24.04.09 Le Ptentiel : Cinq questions à Raymond Ramazani Baya
1. Renvoyée à la Commission paritaire Sénat-Assemblée
nationale, à quoi, selon vous, devra ressembler in fine la loi sur
lamnistie ?
Le projet de loi damnistie présenté par le gouvernement est limité
dans le temps et lespace. Il ne touche que le Nord-Kivu et le Sud-Kivu
pour des faits criminels commis dans la période allant de juin 2003.
Nous avons souhaité lélargir à tous les faits de même nature, commis
sur lensemble du territoire national. Notre espoir est que la
commission paritaire aura à cœur dadopter un texte qui donne
satisfaction aux préoccupations du gouvernement sans écarter du pardon,
que nous accordons au nom du peuple congolais, des compatriotes qui se
sont rendus coupables de faits de même nature et même de moindre
gravité. Lamnistie doit contribuer à lapaisement et à la
réconciliation.
2. Avez-vous été satisfait de la réponse que le ministre
de la Défense a donnée à la question que vous lui aviez posée sur le
résultat de lopération conjointe FARDC-Armée ougandaise et soudanaise
contre la LRA dans la province Orientale ?
Je ne souhaite pas prolonger dans les médias un débat qui sest
déroulé dans lenceinte du Sénat. Le ministre de la Défense a eu le
mérite de nafficher aucun triomphalisme. Je peux néanmoins affirmer
que la situation reste incertaine. Le gouvernement affirme que les
bases de LRA ont été démantelées. Certes. Mais Kony court toujours. Ses
hommes, bien quaffaiblis, sévissent à Banda, à la frontière entre les
districts des Uélés. Un officier ougandais a été tué il y a quelques
jours à Banda lors des combats avec des éléments de LRA qui occupent la
localité. Dingila a déjà accueilli près de dix mille déplacés. Ni le
gouvernement ni la Monuc nont encore pris la mesure du drame humain et
sécuritaire qui se déroule dans le Bas Uélé. Un contingent des FARDC de
trente-six personnes a été envoyé, au lendemain de notre question au
ministre de la Défense, de Buta à Dingila. Il est parti à pied, sans
provision, pour parcourir plus de trois cents km. Vous pouvez
facilement deviner les conséquences dune telle expédition sur la
population. Des barrières et des taxes illégales ont été instaurées sur
le trajet. Seule Caritas apporte quelque soutien humanitaire à la
population. Cest tragique.
3. Quelle image le ministre de la Défense a-t-elle
renvoyée dans lopinion surtout lorsquon sait que vous avez exprimé
dans votre question votre inquiétude face au retour précipité des
soldats ougandais dans leur pays, laissant derrière eux le chef rebelle
Joseph Kony encore actif dans le Haut et le Bas-Uélé ?
Nous avons déploré le manque, au niveau du gouvernement, de toute
anticipation qui aurait dû le conduire à mettre en place un dispositif
minimal destiné à contrer déventuelles tentatives de LRA de se venger
sur la population civile. Rien de tel na été fait. Si nous sommes
toujours opposé à lintervention des troupes étrangères sur le
territoire national, dans la mesure où elles font perdre confiance à
nos forces, nous estimons néanmoins que le gouvernement naurait pas dû
laisser partir les troupes ougandaises avant quelles naient réussi à
neutraliser totalement les forces de la LRA.
Les éléments de la LRA risquent aujourdhui de se
reconstituer outre le fait quelles font subir des représailles sur la
population.
4. Vous vous battez pour la réhabilitation du réseau
ferroviaire du Bas et Haut-Uélé. Vous lavez dit au ministre des
Transports et Voies de communication, tout en insistant sur le rôle
majeur que jouait ce chemin de fer dans le désenclavement du bassin de
lUélé ; un chemin de fer à larrêt depuis 15 ans. A quoi vous
attendez-vous ?
La réhabilitation du chemin de fer des Uélés est vitale pour
léconomie de lensemble du bassin des Uélés. Ce dernier est totalement
enclavé depuis larrêt de ce chemin de fer. Lorsque jai rencontré le
ministre des Transports et Voies de communication, au mois de mars, il
ma assuré de lattention quil porte à la réhabilitation du CFU. Nous
attendons des actes concrets pour témoigner de lintérêt des pouvoirs
publics pour ce chemin de fer.
Deux experts français avaient effectué une visite technique
dune partie du tronçon du 7 au 14 mars en vue détudier la possibilité
de relancer le réseau ferré des Uélés. Ils ont conclu leur mission avec
une note positive. Mais le gouvernement doit appuyer plus fortement les
démarches destinées à mettre en place un plan dapurement des arriérés
de plus de quinze ans de rémunération du personnel ainsi quun cadre
juridique qui permette la participation du secteur privé à la
réhabilitation et à la gestion de ce réseau ferré qui relie Bumba, sur
le fleuve Congo, à Mungbere, dans la proximité des frontières de
lOuganda et du Soudan.
5. A deux ans de la fin de lactuelle mandature, quels
sont les quatre défis majeurs auxquels est confrontée la province
Orientale ; une province écartelée entre espoir et désespoir ?
Comme toutes les provinces, la province Orientale regarde lavenir
avec beaucoup dinquiétude. La population assiste, impuissante, à la
dégradation continue de son environnement social, des infrastructures
sanitaires, scolaires, administratives. La réhabilitation de la route
de lIturi est venue introduire un peu despoir dans cet environnement
morose. Mais il reste tant à faire. La route Kisangani-Buta et ensuite
Buta-Isiro. Cela fait des années que les populations attendent…
Le premier défi est celui de la sécurité. Dabord dans
lIturi. Mais aussi dans lensemble de la province. Le second est celui
des infrastructures, essentiellement celles de transports dans toutes
leurs dimensions, routière, ferroviaire et aérienne. Le troisième
réside dans lamélioration des conditions de vie sociales des
habitants, par la réhabilitation des hôpitaux, des écoles. Et enfin le
quatrième défi serait celui de lappui de lEtat au secteur agricole.
Je ne pense pas seulement à une assistance financière aux paysans mais
à un apport dintrants agricoles, à lencadrement des paysans et à
lorganisation de lachat de leurs produits. La seule usine textile du
pays qui fonctionne, cest la Sotexki de Kisangani. Elle est obligée
dimporter du coton alors quon en produit à moins de 500 km de là, à
Bambesa, Dingila, Zobia, etc…
Par Marcel lutete
Sénateur