être battu. Or ces temps ne
sont pas arrivés. Le jour où il serait battu est un mauvais présage. Et
voici qu'aujouird'hui ce tam-tam parle. Dis-nous donc pourquoi, afin
que nous puissions nous disperser'.

Yonjwa répondit : 'Je ne peux vous dire la raison. Ce n'est pas moi qui
ai battu le tam-tam. Regardez au-delà de la résidence capitale, vous y
verrez le maître du village qui est venu battre les tam-tams, qu'il
vous le dise'. (O : Moi je l'ignore. Demandez-le à ce jeune homme
là-bas, qu'il vous dise pourquoi il bat le tam-tam. Et s'il ne vous le
dit pas comme il faut, faites-lui comme vous l'entendez).

On porta l'affaire à Itonde. Il dit : 'Je ne bats pas le tam-tam pour
rien. Je m'étais égaré et maintenant je suis arrivé chez mon père'(77).

Lorsque Yonjwa entendit Itonde le nommer père il cria de fureur, prit
une lance pour le tuer mais on l'empêcha. Il dit : 'D'où vient-il que
nous nous appelions père et fils ? Qu'il vous dise pourquoi il a battu
le tam-tam, qu'il cesse de m'impliquer'(78).

Itonde dit : 'Comment ? Laissez-moi, je le dirai'. – 'Dis'. – 'Je ne
l'appelle pas père sans raison, Yonjwa et son épouse maman Championne'.

Championne ne l'a pas entendu que déjà elle s'est élancée avec un
brandon pour le brûler. Elle le renie : 'Cherche ta propre mère, moi je
n'ai donné le jour à aucun enfant comme toi' ! On fait taire Yonjwa et
sa femme : 'Laissez-le donc parler' !

Itonde continua son exposé. Il questionna son père : 'Toi, Seigneur
Yonjwa, tu nies m'avoir pour fils ; ton épouse Championne n'était-elle
pas enciente ? Pendant sa grossesse ne pleurait-elle pas pour avoir des
rats de Gambie ? Quand vous étiez allés dans la forêt n'avez-vous pas
eu d'accidents' ?

'Si vous mettez cela en doute, interrogeons les esclaves qui étaient
allés avec vous. Ils ne savaient pas tuer assez de rats et ceux-xi
disparaisaient chaque nuit. Et où donc est l'enfant que ton épouse a
enfanté ? Quel est son nom' ?

Et si malgré tout tu maintiens ton opposition et continues à me renier
je te donnerai d'autres preuves. Regarde un peu mes orteils ! N'est-ce
pas là la forme de tes oreilles ? Explique-moi cela pour me convaincre
que je ne suis pas ton fils'.

On lui répète le discours de son fils. Yonjwa regarde en bas, regarde
en haut (14), et dit : 'Amis, j'ai entendu ce qu'expose ce gringalet.
Attendez-moi, je vais le dire à ceux qui vivent toujours avec moi. Nous
allons tenir une délibération secrète'.

Yonjwa, son épouse, le fils Lofale, le père de Lonkundo, la mère se
retirent en comité secret. Ils tinrent conseil. L'ayant terminé ils
sortirent. Yonjwa dit : 'Amis, j'ai entendu tout ce que ce
gringalet-l`a dit. Mais avant de réprondre qu'il vienne montrer les
orteils dont il a parlé'. On l'appela. Il leur montra ses orteils. On
regarde : ce sont ceux de Yonjwa. Lui dit :

'Qui, que dirai-je ? Camarades, voyez-vous la difficulté ? Oui, il dit
qu'il est mon fils. Je l'admets. Vous tous avez entendu les graves
arguments qu'il m'oppose. Maintenant je peux le recevoir dans ma
maison'.

'Mais il n'entrera pas chez moi ainsi comme un enfant bâtard. Il doit
d'abord éclaircir tout. Afin que vous ayez le cœur en paix, convaincus
que nous accueillons un homme parfait'.

'Voici la première chose que nous avons pour le croire : vous tous
préparez-lui la potion de l'ordalie qu'il doit boire. Moi et sa mère et
la parenté qui habite la maison avec moi lui en préparons une autre
pour la lui faire boire. Ainsi nous pourrons savoir si nous avons
affaire à un pardait homme et j'agirai avec lui comme doit agir un père
envers son fils'.

 

 

L'ordalie

Lorsque les gens eurent décidé qu'Itonde devait boire l'ordalie ils se
rendirent chez Lomama Mponde pour presser les ignames vénéneuses, des
lianes Periploca, diverses choses mauvaises. Tous ceux qui étaient
venus le juger participaient au pressage. Ils le considéraient comme le
jeune d'une bête. Quelle pitié !

La potion de l'ordalie terminée, on la mit dans une grande cruche
nommée puanteur. On la lui apporta. Itonde jeta des regards, reluquant
dans toutes des directions. Il prit son grelot et le sonna.

Il se glorifia, il cita son sobriquet habituel : 'Moi Itonde esprit-de-sorcellerie-au-flanc, animal sans protecteur'(79).

Pendant qu'il sonne son grelot il ne se tient pas à un seul endroit ;
il se dresse ici, il saute là ; le cou d'un côté, le cou d'un autre
côté ; il se balance comme un serpent aquatique dans un étang
réexploité.

Mais les gens murmurent envers lui : 'Ce garçon pourra-t-il avoir la
vie sauve, camarades' ? Tous le pressent de boire l'ordalie. Mais lui
se plaint : 'Comment ! ne pouvez-vous pas patienter ? Je ne fuis pas.
Attendez, vous verrez comment j'agis'. Eux ne font que le regarder.

Il décrocha le grelot et invita à l'attention disant : 'Amis, que je
vive ou que je meure, regardez-moi et répondez-moi'. Et il entonna une
chanson merveilleuse :

'Itonde esprit-de-sorcellerie-au-flanc

on te lance des incantations pour boir l'ordalie à fond

Amis, boire l'ordalie à fond'.

Il leva la cruche, ingurgita tout jusqu'au fond, et déposa la cruche
inversée. Il la reprit et la jeta par terre. Les cris au ciel (56) !

Quel événement formidable !

Yonjwa dit : 'Bon, je l'ai vu. Maintenant nous savons que tu as vidé la
cruche, mais je vais en préparer une à moi'. Yonjwa et Championne et
ses épouses et toute la parenté allèrent presser leur potion d'ordalie
et la lui apportèrent.

Le héros prit son grelot et le sonna. Il chanta sa chanson habituelle.
Il boit, chante, gigote, rabâche, saute du coq à l'âne (80).

Dans la bouche (c'est) comme des flutes et des cors. Il prend la cruche
et la vide à fond. Les cris en haut (56) ! Ceux qui étaient allés en
forêt sursautaient. Yonjwa dit : 'Amis, maintenant nous avons vu que
Itonde est mon vrai fils. Il n'y a plus rien de mal en lui. Aussi je
vous demande : 'que dois-je faire' ?

Ils dirent : 'Ce n'est pas nortre affaire. Nous voyons que vous avez
donné la vie à un véritable homme qui a fait des actions très
merveilleuses. Il est ton vrai fils. Nous avons acquis un vrai guerrier
dans le village. Le mieux est que tu lui fasses un cadeau d'accueil
afin qu'il soit connu comme un premier-né important'.

Yonjwa dit : 'Oui ; asseyez-vous, vous allez voir'. Ils s'assirent. Lui
dit : 'vous tous qui êtes venus saisissez les poules et tous les
animaux domestiques que vous pouvez voir sur mon terrain. Saisissez
tous les poissons dans le vivier. Ravissez tous les alments que vous
voyez'. Les visiteurs obtiennent une abondance de nourriture, mettent
la main dessus jusqu'à l'épuisement.

Yonjwa dit : 'J'ai accueilli mon fils avec des cadeaux en nourriture.
Mais ainsi on ne le connaîtra pas comme un véritable homme. Car ce
village nous le dominons moi et un autre homme. Mais cet homme,
Indombe, ne se montre jamais. Nous entendons son nom comme une fable'.

'Vous êtes venus ici : les cinq tribus du pays. Aujourd'hui j'ai fait
un choix ; j'en prends toute la responsabilité. Par vos ancêtres, par
vos cadavres, déterrez tous vos parents qui ont vécu avec vous' (81).

'Vous les quatre tribus que voici : Bombwanja, Mpama, Bokote et Elinga,
écoutez-bien : Prenez vos armes et attaquez les Balumbe comme sacrifice
pour Itonde'.

Sur-le-champ les quatre tribus s'engoufrèrent dans les maisons, prirent
les armes qui s'y trouvaient et sortirent. On se mit à tuer les Batswa.
Quelle pitié ! Blesser et achever ! Blesser et achever ! Tous les
Batswa y passèrent. Quelques-uns s'enfuirent en forêt, mais les morts
étaient les plus nombreux. Certains se jetèrent dans la forêt pour
toujours.

Là-dessus Yonjwa et les quatre tribus se firent leurs adieux et se
séparèrent. Ils partirent tout joyeux à cause de la nourriture et des
animaux domestiques et quelques esclaves. Ils portèrent dans toutes les
agglomérations la nouvelle que Yonjwa a un héros pour premier-né (82).

