23.03.09 Le Potentiel: Cinq questions à Shanta Devarajan

 

1. La Banque mondiale a ramené de 5,4% à 3,3% sa prévision de croissance pour l’Afrique. En quoi est-ce dramatique?

En Afrique, comme nulle part ailleurs, une dégradation de la
conjoncture constitue une crise humanitaire. En se fondant sur les
trente dernières années, la mortalité des enfants de moins d’un an
pourrait s’accroître de 700. 000 du fait du ralentissement du Produit
intérieur brut (PIB). De même, l’espérance de vie risque de reculer.

2. Comment la récession mondiale se transmet-elle aux pays africains?

Les canaux sont multiples. Il y a la chute des prix des matières
premières, dont les exportations représentent jusqu’à 90% du PIB dans
certains pays. Pour l’Angola, très gros exportateur de pétrole, on
prévoit une chute du PIB nominal de 17% en 2009. Ensuite, on constate
un recul des investissements étrangers, qui avaient atteint un record
de 53 milliards de dollars en 2007, au point de dépasser pour la
première fois le volume de l’aide publique internationale (50
milliards). En République démocratique du Congo (RDC), ils devraient
baisser de 1,8 milliard de dollars. Par ailleurs, les remittances, les
envois de fonds des travailleurs émigrés, qui représentaient 20
milliards de dollars l’an, devraient diminuer de 1,9 milliard de
dollars. Il faut même s’attendre à un retour dans leur pays d’origine
de certains de ces migrants qui s’étaient établis en France, au
Royaume-Uni et aux États-Unis.

3. Et l’aide publique étrangère?

Elle est déjà inférieure de 20 milliards de dollars au niveau
auquel elle devrait se situer si les engagements du G8 pris en 2005 au
sommet de Gleneagles avaient été respectés. Le précédent des crises
bancaires de l’Europe du Nord des années 1990 peut faire craindre le
pire. La Suède, pourtant un modèle en matière d’aide aux pays en
développement, avait alors réduit de 17% ses contributions.

4. Que fait la Chine, désormais très présente sur le continent africain?

Ses investissements représentent en effet 20 milliards de dollars
annuellement. On observe des inflexions, mais la Chine continue
d’investir. Il y a deux choses sur lesquelles il faut être vigilant.
Tout d’abord vis-à-vis des pays qui sont en train de bénéficier
d’allégements de dettes de la part de la communauté internationale; il
ne faut pas qu’ils s’endettent à nouveau. Par ailleurs, il existe un
risque que les nouveaux contrats se fassent sur une base asymétrique.
Par exemple, en République démocratique du Congo, qui a bénéficié
d’investissements chinois à hauteur de 12 milliards de dollars, le
gouvernement congolais s’est engagé à garantir des rendements en
volume, alors que les prix du cuivre, notamment, sont très incertains.

5. Il y a juste un an, nombre de pays africains étaient
frappés par la crise alimentaire liée à l’envolée des cours. Qu’en
est-il aujourd’hui?

La plupart des gouvernements ont très bien réagi, se gardant de
contrôler les prix et préférant jouer sur la baisse des droits de
douane ou des aides ciblées aux populations les plus pauvres. Il faut
noter également que les efforts entrepris pour accroître l’irrigation,
qui concerne aujourd’hui seulement 7% des cultures, prendront du temps,
mais qu’il y a beaucoup à espérer de ce côté, car l’irrigation permet
de quintupler les rendements des cultures.

Tirées du Figaro

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