10.02.09 Le Révélateur/ Z’haïdi Ngoma : ‘‘ on ne peut pas compartimenter la paix et la justice parce qu’elles vont ensemble’’

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Interview|

Les dissidents de la rébellion congolaise du Congrès
national pour la défense du peuple (CNDP) ont demandé, dans un communiqué rendu
public le mercredi 04 février à Goma, la promulgation d’une loi amnistiant les
faits insurrectionnels et de guerre dans l’est de la République démocratique du
Congo jusqu'en janvier 2009. Dans une interview accordée à Le Révélateur, le
président des forces du futur, Arthur Zahidi Ngoma s’insurge contre cette
annonce et accuse le gouvernement de la RDC de complaisance.

Le
Révélateur: La guerre est finie à l’Est de la RDC et le mouvement rebelle
CNDP s’est mué en parti politique. L’annonce a été faite il y a quelques jours
par son nouveau Président, Désiré Kamanzi . Quelle est votre réaction face à
cette décision ?    

Z’haïdi Ngoma :
D’abord je m’inscris en
faux sur l’idée que la guerre est finie à l’Est de la RDC, à moins de donner une
autre définition de la guerre. C’est exact qu’on a fait une opération de
substitution, ce n’est plus Laurent Nkunda, maintenant c’est Bosco Ntaganda, et
c’est l’armée rwandaise elle-même mais qui vient pour poursuivre ces opérations.
Donc je ne crois pas que la guerre soit terminée. La question du CNDP qui s’est
mué en parti politique arrive un peu en retard parce qu’au lendemain de
l’arrivée au pouvoir du Gouvernement issu des urnes, le premier acte posé était
de reconnaître Nkundabatware.

Ils sont allés à Kigali, comme si Kigali
était un arbitre valable pour le Congo, et ils ont décidé de l’opération mixage.
Aller à Kigali avec Nkunda c’est déjà le reconnaître entant que tel. Ils ont
reconnu le CNDP comme interlocuteur, de là à le reconnaître comme un parti
politique, il n’y a qu’un pas. Je crois que si on en est arrivé là, il faut
d’abord voir la complaisance du pouvoir. Ici est ajoutée la complaisance du
législateur congolais qui a pensé qu’on peut aussi visionner
l’amnistie

Aujourd’hui, le CNDP demande l’amnistie pour ses
membres. Qu’en pensez-vous ? 
 

Je m’arrêterais à dire que
l’amnistie n’est pas un autre cache-sexe de l’impunité généralisée. Il faut
savoir que les Nkundabatware ont été des criminels depuis longtemps. Les Nkunda
et consorts ont déjà bénéficié de l’amnistie en 2005 mais ça n’a pas suffit, il
fallait qu’ils recommencent, donc  ils sont récidivistes. Ils demandent encore
l’amnistie, combien d’amnistie faudra-t-il pour qu’ils comprennent enfin  que ce
pardon de la République a des obligations et des contraintes à savoir qu’il ne
faut plus retomber dans les mêmes fautes. Si on doit penser pour eux en terme
d’amnistie, nous disons que l’amnistie devient un autre cache-sexe de l’impunité
généralisée.

Accorder l’amnistie à Bosco Ntaganda signifierait-il
ne plus le livrer à la CPI ?

Il se dégage que c’est au haut
sommet de l’Etat qu’on fait un saucissonnage entre la paix et la justice. Il n y
a pas de paix sans la justice, voyons les exemples d’autres pays : l’Afrique du
Sud, après l’apartheid, ils ont voulu la paix, ils ont voulu asseoir leur paix
sur la vérité, la justice et la réconciliation, parce que la paix a des
exigences, ce n’est pas un concept creux. Ici chez nous, c’est le président de
la République qui dit que la CPI veut la justice  mais nous nous voulons la
paix. Mais quelle paix voulons-nous ?  Une paix négative, alors il faut la
définir. Je crois que nous avons une mauvaise conception de la paix, on ne peut
pas compartimenter la paix et la justice parce qu’elles vont
ensemble.

Est- ce que vous serez choqué  d’entendre le CNDP
réclamer une participation dans les institutions du pays ?  

C’est l’élément fondamental. Depuis la fameuse conférence sur la
paix, la sécurité et le développement dans le Nord et le Sud Kivu, la demande
c’est ce partage des postes et ça ne m’étonnerait pas que l’on puisse
déstabiliser cette partie du pays. D’après les informations, l’armée qui opère à
Goma c’est celle du CNDP, la notre on l’a envoyé disséminer par-ci par-là à
Rutshuru, Masisi… La réintégration dans les FARDC n’est qu’un bricolage pour
flouer la population mais pas pour remener la paix, à moins que nous soyons
d’accord avec une paix négative.

Cette analyse est- elle
pertinente ?
 

J’ai passé mon temps à expliquer à nos
compatriotes, Nkundabatware, rwandais de son état, combien m’ont écouté ?
Aujourd’hui ceux qui l’ont envoyé l’ont récupéré pour lui faire échapper à la
justice internationale. Nous l’avons condamné pendant la transition et ce
monsieur devait être arrêté déjà pendant la transition. Aujourd’hui il est
rentré dans son pays et nous osons dire chez nous qu’il est arrêté. Jusqu’où
pouvons-nous pousser la naïveté sur cette question ?

Il est reconnu
comme un général congolais ?

 
Reconnu comme général congolais !
Alors disons que la complaisance a été poussée trop loin. Ce qui est plus grave
est que l’armée rwandaise qui est entrée au Nord et au Sud Kivu nous ne savons
pas quand est-ce qu’elle partira. Soyons objectifs, l’accord passé avec l’armée
rwandaise sur cette opération est inconnu, il n’est pas visible ni lisible il
devient comme un autre accord de Lemera.

    Propos recueillis par Yollande Lumwene

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