Chez le Forgeron

Itonde et son père vivaient en paix. Mais Itonde ne voulait pas se
marier. Un jour il informa son père : 'Papa, je vois tous mes
contemporains avec des anneaux de coivre aux jambes ; or, que
porterais-je' ? Le père répondit : 'Attends un peu ; demain nous
emballons nos bagages et nous allons chez le forgeron'.

Le matin venu, le père convoqua ses femmes et ils allèrent à la forge.
Arrivés ils dirent au forgeron le motif de leur venue. Il répondit :
'Je l'ai entendu, mais apportez l'avance aux honoraires'. Ils
cherchèrent une aiguille et la lui donnèrent. Le forgeron était content.

Il chercha du charbon de bois et prépara l'outillage. Mais en se
mettant à actionner le soufflet il n'obtint pas de flamme. Itonde dit :
'ecarte-toi, je vais t'aider, peut-être ne le sais-tu pas. Laise-moi
faire'. Le forgeron s'écarta. Le héros vint et chanta :

'Chauves-souris, venez, écopons toute la nuit' (83)

Quand le gaillard eut fini son chant, le cuivre était devenu brillant et fondu. Il appela le forgeron pour le lui mettre.

Le forgeron s'évertua à le mettre, mais en vain. Notre héros dit :
'Comment ! Ne sais-tu pas ton métier de forgeron ? Donne-le moi' !

On lui remet le moule. Il le prend malgré la chaleur et le dépose. Il
dit : 'Apporche ici pour me mettre les anneaux'. Voulant les mettre, le
moule lui glissa des mains et tomba à terre.

Itonde prit le récipient, le replaça sur le feu, l'ôta, et se mit
l'anneau lui-même. Ayant fini il dit à son père et aux épouses de son
père : 'Levez-vous, partons'.

Ils se levèrent. Mais le forgeron dit : 'Le patriarche et son fils
veulent partir, or m'avez-vous payé' ? Itonde dit : 'Ah ! papa,
lève-toi, nous partons. Devons-nous le payer sans qu'il ait travaillé' ?

Ils se levèrent et partirent. Arrivés dans la rue ils rencontrèrent des
gens portant un cadavre. Notre gaillanrd laissa ceux qui étaient venus
avec lui ; il courut vers ceux qui passaient avec le cadavre et leur
dit : 'Arrêtez ! je veux vous aider à porter cette charge'.

Ils lui cédèrent une place du portage. Mais il dit : 'Je m'en charge tout seul'.

Il prit la civière et emporta le cadavre en courant. Il laissa ceux qui
étaient veus avec lui et les porteurs du cadavre loin derrière. Il
court tantôt d'un côté tantôt de l'autre. Il saute avec le cadavre en
haut, il se jette dans la rivière.

Ceux qui étaient venus avec le cadavre restaient consternés. Il est
comme en Europe, puis comme à Bondombe, puis comme chez les Ekonda, ou
comme chez les Mpama, et on l'attendait ainsi. Mais le cadavre était
pourri depuis longtemps.

Il vint avec le squelette et les nattes et les leur jeta. Le
propriétaire du cadavre dit : 'Itonde, ce que tu fais est-ce là une
action humaine' ? Lui dit : 'Par vos défunts, déterrez le liquide
coulant de votre petit cadavre ! Dites ce que vous désirez et nous nous
battrons' !

Lorsqu'ils eurent entendu cette réponse ils prirent peur ; ils
ramassèrent les nattes et les gaines de feuilles de bananier et
allèrent les enterrer (84).

Le père et le fils et les épouses rentrèrent en groupe chez eux.
Arrivés à l'entrée du village, le gaillard sute en haut et fait une
culbute en disant : 'Papa, écoute les bêtes de la forêt sont impliquées
dans une très grave affaire. Or, cette affaire est dans un mauvais
état. Je ne pense pas qu'elles se mettront d'accord. Ce sont l'écureuil
et la chauve-souris. La situation y est très mauvaise'. Et il se mit à
chanter :

'Nous jugeons nous condamnons

l'écureuil a triomphé de la chauve-souris

Nous jugeons nous condamnons'.

Mais son père et ceux qui étaient venus avec lui dirent : 'Comment !
Toi, tu entends même le langage des animaux ? Nous autres avons beau
écouter, nous n'entendons rien'. Ils marchèrent longtemps et arrivèrent
dans leur village. On les accueillit avec le présent d'animaux
domestiques.

Il se passa un nombre de jours. Itonde alla en forêt, les anneaux de
cuivre se rompirent. Il retourna vers son père et lui dit : 'Papa, les
anneaux sont cassés, que vais-je faire' ?

Le père était tout consterné ; il dit : 'Nos villages ici n'ont pas
beaucoup de forgerons. Et nous avons mal agi envers ce forgeronlà. Il
ne voudra plus te forger d'autres anneaux. Qu'allons-nous donc faire' ?

Le fils dit : 'Fais que les épouses préparent les bagages pour
retourner quand même chez lui'. Le père ne le contredit pas et ils
partirent. Ils marchèrent longtemps et arrivèrent à la jachère d'Ilola
(85).

En regardant de côté Itonde vit des jeunes pousses de Pancovia et de
Momordica. Il dit : 'Papa, ordonne à l'une des femmes d'aller arracher
un seul rejeton de Pancovia et cueillir des semences de cette liane-là'.

Le père ne s'opposa pas ; il commanda à une femme et elle cueillit. On
le questionna pourquoi il cueillit des choses inutiles ; il rit.

Ils marchèrent longtemps et arrivèrent chez le forgeron. Lorsque
celui-ci les vit venir la moutarde lui monta au nez. Ils entrèrent dans
le hangar. Le gaillard dit : 'Forgeron, des gens viennent te trouver et
il n'y a même pas une question, que signifie cela (86)' ?

Lui répondit : 'A toi il n'y a pas le moindre degré de bonté. J'ai fait pour toi une grande œuvre et tu ne m'as pas payé'.

Le gaillard répondit : 'Non, le travail que tu as fait ne valait rien.
Il vaut mieux le faire de nouveau ; cette fois-ci je te payerai bien'.
Le forgeron continua de refuser. Mais l'autre insistait très fort.

Il ne tarda plus à appeler les arbitres pour juger leur différend. Ils
vinrent. On s'expliqua.l On donna gain de cause au forgeron, mais ils
dirent : 'Itonde ne t'a pas payé parce qu'il t'a aidé. Aujourd'hui ne
le laisse point t'aider. Quand tu auras fini ton travail, toi et tes
assistants, appelez-nous pour qu'il te paie en notre présence'.

Ils se mirent d'accord et se quittèrent. Le forgeron dit : 'Yonjwa,
aujourd'hui je ne ferai pas le travail pour ton fils ; mais demain
matin je lui forgerai les anneaux. Je n'ai pas de charbon'. Ils furent
d'accord.

Le soleil se coucha. Itonde dit : 'Papa, appelle la femme qui est venue
avec les objets que j'ai ordonné de cueillir en passant par la forêt'.
Elle les apporta.

Il demanda au forgeron un endroit pour planter ces choses. Son père dit
: 'Comment ! Nous sommes en voyage et tu plantes' ? Sommes-nous donc
venus habiter ici' ? Mais le fils ne l'écouta pas et planta ses objets.

Le jour est totalement fini. Le matin arrive. De bon matin il va vers
le forgeron et lui dit : 'Eh bien ! comment est-ce que nous nous sommes
quittés hier' ? Il répondit : 'Va m'attendre dans la forge, j'y viens'.

Le forgeron le trouva et appela ses aides habituels. Tous
s'assemblèrent. En jetant les yeux derrière les maisons ils virent le
Pancovia et le Momordica devenus de très grandes plantes.

Ils se mirent les mains dans la bouche de peur (74). Ils dirent :
'Itonde, regarde, ce que tu as planté hier sont devenus des plantes
avec des fruits dont les noms sont inconnus chez nous'.

Il ordonna : 'Forgeron, prie duex de tes épouses : que l'une cueille un
fruit de Pancovia et l'autre des feuilles de cette liane'.

Le forgeron pria les deux épouses ; elles cueillirent ces choses et les apportèrent.

Il dit : 'Femmes, préparez ces choses, chauffez ces feuilles'.

Elles dirent : 'Comment ! nous ne savons pas préparer ces aliments'.
Elles les lui donnèrent. Il fit apporter un pot et des plats. Il appela
tout le monde et ils vinrent voir comment il prépare.

Il prit le fruit du Pancovia et le pela. Il prit les feuilles de
Momordica, les plaça au fond du pot ; il mit le pot à bouillir sur le
feu et il vint à point. Il l'enleva du feu, a ;;ela un mortier et se
mit à battre les fruits de Pancovia (87). Il en forma plusieura
poignées à remplir le plat.

Puis il prit les feuilles de Momordiva, les fit bouillir dans l'eau ;
il pila des fruits de palme pour en faire une sauce ; il prit le
mortier, le nettoya, finit tout et leur dit : 'Prenez et mangez. C'est
une bonne nourriture'.

Ils furent tout ébahis ; ils avaient peur de ces aliments, ils dirent :
'Nous allons manger ces mets, mais quel est leur nom' ?

