11.02.09 Le Potentiel : Cinq questions à Sylvain Urfer

Par  Le Potentiel

1. En tant qu’observateur de la vie publique malgache, quel regard portez-vous sur la situation générale (économique, sociale, culturelle et politique) à Madagascar ?

Madagascar est logiquement dans la phase de désillusion qui a suivi l’enthousiasme aveugle de 2002. C’est la reprise du scénario de l’après 1975 et de l’après 1992. Sur le plan économique, se produit ce qu’on appelle « une croissance sans développement » (la même qui s’était amorcée en 2000-2001) : la richesse collective augmente parallèlement à la pauvreté de la population. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de redistribution des richesses créées, mais leur accaparement par une minorité. Sur le plan politique, le TIM, après avoir tout absorbé, implose comme l’avait fait l’AREMA en son temps, faute de programme cohérent et d’opposition crédible.

2. A quelle variable sociopolitique incombe cet « échec » ? Le régime, la classe politique en générale, la société civile, les bailleurs de fonds… ?

Cet échec tient à la manière dont les dirigeants comprennent et utilisent le pouvoir : celui-ci est mis au service de leurs intérêts particuliers, et doit donc être conservé à tout prix. Cette conception du pouvoir est largement partagée par la classe politique et la société civile. Quant aux bailleurs de fonds, ils sont, au mieux ignorants des réalités profondes du pays et donc inconscients, au pire complices et donc hypocrites.

3. Prenons le cas de la communauté internationale à travers le fait que c’est elle qui, concrètement, maintient financièrement Madagascar à flot. Pourquoi se montre-t-elle si tolérante, voire si obtuse à soutenir un système de gouvernance qui échoue ? Et pourquoi ne semble-t-elle pas avoir conscience que les objectifs qu’elle s’est fixée pour 2015 ne seront jamais atteints par Madagascar eu égard à la gouvernance actuelle ?

Mais la « communauté internationale » est une abstraction sans visage ! Le système des Nations Unies, aveuglé par son idéologie ultra-libérale, est le seul à ne pas voir que la crise actuelle est pour une bonne part le fruit de son dogmatisme. Quant aux pays dispensateurs d’aide, ils ne visent pas d’abord à instaurer la démocratie dans les pays assistés ; ils cherchent à défendre et étendre leur influence et leurs intérêts. Depuis peu, la Chine s’est jointe à ce jeu : elle a l’avantage de dire et de faire ouvertement ce que les autres font sans le dire, ou disent sans le faire…

4. Quel constat pouvez-vous faire ? Surtout, la nature des institutions politiques qui prévaut actuellement au pays est-elle sérieusement propice à une émergence d’une vraie force d’opposition comme l’exige un système de démocratie ?

Le problème est plus culturel qu’institutionnel. Dans une société où le langage affronté est banni, et où la conception du pouvoir est celle qui a été rappelée plus haut, l’opposition ne peut être que honteuse ou opportuniste. Rares sont les politiques qui échappent à ce tropisme ; Herizo Razafimahaleo était de ceux-là, mais il n’a guère de successeurs !

5. Quelle est votre opinion sur le tam-tam médiatique fait autour de l’élaboration des statuts des partis politiques initiés par le président de la République ? Au vu de ces six années passées au cours desquelles le régime honnissait tout dialogue politique, rejetait tout débat avec les partis d’opposition, peut-on réellement croire, cette fois-ci, à la sincérité « miraculeuse » du régime ? Et peut-on espérer à la clairvoyance de l’opposition ?

Il n’y a pas plus de miracles en politique qu’en économie ! L’expérience du passé montre que ce régime ne supporte pas qu’on le conteste. De ce point de vue, et la manière dont il traite les médias en est la preuve, il n’est pas démocratique. Une loi sur les partis politiques imposée en quelques jours est une caricature de dialogue. Quant à l’opposition, son irresponsabilité et ses divisions suffisent à la réponse.

Tirées de l’Internet

Membre actif du SEFAFI et observateur éclairé de la société malgache.

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