13.02.09 Le Potentiel / CINQ QUESTIONS : Eugène Bolaluete Mbwebembo(Professeur à la Faculté des Sciences économiques de lUniversité de Kinshasa)
1. La République démocratique du Congo est-elle déjà frappée par la crise financière mondiale?
Pour répondre à votre question, il faut situer notre économie dans le contexte international de crise. Comme vous le savez, léconomie de la RDC est complètement extravertie, car dépendant de lextérieur à tout point de vue. En effet, nous importons pratiquement tout ce dont nous avons besoin! Et nous exportons des matières premières dont les prix sont fixés par le marché international. Dans le cadre de la mondialisation, nous savons que la crise financière internationale qui a commencé aux Etats-Unis dAmérique par les «Subprimes» (les crédits hypothécaires), sest transformée ensuite en une crise économique mondiale. Cest ainsi que même la RDC est frappée de plein fouet par cette crise. Vous avez appris, par exemple dans la province du Katanga, que plusieurs entreprises minières ont fermé. En effet, ces entreprises attendaient de mobiliser des ressources au niveau des places financières internationales; malheureusement, cela na plus eu lieu du fait de la baisse des cours de leurs actions sur les places financières internationales et de la baisse des cours des matières premières suite à la crise financière. Ce qui va entraîner la diminution des ressources au budget de lEtat, dune part, et accroître le chômage dans le pays, dautre part.
2. Et nos banques dans ce circuit?
Oui, jallais y arriver justement. Un deuxième effet est que, même si nos banques nont pas dactifs toxiques dans leur portefeuille, elles sont, pour la plupart, des filiales des maisons mères dont les sièges se trouvent à lextérieur du pays. Ce qui fait que si celles-ci sont en difficulté, comme cest le cas actuellement, nos banques peuvent lêtre aussi du fait du soutien quelles reçoivent habituellement des banques étrangères. En outre, nos banques ont leurs correspondantes à létranger où elles ont lhabitude de faire des placements en devises. Si les taux directeurs baissent au niveau international, comme cest le cas aujourdhui pour la FED (la Réserve fédérale américaine) et la BCE (Banque centrale européenne), les taux dintérêt appliqués sur ces placements vont baisser aussi. D où la diminution probable de leurs ressources en devises.
3. Que pensez-vous des mesures prises jusquici par lautorité publique face à la crise économique ?
Les mesures édictées dernièrement, notamment le relèvement par la BCC du taux directeur de 28 à 55% est une bonne chose. Le taux directeur est le taux dintérêt fixé par la Banque centrale et qui détermine non seulement les autres taux de refinancement, mais aussi ceux appliqués par les banques commerciales. En effet, avec laugmentation de ce taux, les banques vont commencer à emprunter de moins en moins dargent auprès de la Banque centrale. Par ailleurs, les taux dintérêt créditeurs et débiteurs appliqués par les banques agréées vont augmenter, rendant ainsi les dépôts à terme attrayants, dune part, et les crédits octroyés à la clientèle plus chers, dautre part. Lautre bonne chose est le relèvement du coefficient des réserves obligatoires qui est passé de 5 à 8 %. Ce coefficient est un autre instrument indirect de la politique monétaire qui permet à la Banque centrale dexiger aux banques commerciales de stériliser, auprès delle, une partie de leurs dépôts non rémunérés.
4. Pourquoi les prix ne suivent-ils pas?
Le taux de change entre dans la détermination des prix des biens et services. Quand il monte, ceux-ci montent aussi. Mais, quand il baisse, les prix ne suivent pas, parce que les prix en RDC sont rigides, cest-à-dire quils ne sont pas flexibles. En effet, les agents économiques congolais hésitent dabord et continuent à observer jusqu à ce que la situation se normalise. La deuxième raison est que quand le taux de change augmente, les vendeurs achètent les marchandises à un prix élevé. Sils baissent leurs prix dans limmédiat, ils subissent une perte correspondant à la différence de change. Il faut reconnaître que continuer dacheter la marchandise à un prix élevé est une perte pour les consommateurs qui enregistrent la diminution du pouvoir dachat.
5. Les prix doublent ou triplent. La hausse nest-elle pas souvent exagérée?
Bien sûr. Cest ici quintervient le contrôle « a posteriori» des prix, tâche qui revient au ministère de lEconomie. Tout en évitant les tracasseries, ce dernier doit veiller à ce que les vendeurs nexagèrent pas dans le cadre de la fixation des prix. En prenant en compte lévolution des prix, le ministère de lEconomie doit prendre des mesures nécessaires pour éviter de raviver linflation.
Tirées de Renaître, n°01-02 du 31 janvier 2009