Il prit une poignée de légumes, rompit un morceau de la pâte de banane et chanta :

'Main de bananes à triple rangée

R/ dont un seul fruit remplit le ventre

Ne craignez pas la babane

R/ dont un seul fruit remplit le ventre

Ayant fini son chant il ordonna : 'Mangez'. Les gens se mirent à
boulotter au point que l'habit leur tombait du corps. Ils mangèrent
sans rien laisser, à être gonflés de satiété. Il leur dit : 'Moi j'ai
appelé cette nourriture : Pancovia, mais vous devez toujours la nommer
bananes'.

Ils se sentirent las et s'endormirent de rassasiement. Itonde alla chez
le forgeron et dit : 'Comment ! Tu es tout rassasié, mais à quand le
travail' ?

Il répondit : 'Je ne puis plus travailler, la satiété est excessive.
Patiente un peu, je le ferai lorsque mon ventre se sera affaissé'. Mais
lui : 'Je ne veux pas attendre plus longtemps, aide-moi que nous
puissions partir'. Le forgeron ne pouvait pas. Notre héros dit :
'Appelles-tu maintenant les juges habituels pour te faire remettre le
payement sur-le-champ ? J'ai beau te réveiller, tu ne veux pas ; tu dis
que je dois te laisser puisque tu es tout gonflé de satiété ;
n'importe, couve ta satiété ; je travaillerai moi-même'.

Sur-le-champ il prit le charbon, l'arrangea et chanta sa chanson :

'Chauves-souris (88) et les écureuils volants venez, écopons

Toute la nuit, descendez pour nous rencontrer'.

Dès qu'il eut fini sa chanson il vit tous les animaux qu'il avait
appelés venir en volant, remplir le hangar et encore tout le village.

Les gens décampèrent de peur et s'enfuirent dans les maisons. Ils le
laissèrent seul avec ses animaux venus l'aider. Ils soufflèrent le
soufflet à qui mieux mieux et les cuivres étaient fondus immédiatement.

Il prit les anneaux et se les mit. Il appela son père et lui dit : 'Que
craignez-vous, toi et tes femmes ? Venez, rentrons chez nous'. Ils
emballèrent leurs effets et prirent le chemin de chez eux. Mais soudain
ils virent le forgeron qui était dans la maison se réveiller de la
satiété et venir leur barrer le chemin ; il dit : 'Comment ! Je vois
que vous voulez partir. Où est mon salaire' ?

Itonde dit : 'Qu'es-tu ? un imbécile, ou un homme ou quoi ? Je te
payerais ? quel travail as-tu fait aujourd'hui' ? Le forgeron dit :
'Es-tu une bête ? Tu viens te glorifier de ta force ! Montre-moi ta
forge. Est-ce que jamais ja'ai entendu que tu possèdes une forge ici ?
Viens payer ta dette' ?

Là-dessus Itonde appela les témoins et leur fit son exposé. Le forgeron
déposa de sa part. Ils jugèrent leur affaire et donnèrent gain de cause
à Itonde. Ils condamnèrent le forgeron à pauer le prix d'un esclave. Le
forgeron dit : 'Par vos aïeux ! Par vos défunts ! Crevez ! Je ne lui
donne aucun esclave. Qu'il fasse comm il veut'. Notre héros sentit la
col1ere lui monter au cœur, il dit : 'Vous tous l'avez entendu ?
Allez-vous encore me traiter de méchant auhourd'hui ? Regardez,
agissons comme des hommes' !

Il se jeta sur le forgeron, lui ravit ses armes, le lia et dit :
'Lève-toi ! Emballe tous tes effets, prends aussi ta forge et tes
épouses et tes enfants pour venir chaez moi comme esclave'.

Le forgeron essaya de résister mais il le fouetta de coups de bâtons,
lui mit une liane au cou, menaça de le tuer. Dans toutes ces
souffrances le forgeron se plaignait : 'Grand-frère Itonde, laisse-moi
partir'. Le forgeron ne pouvait même plus emballer ses effets ; il
commanda à ses épouses et aux enfants de le faire pour lui. Notre héros
dit à ceux qui étaient venus avec lui.

'Amis, levez-vous, partons

abandonnez-les…(89)

levez-vous pour combattre'.

Lorsque les gens eurent entendu cela ils vinrent auprès d'Itonde et le
prièrent : 'Comment ? Nous t'entendons parler de combat, avec qui te
bats-tu ? Nous mêmes avons tranché la palabre en décidant que le
forgeron doit te donner un esclave ; il n'a pas admis notre jugement et
tu l'as fait prisonnier. Maintenant nous t'entendons chanter une
chanson de combat ; contre qui te bas-tu ? Nous autres ne le voulons
pas. Pars chez toi, tu es un esprit'.

Le gaillard dirigea la caravane : son père, le forgeron et ses enfants,
les épouses de son père et celles du forgeron ; et ils partirent. Ils
arrivèrent chez eux. Ceux qui étaient demeurés vinrent les accueillir à
couse de leur richesse extrême. La vie continuait.

Itonde convoqua une assemblée et raconta à ceux qui étaient restés chez
eux tout ce qui était arrivé à lui et à son père pendant leur voyage.
Puis il prit les épouses du forgeron et les distribua à sa parenté et à
son père, et le forgeron resta célibataire.

Après cela il prit quelques esclaves et leur ordonna de lui construire
une forge sur son propre domaine, tandis que le forgeron devenait son
esclave. Mais le forgeron n'avait plus une épouse pour vivre avec lui ;
il demeurait célibataire et n'avait à manger que ce que lui préparaient
les femmes du père d'Itonde.

 

 

IV. ENCORE ITONDE

Le mariage d'Itonde

Lorsque Itonde eut fini de distribuer à son père et la parenté les
possessions du forgeron, il vint chez son père et lui dit : 'Papa,
maintenant mon temps est arrivé de me marier. J'aimerais que tu me
donnes l'argent pour le titre de mariage'.

Le père dit : 'C'est un bon projet ; moi aussi je le veux. Si tu veux
choisis parmi mes épouses celles que tu aimes'. Le fils ne voulait pas,
il dit : 'Je veux ma propre femme'.

Le père l'envoya en chercher une. Le fils dit : 'Papa, moi je ne veux
pas aller cirvuler dans les villages. Je préfère rester ici. Les femmes
qui passeront seront à moi'.

Le père le lui défendit, mais lui : 'Est-ce la guerre que tu crains ?
S'il est question de la guerre, nous la ferons, ne crains pas. Ne me
connais-tu plus' ? Le père céda. Le héros sortit un escabeau et
commença à râper des fibres dans le hangar.

Pendant qu'il se trouvait là il vit passer deux jeunes femmes. Il dit :
'Jeunes femmes, vous là-bas ! Venez prendre des fruits de palme'. Elles
répondirent : 'Pas nous ! Nous devons aller très loin et notre mari
vient après'.

Il se leva, alla vers elles, et les saisit, disant : 'Si-votre mari
n'est pas content qu'il le dise, nous discuterons' ! Et il les prit. La
vouvelle parvint au mari. Il proclama la guerre et la porta à Itonde.
Venant à se battre, Itonde le vainquit supérieurement et le fit
prisonnier. Il prit ses épouses chez lui, appela les beaux-parents et
ils conclurent le mariage.

En ce temps Itonde dressa ses pièges. Il en fit le tour et trouva un
écureuil et le mit en dessous du moule de forge ; puis il alla à
l'assemblée. Après la fin de l'assemblée il retourna chez lui. On lui
apporta à manger. Regardant bien il ne vit pas son écureuil. Il appela
ses épouses et les questionna. Elles répondirent : 'Nous n'avons rien
vu. Manges seulement'.

Le mari reprit : 'Diantre ! j'ai tué un écureuil et vous ne me l'avez
pas donné. Allez donc m'en chercher un autre'. Elles dirent : 'Dis-nous
l'endroit où tu l'avais mis pour que nous reconnaissions notre faute'.

Le mari convoqua une assemblée et exposa cette affaire. Ils se
retir`rent pour la délibération, puis vinrent disant : 'Toi Itonde, tu
gagnes. Mais avant de pouvoir de frotter des cendres tu dois nous
montrer cet écureuil' (90).

Itonde se leva et alla retourner le moule. Il en sortit un petit paquet
et leur dit : 'Qu'est ceci' ? On lui applaudit et dit : 'Tes épouses
doivent t'offir un présent de pardon' (91). Il dit : 'Me demander
pardon avec quoi' ? On lui fixa des animaux domestiques. Il dit : 'Je
ne veux pas d'animaux domestiques. Qu'elles rentrent dans leur
parentèle et que chacune m'amène une adjointe' (92).

Les femmes se déclarèrent d'accord. L'asesemblée dissoute, elles
allèrent dans leur parentèle et lui amenèrent des adjointes. Ainsi il a
déjà quatre épouses.

Plus tard Itonde tua encore un écureuil. Il alla le mettre encore sous
le moule. Il partit à l'assemblée. Revenant il trouva qu'on ne l'avait
pas préparé. Il convoqua encore une assemblée et on fit comme
auparavant. Maintenant le gaillard a six épouses. Il agit ainsi quatre
fois. Lorsqu'il fut arrivé à douze épouses il cessa.

Vivant avec elles, toutes étaient stériles. La vie continua et son père était devenu très vieux. Il l'appela et le bénit.

Grossesse de Wangala

Après avoir hérité l'autorité de son père, Itonde vivait avec sa
famille dans une opulence indicible. Pendant ce temps, Wangala, épouse
de son frère aîné Lofale, devint enceinte. Durant cette grossesse elle
ne voulait pas d'autre nourriture que des serpents.

