07.03.09 Le Potentiel: Insécurité au Nord et au Sud-Kivu. Justin Bitakwira : "La traque des FDLR n'a été qu'un grain de sable dans la mer"

 
 

 

Vous êtes député de la majorité et pourtant vous avez signé
cette fameuse pétition sur l'intervention des troupes rwandaises au
Congo, pourquoi?


C'est d'abord un droit constitutionnel autour des questions très
sensibles, engageant la nation congolaise. Comme l'entrée des troupes
rwandaises en République démocratique du Congo. Elle a été réclamée par
la moitié de députés constituant l'Assemblée nationale. Et nous avons
eu 262 signatures. C'est largement suffisant.


Cet accord entre Joseph Kabila et Paul Kagame, n'a-t-il pas
permis de neutraliser les rebelles Hutu-rwandais des FDLR, et donc de
faire baisser la violence au Nord-Kivu?


Si cela a été le cas, nous ne devons dire que coup de chapeau. Mais
je suis sûr que l'opération militaire conjointe n'a été qu'un grain de
sable dans la mer, par rapport à l'insécurité qui règne dans le
Nord-Kivu en général et dans le Sud-Kivu en particulier.


Par
cette pétition, vous demandiez l'ouverture d'une
session extraordinaire de l'Assemblée nationale, mais vous n'aviez pas
été entendus. Qu'est-ce que vous allez faire à la reprise des travaux
ordinaires, le 15 mars prochain?


A la rentrée du 15 mars que beaucoup de gens considèrent comme une
date fatidique, nous nous disons que l'auguste plénière aura lieu et
sera présidée par son président. Effectivement, cette question sera
d'ailleurs traitée, qu'on le veuille ou pas.


Vous parliez du président de la chambre basse. Justement à
la suite de votre pétition, un grave différend est apparu au sommet de
l'Etat entre le président de la République et le président de
l'Assemblée nationale. Joseph Kabila souhaite la démission de Vital
Kamerhe, Qu'est-ce que vous en pensez?


Le mérite du président Joseph Kabila, c'est d'avoir
organisé les élections. Et donc, le président Kabila a inscrit son nom
en lettres
d'or dans l'histoire en organisant les premières élections
multipartistes au Congo. Et s'il prend la gomme pour effacer, j'estime
qu'il est en train d'effacer son nom dans l'histoire du Congo. Et c'est
ici le lieu même de demander au chef de l'Etat et à son entourage qui
le pousse en ce moment à cette erreur, de revoir leur politique parce
que c'est une politique catastrophique qui ne nous mènera nulle part.


Il ne faut pas que Vital Kamerhe s'en aille, c'est cela?


Je pense qu'autant nous respectons la présidence de la République,
autant la présidence de la République doit respecter l'institution
Assemblée nationale.


Mais visiblement, le président Kabila souhaite que Vital
Kamerhe quitte le perchoir au plus vite avant l'ouverture des travaux
ordinaires de la chambre, le 15 mars?


Je compare cette pression au mariage traditionnel en Afrique. En
Afrique, naturellement polygamique, un homme peut avoir trois, cinq,
dix, vingt femmes. Et s'il prend un verre de trop, il peut rentrer et
chasser chacune d'elles quand et comme il veut. Mais la première femme
pour qui la famille s'est investie, pour la chasser, il faut des
cérémonies et la famille doit donner un dernier mot. Nous considérons
donc que Kamerhe serait la première femme légitime: pour la faire
partir, il faut le mot de la famille. Et le mot de la famille, c'est
l'Assemblée nationale.


Alors si Vital Kamerhe est encore au perchoir, qu'est-ce qui va se passer le 15 mars?


Nous irons à cette Assemblée nationale. Et s'il va démissionner,
nous prendrons acte, par vote secret, pour accepter ou refuser sa
démission.


Et que voterez-vous?


Le vote sera secret, faut-il que je le dise dorénavant à RFI, je ne crois pas.


Et s'il y a un risque d'éclatement de la coalition au
pouvoir-Alliance pour la majorité présidentielle-(AMP), voire du parti
au pouvoir-Parti du peuple pour la reconstruction et le démocratie
(PPRD)?


Je ne crois pas que le chef de l'État, Joseph Kabila, va gouverner
ce pays avec seulement ceux qui lui disent "oui"
, et ceux qui disent "non" sont des ennemis et des adversaires ou ils deviennent de
l'opposition et ne lui croient pas. Le chef de l'Etat a besoin du choc
des idées, des gens qui peuvent dire "non", "plus ou moins", ou
"assez bien". Et pas ceux qui disent tous les jours "oui, oui,
oui", même quand ça va très mal.


Avez-vous reçu de menaces, depuis que vous avez signé cette pétition?


Oui. Je peux dire qu'on tend à vouloir menacer les députés dont
moi-même. Et je connais une réunion qui s'est tenue au sommet de
l'Etat, il n'y a pas longtemps, où les services de sécurité disaient
subitement que nous étions en train d'intoxiquer l'opinion. Mais nous
disons que nous jouons notre rôle d'élus du peuple, donnons nos
opinions et convictions et nous savons qu'elles sont positives pour
l'avenir du Congo.


Retranscription de Bienvenu Ipan (Stagiaire)

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