Un jour Itonde envoya des pygmées chercher des serpents. On les lui
apporta. Wangala en les mangeant les engloutit totalement. Tous les
jours c'était ainsi.

Itonde appela son frère aîné Lofale et lui dit : 'Maintenant Papa est
exténué. Lève-toi. Prends des hottes et allons chercher des serpents'.
L'aîné se dit d'accord : 'Partons demain matin'.

Le lendemain ils prirent leurs provisions et entrèrent en forêt. Ils
marchèrent longtemps et arrivèrent au plus profond de la forêt.L'aîné
qui marchait en tête en jetant des regards vit un serpent jwembe
étendu. Il s'enfuit à toute allure. Venant à passer son frère celui-ci
le saisit à bras le corps et dit : 'Frère aîné, que fuis-tu ainsi à
toute vitesse' ? Lui dit : 'J'ai vu une chose excessivement
merveilleuse. Vas-y voir, toi qui es plus brave'. Le cadet le blâma et
le fit passer devant. En continuant plus avant il vit ce même serpent
étendu. L'aîné chanta à haut voix :

Itonde viens couper la tête du python

L'oncle maternel du cobra !

Mboyo byao ! (93)

Le cadet s'élance à toute vitesse, le rejoint, le dépasse et arrive au
serpent. Il prend son couteau magique (94) et tue le serpent. Il le
découpe et le lui fit emballer.

Itonde le réprimanda : 'Frère aîné, où est ton intelligence ? Qui t'a
dit que ceci est un python' ? Ils partirent et poursuivirent la marche.
En passant l'aîné vit encore un serpent, un cobra. De nouveau il
s'enfuit en vitesse. Le cadet l'arrêta, le fit passer devant. Il chanta
de nouveau la même chanson : 'Itonde chéri, viens couper la tête du
python, l'oncle maternel du cobra'.

Lofale dit : 'Itonde chérie, nous sommes venus chercher des serpents et
nous en avons tué beaucoup ; rentrons donc plutôt chez nous'. Le cadet
dit : 'Non, il n'y a pas encore assez de serpents, nous n'allons pas
rentrer maintenant'.

L'aîné se fâcha, l'invectiva : 'Comment ! c'est moi le maître de la
femme enceinte ! Je te dis qu'il y a assez de serpents. Rentrons,
pourquoi ne veux-tu pas ? Partons'.

Le cadet ne voulut pas écouter et continua, disant : 'Suis-moi là où je
vais'. Ils marchèrent loin et l'aîné fatigué de la marche dit : 'Cher
frère, moi je m'arrête, rentrons donc chez nous'. Le cadet ne voulut
pas, il l'appela et lui dit : 'Je pense que tu es fatigué à cause de
cette hotte avec les provisions. Donne-les moi à porter pour toi'.

Il les prit à porter et ils poursuivirent la marche dans le marais à
palmiers Raphia. Il dit : 'Prends ta charge, nous approchons.
Maintenant tu dois passer derrière et moi devant. Quand je te dis :
arrête, attends-moi, reste là où tu te trouves, ne me suis pas. Quand
tu vois celui que nous sommes venus saisir, ne fuis pas. Si tu fuis tu
n'arriveras pas chez toi, il te bloquera dans la forêt'.

Lorsque l'aîné eut entendu ces préceptes, il trembla ; il appela son
frère et lui dit : 'Comment ! Dans notre famille nous ne sommes que
deux, nous n'avons pas de sœur. Nous sommes venus chercher des aliments
pour mon épouse et ils suffisent ; ils sont même en excédent.
Maintenant je vois que tu ne veux pas que nous rentrions, pourquoi cela
? J'ai très peur à cause des préceptes que tu m'as donnés. Viens
rentrons'. Le cadet dit : 'Nous sommes proches, nous ne rentrons pas,
poursuivons notre voyage'.

L'aîné se laissa aller et pleura très fort. Lorsque le cadet entendit
cela il prit pitié et dit : 'Frère aîné, tu es excessivement fatigué ;
assieds-toi donc ici, moi je pars. Quand j'aurai trouvé ce seigneur que
nous sommes venus chercher, je te le ferai savoir, tu ne l'ignoreras
pas'.

L'aîné s'assit. Le cadet s'en alla ; il poursuivit sa marche longtemps et il arriva quelque part ; il s'assit et mangea.

Ayant fini de manger il ramassa ses affaires et continua la marche. Il
parvint à l'endroit déterminé. En se voyant devenu tout entier blanc et
brillant il prit peur.

Il trouva une très grande agglomération mais sans personne ! En jetant
les yeux en haut il vit quelque chose qui s'y trouvait brillante comme
le soleil au coucher. Il prit la fuite à toute vitesse lui aussi. Il se
glissa sous la base d'une liane pamacée et appela son frère resté en
arrière : 'Lofale ! Lofale ! viens par la piste même par laquelle je
suis passé, je suis arrivé. Viens nous avons terminé. Viens nous sommes
arrivés chez celui à qui nous sommes venus rendre visite ; viens très
vite'.

Cette liane se déroula et arriva près de l'aîné. Celui-ci s'enhardit et
se leva. Il vint vite et approcha du cadet. Mais en se regardant : il
brillait comme le soleil. Il dit : 'Itonde, pourquoi est-ce que je suis
devenu blanc comme le feu ? Dis-moi ce qui se trouve chez toi'. Le
cadet lui dit : 'Approche, viens voir toi-même'.

L'aîné était terrifié. Il y alla. A peine arrivé et portant son regard
en haut il vit un arbre tout blanc. Examinant encore mieux il vit un
serpent enroulé autour de l'arbre entier. Ce n'était pas un serpent, en
réalité c'était du laiton (95). Ce serpent était long comme de Mbandaka
à Bikolo et gros comme la cheminée d'un bateau d'Europe. Effrayant ! Il
brillait comme les rayons du soleil, impossible de le regarder. Il
était plus majestueux qu'une personne en chair et os. Son nom était
Indombe de la tribu des Bakongo (96). Son arbre était un Pachyelasma
extrêmement gros. Ses branches s'étendaient jusque Mbandaka et Boende
et Bikolo. Indombe de la tribu des Bakongo eveloppait l'arbre tout
entier.

Lorsque l'aîné eut vu cela il pleura chaudement. Il lança des
invectives et des insultes à son frère. Il s'enfuit, lui abandonnant
les armes et toutes ses affaires. Il suivit le chemn par où ils étaient
venus. Mais arrivé à l'endroit où son frère l'avait laissé il trouva
une rivière coupant le passage. Il chercha une voie mais en vain. Il
attendit donc son frère avec grande tristesse.

Là-bas où il était resté, le cadet s'était assis sous l'arbre des
palabres (97). Ayant mieux examiné Idombe, il dit : 'Seigneur Indombe,
c'est chez toi que je suis venu. Descends donc afin que nous nous
demandions l'un l'autre nos nouvelles'.

Indombe dit : 'D'où viens-tu ? Es-tu fou ? Tu es venu pour que nous
nous demandions des nouvelles l'un l'autre ? As-tu jamais appris que je
parle avec les humains ? Va inviter ton père pour nous les demander
l'un l'autre'. Itonde reprit : 'Non, viens, entretenons-nous'. Pendant
qu'il parle, il tremble de peur.

Indombe lui dit : 'Si tu désires traiter des nouvelles avec moi,
attends que le soleil décline ; attends tes compagnons pour vous
interroger l'un l'autre, pas moi' ! L'autre reprit : 'Pas de
compagnons, toi seul es le compagnon ; descends donc afin de nous
questionner'. L'un avance l'autre réplique, ils sont complètement dans
une impasse. Indombe dit : 'Si tu veux que nous nous demandions des
nouvelles, dis-le moi ici où je me trouve en haut ; je ne descends
pas'. Itonde le pressa de descendre. Comme il ne voulait pas obéir,
Itonde lui chanta la chanson :

Descends je veux te porter

R/ Indombe du clan Bakongo

Descends Indombe

R/ Indombe du clan Bakongo

Je veux te porter aujourd'hui même

R/ Indombe du clan Bakongo

Lorsque le seigneur Indombe eut entendu cette chanson, il ne se
possédait plus de colère (98), il dit : 'Toi, cette nullité d'Itonde,
tu as quitté ton père pour venir manifester ton insolence envers moi ?
Nous traitions de nouvelles et maintenant tu parles de me porter ?
Montre- moi d'abord le membre sur lequel tu vas me poser si je
descends'.

Indombe hurla si fort que le bruit parvint même jusqu'au village
d'Itonde. Les hurlements raidirent le frère aîné au bord de la rivière.
Itonde même prit peur de nouveau.

Indombe dit : 'Il y a déjà longtemps que je me suis plaint de toi. Mais
tu le désires toi-même. Attends-moi' ! Itonde devint tout blanc ; la
forêt proche brilla comme le soleil. Les personnes qui se trouvaient au
brod de la rivière devinrent comme le couchant, mais ne savaient pas la
raison pour laquelle elles étaient devenues ainsi.

Indombe le questionna : ' Tu es vunu me prendre, où cas-tu avec moi' ?
Il répondit : 'Je te ferai venir chez moi pour que nous vivions
ensemble'. Lui reprit : 'Si nous habitons ensemble, me
supporterez-vous' ? Il dit : 'Oui'. – 'As-tu un terrain comme le mien
ici ? As-tu un tam-tam ? As-tu femmes et enfants et tout comme moi' ?
Il confirma tout cela.

Indombe dit : 'Voici, tu veux que nous paritons. Arrange tout, je
viens. Présente-moi l'endroit sur lequel tu vas me porter'. Lorsque
Itonde-esprit-de-sorcellerie-au-flanc eut fini de lui présenter
l'endroit Indombe se mit à pleurer :

'Cette nullité dÍtonde dégoulinant de lait habite chez lui, ne se bat
jeais avec des hommes cette nullité qui ne se bat qu'avec des femmes et
des enfants Indombe qui est en vie depuis longtemps n'a jamais vu
quelqu'un venir ici ; or Itonde vient, qui l'a envoyé' ?

Là-dessus il s'étend ; il lui ordonne de lui présenter une épaule.
Lorsque Itonde l'examine mieux il se jette de nouveau en forêt. Et dit
: 'Ceela n'est pas une personne qu'on porte, je ne pourrai pas le
toucher ; je vais rentrer chez moi'. Il partit. Arrivé un peu loin il
s'arrêta, regarda en arrière, et dit : 'Quoi maman ! si je le laisse
que dirai-je à la parenté ? Mieux vaut qu'il me tue' !

Il retourna et le trouva remonté sur son arbre des palabres. Itonde
reprit sa chanson habituelle : 'Descends, que je te porte, Indombe du
clan Bakongo Indombe'.

Le seigneur Indombe se mit en fureur contre lui, disant : 'Tu m'as fui,
alors pourquoi me reviens-tu ? Va-t'en'. Mais il ne lui prêta pas
attention, il dit : 'Descends, que je te porte' ! Il lui présenta
l'épaule et dit : 'Laisse-toi glisser ici, je te souteindrai sur le
dos'. Indombe se déroula. Dès qu'il voulut poser la tête toute la peau
d'Itonde s'écorcha. Il tomba à cause de cette chaleur de la tête et il
tomba en pâmoison. Indombe le ricana : 'Te voilà avec ton orgueil !
Lève-toi donc pour me porter. Lève-toi comme un homme' ! Mais Itonde ne
savait plus où il était. Il se coucha doucement et immobile, puis
sentit un peu de force lui revenir.

Il étend un bras en tâtonnant et touche le grelot. Il le prend et le
sonne. Immédiatement il revit. Jetant des regards il voit qu'Indombe
est remonté en haut. Il dit : 'Descends qu je t'emporte. Tu ne peux
plus coucher ici'.

Pendant ce temps le soleil est près de se coucher. Itonde lance un cri
; il redoute qu'Indombe ne vienne le tuer pendant la nuit. Il dit :
'Seigneur, attends-moi un moment, que j'arrête le soleil'. Il le laisse
et va vers le soleil, disant : 'Soleil, attends-moi'. Mais le soleil
n'a pas d'oreilles (100). Il se fâche et dit : 'Si tu ne veux pas
m'attendre je te prends de force' ! Mais le soleil ne lui répond pas.
Il prend donc soon couteau magique et coupe une liane palmacée. Il abat
les arbres qui se trouvent lá et tend un piège dans les branches. Il
s'assied, puis voit le soleil se préparer au coucher.

Il se couche plat immobile et voit soudain le soleil étranglé !
'Diantre, soleil que vas-tu faire ? te coucher' ? Il tire donc la liane
; le soleil qui était au ciel se tord, s'arrache et se fait prendre
dans le piège. Il fait déclencher le piège d'un coup et le soleil tombe
à terre !

Allant le prendre le soleil le brûle tout entier et le consume
totalement, excepté le bras droit qui tient le grelot. Itonde perd
conscience complètement, il se meurt.

Lorsque le fils d'Itonde vit l'obscurité, car la terre restait plongée
dans les ténèbres à cause d'Itonde, il alla raconter à son père cette
merveille.

Là où Itonde se trouvait son bras qui tenait le grelot s'étendit : il
vivait encore. En retirant ce bras il heurta le grelot. Quand il
entendit le son du grelot il éternua et revint à la vie. Il s'éveilla
et vit que le matin était levé de nouveau. Il se leva, s'inspecta et
comprit qu'il avait échappé à la mort. Il s'assit au pied de l'arbre et
se mit à se déplorer et à regretter ce qu'il avait fait. Crois-tu qu'il
cessa ? Pas question ! Il alla vers Indombe et l'appela pour
l'emporter. Il dit : 'Nou étions empêchés par le soleil. Maintenant il
s'est levé de nouveau. Descends qu je t'emporte'.

Indombe ne s'opposa plus comme avant. Il prit congé de ses femmes et de
ses enfants, il leur dit : 'De vous tous personne ne peut rester dans
cette contrée. Partez, qu'on ne vous voie plus, sinon vous aurez la vie
dure'. Il les bénit et ils partirent.

Depuis ce temps jusque maintenant nous entendons seulement le nom
d'Indombe, nous ne le voyons pas, parce qu'il a chassé toute sa
descendance. Et nous ne savons pas où elle se trouve désormais (101).

 

 

Itombe emporte Indombe

Quand Indombe eut fini de leur faire ses adieux, ses enfants partirent
tout en pleurant. Là-dessus il ordonna à Itonde de lui présenter
l'endroit où le porter. Maintenant Itonde connaissait le moyen ; il
prit le grelot et se le mit sur l'épaule. Indombe déroula ses plis,
dressa la tête verticalement, l'approcha très lentement et la posa sur
le grelot. Itonde commença à geindre déjà seulement à cause de la tête.
Il s'affaissa complètement. Il pleura disant :

'Replace-toi un peu en haut, que je m'arrange'. Indombe ne voulut pas.
Les pieds d'Itonde s'enfoncèrent dans la terr. Il pleura très fort. Il
appela père et mère (102). Il pria Indombe qu'il cesse de peser sur
lui, mais celui-là ne l'écoutait pas. Itonde pleura :

'Moi je suis une liane Haumania entière (103)

quelqu'un qui ne pleure jamais

ceux qui brûlent l'arbre Bankisa gaspillent le bois (104)

que fais-je maintenant' ?

Il essaie de se soulever de terre, mais ne réussit pas. Il tâtonne pour
trouver le grelot et le sent. Il le sonne et trouve une nouvelle
vigueur. Indombe s'enroule autour de lui et l'enveloppe complètement.
Itonde grossit outre mesure. Son corps entier est absorbé. Il cherche à
respirer : en vain. Il essaie de marcher : en vain. Il s'abandonne.
Indombe se met en colère : 'Tu es venu m'appeler pour partir. Or que
fais-tu maintenant ? Lève-toi (105), partons' ! Itonde se met à
l'implorer et ne le laissa pas, il dit : 'Retourne à ton arbre, je ne
suis pas capable de te porter'. Mais Indombe du clan Bakongo ne voulait
plus remonter. Le gaillard dit : 'N'importe, je vais agir comme agit un
homme'. Il prend le grelot, le sonne, s'écrie : 'Papa Yonjwa,
grand-père Lonkundo' ! Il chante sa chanson comme de coutume :

'Je porte le notable

avec le poids de la grosse tête'.

La chanson terminée, il a une force extrêmement grande, il le tire
vigoureusement et l'emporte. Ils marchent longtemps sans se parler. Ils
arrivent sur le bord d'un marais. Itonde dit : 'Indombe déroule-toi un
peu de moi que je puisse boire'. Indombe ne voulut pas. En cherchant à
l'abandonner de force Indombe le brûla et le tua.

Il se mit à le ricaner : ' Cette nullité qui était venue me molester,
te voilà mort. Il est préférable que je rentre chez moi et que j'y vive
tout seul'.

Pendant qu'il se retire un côté touche le grelot qui se met à sonner.
Itonde se réveille, et dit : 'Indombe, où veux-tu aller' ? Il prend le
grelot et le sonne, Indombe perd sa force. Il lui présente l'épaule et
l'enserre. Ils partent. Ils arrivent là où Itonde avait laissé son
frère aîné fatigué. Ils le trouvent incapable de passer, bloqué par une
rivière qui a sa source là même. Il s'assied. Il s'exclame : 'Pourquoi
ce seigneur nous barre-t-il le chemin ? Nous étions venus par la terme
ferme. D'où vient donc cette rivière' ? Il dit : 'Ce n'est rien.
Descends que je passe'. Indombe ne voulut pas. Il le déposa de force,
car il connaissait le moyen de vivre ; en effet, il n'avait qu'à tenir
le grelot en main.

Il le tassa anneau par anneau. En voyant cela, Lofale perdit la tête de
peur (106). Il se colla aux jambes de son frère et lui dit : 'Itonde,
qu'allons-nous faire' ? Le cadet lui imposa le silence.

Il regarde de tout côté longtemps, dans toutes les directions, et il
voit une racine. Il l'inspecte longuement, l'étire et lui chante :
'Jeune liane, passe-moi ton gendre' (107).

Cette liane fait sortir une très grande pousse qui s'étend de plus en
plus. Elle devient très large. Elle se dresse toute droite et fait
tomber la pousse sur l'autre bord de la rivière ; elle forme une très
large route.

Il fait passer son aîné premier. Lofale marche avec précaution et traverse. Lui-même suit et chante encore pour Indombe :

'Je porte le notable

avec le poids de la grosse tête'.

Il le soulève et le porte. Il marche sur la liane et traverse. Il sonne
le grelot et commande à la jeune liane de redevenir comme avant. La
liane retourne et eux partent.

Lorsque Lofale eut enfilé le chemin du retour chez lui il se mit à
courir et les laissa loin derrière ; il arriva chez lui. La parenté
vint l'accueillir mais il dit : 'Attendez un peu avant de me souhaiter
la bienvenue. Faites vos bagages et fuyez ; fonçez même à travers la
forêt (108). Allez-vous en d'ici. Si quelqu'un ne me croit pas, il
mourra'.

Mais eux se mirent à le questionner. Il dit : 'C'est impossible à dire.
Itonde amène une grave affaire. Fuyez il est près d'arriver'.
Sur-le-champ il n'était plus question de lui souhaiter la bienvenue. On
plia bagages et prit la fuite vers d'autres villages.

Le patriarche Yonjwa dit : ' Je ne fuis pas ; je veux voir cette chose
qui vient avec mon fils'. Tout le monde prit la fuite, excepté Yonjwa
et ses épouses et quelques esclaves. Les femmes d'Itonde restèrent
aussi. Le patriarche prit flèches et bouclier. Il posta des guerriers
partout pour arrêter le meurtrier de son fils.

A l'entrée du cillage Itonde eut peur ; il appela son père et lui
annonça : 'Papa, pars, toi et tes femmes'. Mais par amour de son fils
le père ne fuit pas.

Arrivée d'Indombe

A la sortie de la forêt Itonde déposa Indombe. Celui-ci comprit qu'on
était arrivé dans le village. Il poussa la tête jusque dans toutes les
bananeraies et dirigea la queue dans une autre direction, il encercla
toute l'agglomération. Il se contracta et saisit tous les habitants et
les engloutit avec même le père d'Itonde.

Itonde pleure et se mit à se lamenter au sujet de tout ce malheur. Mais
Indombe se moqua de lui toute la journée : 'Fais-nous parvenir dans le
village et indique-moi l'endroit où je dois résider ; montre-moi ton
père et ta mère et ses épouses et les tiennes dont tu étais allé
m'entretenir chez moi'.

Itonde se mit en fureur, il dit : 'Tu es un monstre de cruauté. Tu as
tué ma parenté et tu veux que je te montre père et mère ; qu'est-ce
donc que tu as tué ? Es-tu insensé ? Viens je vais t'indiquer ta
demeure'.

Il lui montra un gros arbre de palabres sur la cour de son père et dit
: 'Voilà ta demeure. Monte pour y résider. Je ne veux plus t'entendre
et cherche ta nourriture toi-même'. Indombe monta mais l'arbre tomba
sous le poids. Il s'y rendit de nouveau pour lui indiquer un autre
arbre de palabres : un Pentaclethra. Il s'y assit et tenta de s'y
accomoder. Plusieurs jours passèrent ainsi et il s'y habitua un peu.

Un matin Itonde se rendit dans la babaneraie ; il coupa des feuilles et
les mit avec un pot sur la cour. Il alla vers Indombe et lui dit : 'Je
suis allé te prendre pour que mon beau-père puisse te manger.
Maintenant tu l'as avalé. Descends donc que je te tue et te mange
moi-même'.

Indombe était tout ébahi, et dit : 'Es tu allé me prendre pour me
manger' ? Il acquiesça et dit : 'Je n'avais pas voulu te manger, mais
maintenant que tu as mangé ma parenté, c'est moi qui te mange'. Il dit
: 'Bien, tu veux donc me manger vraiment. Mais quand tu me tueras,
mange-moi totalement ce même jour. Ne conserve pas ma viande. Ne laisse
pas la moindre parcelle de ma chair. Si tu en laisses, tu ne resteras
pas en vie'. Le gaillard accepta : 'Viens, je te tue et te consume
aujourd'hui même'. Indombe lui dit : 'Attends jusque demain matin pour
me tuer. Maintenant ce ne va plus, le jour est passé'. Le soir tomba,
le soleil se coucha, puis se leva.

De grand matin très tôt Itonde sortit et alla vers l'arbre. Il le trouva. Il prit son couteau magique et dit :

'Descends que je te coupe

Indombe de la tribu Bakongo'.

En haut Indombe lui répondit avec sa chanson à lui :

'Quand tu me tues consomme-moi aujourd'hui-même

Moi Indombe de la tribu Bakongo.

J'ai vécu fort longtemps, sans jamais avoir un malheur.

Cette nullité d'Itonde avec sa sorcellerie au flanc cause ma mort'.

Indombe se déroule et descend tout triste. Il lui dit : 'Où me tues-tu
? Indique-moi l'endroit où je dois aller'. Il lui indique le tam-tam
qui s'y trouvait. Indombe s'y trîne et pose la tête sur le tam-tam.
Notre héros prend son couteau magique, lui fait des incantations toute
la journée, gonfle les joues en faisant des grimaces de ricanement,
puis lui coupe la tête d'un coup. Indombe est pris de convulsions et
s'étend raide mort. Itonde le prend et commence à le dépecer. Il le met
dans une multitude de pots et se met à manger. Mais avant de manger il
chante : 'Garçon déchireur, déchire-les'.

Puis il prend tous les fûts pleins d'huile et les ingurgite tous. Il
prend les pots et les avale tous. Il est gonflé de rassasiement. Il se
rend derrière les maisons, prend le grelot, le sonne et la satiété
disparaît. Il met la tête d'Indombe sous le lit.

Le soleil se couche, il va dormir. Au beau milieu de la nuit, Itonde
sent qu'il se déplace de plus en plus, jusqu'á être acculé à la poutre
du toit. Il est consterné. Impossible de respirer ou de se mouvoir.

Ils est en danger de mort. Il tâtonne pour trouver le grelot et le
sonne. Il sent que la couche retourne vers le bas et descend là où elle
se trouvait toujours.

Le jour se leva. Sortant tout peureux il trouva Indombe redevenu entier et posé sur son arbre comme de coutume.

Itonde est tout ébahi. Indombe se moque de lui en ricanant :

'Je t'ai dit que quand tu me tues, tu dois me manger entièrement ce
même jur. Pourquoi donc m'as-tu conservé ? Tues-mois, mange même la
tête, ne laisse rien'.

Itonde eut fort peur et dit : 'Je ne te tue plus, je n'en suis pas
capable'. Mais Indombe reprit : 'Bien sûr, en cela tu as raison.
Maintenant, je suis un mâne. Voici, appelle ta parenté encore en vie,
va à l'endroit que je t'enseignerai'.

Itonde envoie à ses parents égayés partout le message : 'Venez, venez, Indombe est mort depuis longtemps, venez, venez'.

De suite ceux qui étaient partis l'entendirent et revinrent.

Indombe dit à Itonde : 'Tes femmes et tout le monde doivent prendre les
bagages. Ils doivent prendre un autre chemin que moi et toi'. Ils
firent ainsi et partirent. Où ?

Ils allèrent dans le village où Indombe avait habité. Cette localité
était extrêmement riche. C'était une bonne demeure sans maladie ou
chaleur. Indombe et Itonde passèrent par le bord de la rivière ; tout
le monde pasa à travers la forêt. Indombe dit à Itonde : 'Dans la
marche des épouse et esclaves, Mbombe doit prendre la tête avec Lofale,
ensuite tout le monde'.

Chemin faisant l'une des épouses exprima son désaccord :

'Moi, je ne veux ps que Nsombe passe en tête. Moi je veux en avant, puis Nsombe, enfin tout le monde '.

Nsombe ne voulait pas cela. On se mit à se battre en chemin. La
nouvelle en parvint à Itonde par Indombe : 'Itonde, je vois que tes
épouses enfreignent la loi ; ainsi tu ne seras pas heureux dans cette
contrée'.

Itonde y alla, réprimanda cette épouse nommée Inongo, la frappa et remit Mbombe en tête.

Ils continuèrent. Mais en traversant le marais Itonde prit congé
d'Indombe : 'Moi j'ai été lié avec un ami à moi nommé Bitsuke. Nous
sommes partis sans nous faire les adieux. Attends-moi, je vais lui idre
adieu'.

Il retourna. Mais Bitsuke avait fui, il avait creusé une autre demeure
sous la terre et s'était caché là. Notre héros l'appela toute la
journée mais ne vit personne.

Jetant des regards il vit soudain un homme qui était posté là. Cet
homme lui dit : 'Itonde, Bitsuke est parti en voyage. Il t'a laissé
cette canne-à-sucre là-bas. Coupe-la et mange-la avant de t'en aller'.

Itonde était tout furieux et prend un couteau. Pendant qu'il marche
vers la canne-à-sucre, elle prend la fuite en se lamentant. Itonde
remet le couteau et se met à avoir des remords à couse de ces
lamentations de la canne-à-sucre.

Mais voilà quíl aperçut des cheveux humains sortant de terre. Il y
court et saisit ces cheveux. Pendant qu'il les tirait il vit le fils de
Bitsuke. Il le prit et l'emmena. Cet enfant eut beau pleurer, Itonde
lui dit : 'Avant de te lâcher tu dois appeler ton père'.

Il l'appela en vain, il ne vint pas. Itonde l'emmena. Il alla toujours plus loin et rencontra Bolembe en pleurs.

Il lui demanda pourquoi il pleurait, il lui dit : 'Quand tu étais
parti, Indombe nous arriva tout en colère ; il prit Lofale, plongea
avec lui dans la rivière et le tua'.

Itonde pleura puis il arriva chez eux. On lui raconta la même chose. Il
dit : 'N'importe ! Mon frère est mort ici parce que je suis retourné
vers Bitsuke, je ne l'ai pas trouvé, j'ai pris son fils. Il est donc
préférable que je tue son fils comme victime'. Il le prit et l'enterra
comme sacrifice de fondation (33).

Ils allèrent et arrivèrent dans cette résidence. Indombe appela Itonde
et lui dit : 'Vois-tu quelle belle agglomération c'est ? Et je t'impose
un autre nom, car tu es extrêmement fort et courageux.

Voici ton nom est Ilelângonda. Personne ne t'appellera plus Itonde.
J'étais encore maître d'une autre tribu : Elinga. Maintenant ils sont à
toi. Adieux' ! Il se concentre et se jette dans la rivière. Les gens
étaient très contents.

 

 

V. Ilelangonda

Ilelangonda alla habiter dans ce pays en parfait bonheur. Il distribua
des forêts et des maisons à ses épouses et à ses esclaves. Il y en
avait assez.

Un jour de marché, ils virent passer deux pirogues, Ilelangonda envoya
Bombute appeler les passants. On lui rétorqua avec brutalité. Là-dessus
Ilelangonda les bloqua sur la rivière ; la pirogue ne put plus avancer.
Ils furent retenus deux jours. Ensuite ils vinrent lui demander pardon,
disant : 'Papa Ilele, sauve-nous, nous ne désobéirons plus ; nous ne
savions pas que c'est toi qui habites ici'.

Il leur commanda : 'Chantez tous :

'Pagayez-nous, nous traversons

plus fort, nous traversons'.

Ils chantèrent ainsi et se dégagèrent. Ils apportèrent des poissons et
ils commencèrent eux et Ilele et ses épouses et esclaves. Mbombe (109)
acheta un poisson Synodontis, mais son mari la réprimanda.

Mbombe alla rôtir son poisson puis le retira du feu. En le mangeant une
épine lui resta dans la gorge. On s'occupa de la soigner toute la
journée et elle fut sauvée.

Là-dessus elle devint enceinte. Dès lors elle ne voulait plus aucune
nourriture. Elle maigrissait à cause des avortons de fruits de safou.
Son mari avait beau la supplier de manger autre chose, elle ne voulait
pas.

Une nuit elle dit à son mari : 'Je sens comme un danger d'avortement'.
Le mari eut très peur. Il sortit au petit matin, et lui apporta des
hottes de safous mais elle n'en voulut absolument pas. Elle pleura
toute la journée.

Le soir venu, le mari sortit, rassembla épouses et esclaves, et leur
dit : 'Quand le soleil sera au couchant personne ne peut sortit sur la
place publique. Quelque chose passera avec des maladies. Ne sortez
point' (110) !

Dès que le mari eut fini de parler, Mbombe dit : 'Sauf moi' ! Le mari
se sentit déprimé, mais s'en tint là. Le soir tombé, tous entrèrent
dans les maisons : ils restaient là tout tristes.

Pendant ce temps ils entendirent un bruit comme d'un avion. Ils sont
tout consternés. Mbombe sortit. En regardant elle vit un oiseau venir
avec quelque chose dans le bec. Elle crie à cet oiseau qui laisse
tomber la chose qu'il portait. Mbombe court, la ramasse et va la
montrer à son mari. Le mari met la main dans la bouche de peur (74).

La femme prit cette chose et la rôtir, elle vint à point. L'ayant mangé
la femme était très contente. Puis elle se mit à chanter sa chanson en
pleurant : 'J'aimerais que le calao m'épouse, pour les fruits
qu'apporte le calao' !

Elle chanta toute la journée en pleurant. Son mari l'interrogea mais
elle ne lui répondit pas. Entendant cette chanson plusieurs fois il
devint jaloux et dit : 'Le calao est un oiseau d'en haut, un animal.
Comment alors peux-tu le vouloir comme mari' ?

Mais l'épouse ne cessa pas. Ayant vu cela Ilele assembla ses épouses et
leur raconta tout cela : 'Mbombe aime un oiseau, moi je vais chercher
cette chose qu'elle désire pour la lui acheter'.

Il décroche le grelot, vca se poster sur la place publique et le sonne.
Il le tend vers l'est puis vers l'ouest. Quand il le tend vers l'ouest
le grelot sonne. Il décroche les hottes et entre dans la forêt. Il
marcha fort loin. Au plus profond de la forêt il trouva un safoutier.
Regardant en bas il vit quelqu'un couché couvert de pian. Il grimpa
dans l'arbre.

Cet homme s'appelait Fetefete. Il lui adressa la parole mais il
répondit : 'Attrape la folie ! Que le léopard te prenne' ! Il cueillit
beaucoup de safous et en remplit deux hottes.

Fetefete dit : 'Toi là ! tu sais qu'on ne monte point sur ce safoutier
et tu montes quand même ! Descends ! Mais entretemps jette-moi aussi un
safou' ! Ilele demanda : 'Quel safou veux-tu' ? Il répondit : 'Celui-là
près de la fiente'. Ilele arracha un safou et le lui jeta en le
frappant sur les ulcères du pian (111). Aussitôt Fetefete pleura :

'Sausau, je suis blessé au pian

Propriétaire du safoutier, les safous sont épuisés'.

Les gens demeurant au village de Fetefete entendirent ces pleurs et
battirent le tam-tam d'urgence. Lorsqu'ils vinrent, notre gaillard
était parti depuis longtemps. Ils s'entretinrent au sujet de ces
événements et partirent.

Lorsque Ilele fut rentré avec les safous son épouse se réjouit et les avala tous (112).

Elle se mit encore à se lamenter. Le mari retourna, arriva et monta.
Fetefete le traita comme auparavant. Il cria alarme. Ceux qui se
trouvaient au village vinrent. Ils trouvèrent Ilele en haut dans le
safoutier. Ils tendirent les filets. Ils ordonnèrent aux oiseaux de le
faire dégringoler. D'abord le Himantornis, qui chanta (113) :
'Himantornis chéri, prudemment'.

Il monta peu à peu prudemment. Ilele arracha un safou et l'en frappa
sur les pattes. L'oiseau dérapa et tomba à terre. Depuis lors le
Himantornis a les pattes blanches.

On envoya beaucoup d'autres oiseaux. Il les frappa tous. C'est de là
que les oiseaux portent des marques. Itonde prit ses paniers, se jeta
en bas avec (les paniers) et partit.

Quand il revint chez lui, Mbombe prit les paniers de safous avec une
grande joie. Elle les mangea et les finit totalement ce même jour. Puis
recommença ses pleurs habituels.

Le mari rassembla ses épouses et leur raconta tout ce qui lui était
arrivé en forêt. Il dit : 'Si je meurs ne le mettez pas en doute. Car
j'ai lutté extrêmement avec ces gens-là. Et si je meurs, voici les
signes qui se manifesteront : les singes verdâtres crieront sur la
place publique, il tombera une pluie à gouttes à l'improviste, une
corde se déroulera comme un serpent, les éléphants quitteront la forêt
pour venir au village. La corne qui se trouve dans le hangar se
remplira de sang bouillonnant. Beaucoup de bêtes viendront sur la place
publique. Quand vous verrez ces choses, ne doutez pas, mais pleurez' !

Là-dessus il prit quatre paniers et partit. Arrivé au safoutier, il y
trouva Fetefete qui dit : 'Comment ! Encore toi pour ces safous ? Ne
peux-tu pas laisser un seul jour ce qui appartient à autrui' ?

Notre héros le maudit, le repoussa et grimpa dans le safoutier. Il
cueillit toute la journée et remplit trois hottes. Quand il se mit à
remplir aussi celle qui restait Fetefete lui demanda un safou. Ilele
lui montra quelques safous mais il n'en voulut aucun ; il dit : 'Je ne
veux pas ceux-là, continue encore'. Il continua et arriva tout au
sommet. Il lui indiqua tous les fruits mais n'en voulut point. Pour
Ilele ce n'était pas un jeu. Il arracha un safou, visa un ulcère de
pian et le frappa vlan ! Fetefete hurla à pleine gorge : 'Sausau, je
suis blessé à un ulcère de pian'.

Lorsque ses parents l'entendirent pleurer ils décrochèrent leurs qrmes
et arrivèrent. Ils tendirent les filets et envoyèrent les oiseaux comme
d'habitude. Ils dirent : 'Aujourd'hui nous ne voulons pas envoyer tous
les oiseaux, seul le 'faisan'doit y aller'.

Mais le Tockus dit : 'Laisse-moi y aller'. Il monta. Ilele arracha un
safou et le lança. L'oiseau l'évita et s'approcha. Ilele eut peur, prit
son grelot, le sonna et appela l'orage avec la foudre et le vent.

Sur-le-champ le ciel se couvrit uniment de nuages. Il plut, ce n'était
pas une pluie (95) ! Il sonna son grelot, se jeta sur sa piste et
disparut. Les gens venus le prendre regrettèrent l'échec et rentrèretn
au village.

Ilele arriva chez lui. Il cacha deux hottes et en donna deux à Mbombe
qui était contente et cessa de pleurer. Elle se mit à manger les
safous. Mais elle agit mal : elle mangea les uns frits et les autres
bouillis dans l'eau. En deux jours tout y passa.

La grossesse vint à terme et la faim s'aggrava : elle pleura pour avoir
des safous. Le mari sortit les hottes cachées et elle les engloutit
totalement.

Sausau dans son village rassembla ses gens et il vint les interroger à
fond au sujet de cet homme. Mais on ne le connaissait pas. Seulement on
admirait sa force et ses miracles.

Pendant qu'ils se trouvaient assemblés un nectarin arriva, se percha en
haut et dansa la danse magique. Il dit : 'Payez-moi qu je vous dise le
moyen d'attraper cet homme'.

On le chassa. Et il dit : 'N'importe ! Adieu' ! Là-dessus on l'appela
et on lui donna trois anneaux de cuivre. Le nectarin se mit en position
de cérémonie magique et dansa :

'Voici : tsin tsin tsingue

Demeurez ici tsin tsin tsingue

Reposez-vous tsin tsin tsingue

Je vous envoie la personne tsin tsin tsingue

Qui est capable de vous instruire tsin tsin tsingue

Le nectarin alla chez le coucou criard et lui raconta tout, ainsi que
le prix que Sausau voulait payer. Le coucou se rendit à l'assemblée.
Quand on le vit on se réjouit beaucoup. On l'appela. Le coucou dit :
'Pourquoi m'appelez-vous' ? On lui raconta ce dont on avait parlé avec
le nectarin.

Le coucou se déclara d'accord, et dit : 'Si vous voulez que je vous
enseigne le moyen, donnez-moi mille cuivres'. Sausau ne marchanda pas
et les lui donna. Le coucou dit : 'Regardez bien cet homme. On ne peut
le maîtriser. C'est de moi qu'il tient cett force. Elle réside dans le
grelot. S'il vient ces jours-ci, allez en silence. Si vous envoyez
quelqu'un pour aller le décrocher, qu'il cherche le moyen de lui ravir
le grelot. Si vous pouvez prendre le grelot ou qu'il tombe, vous l'avez
maîtrisé'. Il leur donna deux feuilles de l'arbre Morinda.

Pendant qu'ils étaient en assemblée ils entendirent pleurer Fetefete.
Ils battirent le tam-tam de guerre. Ils décrochèrent les filets et
partirent. Avec eux marchait la tortue qui allait avec un filet de
fibres de bananier.

En route on se moquait d'elle comme d'un imbécile. Ils arrivèrent et
tendirent les filets. Mais quand la tortue tendit le sien on la chassa.
On l'insulta qu'elle parte avec sa stupidité.

Elle partit et trouva une piste très fréquentée. Elle prit son filet de fibres de bananier et le pendit.

On envoya les oiseaux comme de coutume. C'était un jour funeste. D'abord la pintade. Pendant qu'elle montait elle chanta :

Chère pintade aux couleurs bigarrées

Campe-toi aux couleurs bigarrées

Ilelangonds arracha un safou. Tuer ? nullement ! Caler ? nullement ! La
pintade approcha. Ilelangonda prit peur ; il cueillit un safou pourri
et l'en frappa. Le fruit lui pénétra dans le corps. C'est de là que la
pintade est tachetée.

On envoya encore beaucou d'oiseaux et il les frappa de ces pourritures ; de la tous ont leurs marques.

On envoya le faisan. Il monta et chanta : 'Faisan de serpent, je monte
je danse'(114). Il trottina sur les petites branches progressivement et
s'approcha d'Ilele. Celui-ci arrache un safou et le lui lance mais le
manque. Arrivé tout près il le manque encore. Il est tout près des
yeux. Il cherche à le troubler : en vain ! A l'effaroucher : en vain !
Il prend le grelot pour le sonner, mais le faisan s'approche, se perche
sur ses yeux, et le bat de ses ailes.

Essayant de sonner le grelot, le grelot se fend. Alors ils dégringolent
tous deux et tombent à terre. Tout le monde crie fort :

'Venez, Ilele est tombé'. Mais le cherchant : rien ! Sausau chanta :

Traquez traquez

Ilele encerclé

Démenez-vous !

On le cherche : rien ! On écoute : rien ! On prend peur. Puis on entend
qu'on le lève à l'extrémité du cercle des chasseurs : 'Ici, il est
encore encerclé'.

On le poursuit, tantôt là. On écoute encore : rien ! En allant vers une
cavité on le fait décamper de là. Il passe au galop comme une étoile.
Ils chantent de plus en plus fort poussés par la peur.

Puis ils entendent la tortue les appeler : 'Venez, il est pris'.

Ils se mettent à invectiver la tortue : 'La tortue ne moura-t-elle pas
de stupidité ? Le saisisseur d'Ilele serait la tortue' ? Mais la tortue
cria encore plus fort.

On dit : 'Venez, allons-y quand même'. Y allant ils trouvent
Ilelangonda empêtré dans un filet de fibres de bananier. Ils
s'appellent l'un l'autre de leurs sobriquets et on le tua. Ilelangonda
mourut ainsi.

Là-bas où se trouvaient les épouses et les esclaves la situation ne
peut se dire. Tout s'accomplit. Les épouses dirent : 'Parents qui vivez
ici, venez voir ce qui s'est passé' ( 110).

Ils se réunirent pour voir. Inonge dit : 'Si Ilele est mort : corde
étire-toi'. Et la corde se déroula sur-le-champ. Ils eurent peur.
L'épouse dit : 'Essayons un peu une autre chanson'. Et on chanta : 'Si
Ilele est mort, singe vert crie' ! On entendit derrière les maisons le
singe crier. On essaya beaucoup de choses et tout se réalisa indiquant
qu'il était mort. Les épouses se jetèrent par terre, ells défirent la
chevelure et pleurèrent tout le jour.

Pendant qu'elles pleuraient, Inonge alla chez Mbombe ; elle la trouva
assise. Inonge lui dit : 'Es-tu folle ? C'est à cause de toi que ton
mari est allé mourir. Nuos voyons pleurer celles qui n'ont pas joui de
la prospérité ; or toi-même qu'attends-tu ? Pleure donc, toi qui a
joui'.

Toutes les coépouses se réunirent avec elle et se mirent à lui chanter :

'Toi qui en as joui R/ continue à pleurer

toi qui a vécu dans l'opulence R/ continue à pleurer

Mbombe répondit : 'Je ne pleure pas, car mes douleurs me tenaillent'.

Elles pleurèrent longtemps jusqu'à la fin du jour. Entretemps les
douleurs de Mbombe s'aggravent. On s'intéresse à elle seulement. Les
douleurs de l'accouchement durent toute la journée.

Cette grossesse était étonnante. L'enfant ne pouvait pas sortir par de
petites ouvertures. On est occupé avec Nkoko et Bayanga arrive en
avance (115). L'accouchement commença. Quel accouchement spectaculaire
! D'abord il débuta avec des fourmis (116) et tous les insectes. Puis
divers oiseaux. Ensuite toutes sortes d'hommes. Enfin elle cessa.

Mais elle sentit une nouvelle douleur. Elle entendit quelqu'un parler
dans ses entrailles qui dit : 'Maman, je constate qu les esclaves ont
endommagé le chemin où je sois passer ; je ne veux pas passer par ce
chemin-là, cherche-moi un autre'.

La mère répondit : 'Non, je n'ai pas d'autre réponse, viens donc par
cette piste'. L'enfant reprit : 'Pas moi ! je suis un vrai homme.
Cherche une voie. Je viens en compagnie de ma sœur'. La mère dit : 'Que
dois-je faire donc' ? Il dit : 'Fais comme je vais te dire : prends fu
fard rouge, frotte-le sur ta jambe ; ensuite je vais passer par là'.

La mère prit donc le fard et l'appliqua à la jambe. Quand elle eut
fini, elle vit soudain la jambe gonfler de plus en plus, elle devint
comme l'excroissance d'un arbre. Elle eut peur. Toutes celles qui
étaient là s'enfuirent.

La jambe enfla de plus en plus et se fendit largement. Subitement on
voit sortir une très grande personne, un jeune homme superbe.

Il vola doucement et alla se poster sur le toit de la maison.

Puis on vit une très belle femme, brillante comme les rayons du soleil
; elle suivit son frère là où il se trouvait. On l'examina avec
crainte. On chercha vainement à savoir quelle sorte de gens c'étaient.

Cet homme était venu avec douze lances et des flèches et des outils de
toute beauté. Tous étaient ornés de laiton. La femme était venue avec
deux pots et deux gobelets. Elle s'assit près de son frère.

Banjakânjaka (117) lança des accueils tout le jour. Il se jeta en bas.
Les gens étaient tout ébahis. Il sauta et retourna au ciel. Peu après
il appela : 'Chère Nsongo, viens'.

On vit alors Nsongo voler et arriver dans les nuages. Subitement on les
vit revenir. Les gens sont attirés de toute part et viennent regarder
Lianja et sa sœur Nsongo.

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