La peur de l’après pouvoir en Afrique (Konde Nzuka)

 

 Certains pays africains, dont
l’Algérie, cherchent à tout prix d’obtenir des excuses officielles de la France pour sa politique
coloniale mais au contraire le mutisme embarrassant de l’hexagone froisse les
autorités algériennes en particulier et les africains en général. Ce mutisme se
justifie parfois par la volonté délibérée de ne pas ouvrir la boîte de pandore. Le Congo Démocratique avait
timidement osé entreprendre une telle démarche près de la Belgique mais elle s’est
arrêtée en si beau chemin. Ma pensée ne va pas s’éterniser sur les dégâts
causés par le colonialisme, mais plutôt sur l’après colonialisme et les
conséquences néfastes qui bloquent la relance africaine. Vous savez, un jour en
lisant un livre sur Simon Kimbungu, je me suis arrêté sur un passage
prophétique sur l’après colonialisme. Il disait, je cite : « ma
personne physique sera soumise à l’humiliation et à la souffrance, mais ma
personne spirituelle sera confrontée dans la lutte contre les injustices des peuples de ténèbre du
monde qui sont venus nous coloniser. J’ai été envoyé pour libérer les peuples
du Congo et de la race noire au monde ». Il prononçait ces paroles dans
les années vingt.

 

 Ces passages sont d’une
importance capitale pour comprendre l’après libération. Il poursuivit en
disant : «  tous les gouvernants de l’Afrique libérée, sous
conseil des blancs, travailleront pour les blancs. Il y règnera un grand
désordre spirituel et matériel. Les gouvernants entraîneront leurs peuples dans
des guerres sanguinaires. Il y aura une croissance aigue de la misère. Beaucoup
de jeunes africains quitteront l’Afrique dans l’espoir de trouver le bien-être
dans des pays des blancs. Ils parleront leurs langues, s’habilleront comme eux.
Ils rentreront en Afrique et ils mettront en pratique ce qu’ils auront
appris ». Les paroles de ce grand homme n’ont jamais été valorisées par
les autorités congolaises. Il devrait
être considéré comme le tout premier héro national congolais.

 

 Dans certains pays francophones,
les fils, petits-fils et arrières petits-fils de ces bourreaux ont été
contraints de parler seulement et uniquement la langue française au détriment
des langues nationales. Ils ont parfaitement copié l’accent français pour être
classifiés dans le rang des intellectuels. Parler la langue locale équivalait à
un non-instruit. Cette assimilation s’est relevée désastreuse du point de vue
culturel pour les populations africaines ayant abandonné le parler africain.
Ils ont intériorisé aveuglement la culture française sans en connaître les
origines. Ils parlent le français mais parfois ils ne savent pas l’écrire. Ils
insultent leurs collègues africains pour n’avoir pas appris la langue de
Molière. Ces illuminés revenus en Afrique ont chassé les blancs du pouvoir et
ils se sont installés aux commandes des affaires tout en répriment leurs
peuples. Ils ont réduit ces derniers en esclaves. Les batailles pour lesquelles
ils ont combattu, à savoir les libertés d’expression, des droits de l’homme ont
été par la suite bafouées, enterrées et remplacées par des dictatures. Ces
dirigeants ont personnifié les Etats africains, chosifié leurs peuples. Ils se
sont éternisés au pouvoir en transformant leur règne en une conquête personnelle.
Ou c’est moi ou c’est le chaos : le pouvoir pour le pouvoir. Ils ont
étudié avec l’argent de l’Etat, rentrés au bercail, ils ont été embauchés sans
ménage dans les rouages étatiques, ils ont pillé, saccagé les économies qu’ils
ont trouvées saines sans préparer l’avenir de leurs administrés. Les bourses
d’études dont ils ont bénéficié durant leur jeunesse n’ont pas pu être
garanties pour les générations futures. L’eau potable est restée pour eux une
denrée personnelle. Ils en ont depuis l’indépendance jusqu’à la mort.
L’électricité aussi. La nourriture leur est offerte depuis la naissance. Ils
ont peur de lâcher le beefsteak. Ils sont grands mais ont peur de perdre le
pouvoir car pour eux l’après pouvoir c’est un incognito. Ils s’accrochent en modifiant
les constitutions de leurs pays, en chicotant à mort les peuples qui les
vénèrent, parce qu’ils savent et sont
conscients d’avoir mal travaillé. Sinon on ne justifierait pas leur attachement
acharné au pouvoir. Ils savent que le peuple leur demandera des comptes. Ils
ont peur comme un enfant resté dans une chambre noire. Ils ont peur de la
fureur d’un homme affamé, assoiffé et resté longtemps dans le ténèbre.

 

 Ce qui est triste de voir, c’est
lorsque les populations se rebellent, ils prennent la poudre d’escampette pour
aller mourir à l’étranger. C’est le résultat de la pourriture d’une gestion
calamiteuse. D’autres par contre s’entêtent au prix des sacrifices humains.
Habitués aux honneurs, ils ont perdu le sens élémentaire du pouvoir donné 
c’est-à-dire attribué à une personne qui vise l’amélioration d’une situation
acceptable. Mais ils l’empirent. Leur représentant suprême est Robert Mugabe.
Le même Simon Kimbangu disait que la vraie libération de l’Afrique viendra avec
la disparution de ces hommes sur la scène politique africaine. Nous assistons à
ce grand chambardement au sein de la classe politique africaine. Une nouvelle
classe politique est en train de naître. Par contre une classe dirigeante
africaine qui a bien travaillé et a préféré prendre congé du pouvoir lui
conféré, quitte avec honneur son peuple. Elle ne fuie pas. Elle reste au pays
en héros vivants. Je ne me sentirai pas à l’aise si je ne citais pas leur
représentant légitime : Nelson Mandela. Voilà l’exemple que ceux qui sont
encore au pouvoir doivent suivre.

 

 L’après pouvoir c’est le social,
le culturel, l’agriculture, l’élevage, la santé des citoyens. Plein des
secteurs où ils peuvent être utiles, jouer un rôle primordial dans
l’amélioration des conditions minimum de leurs anciens administrés. Mais à
conditions qu’ils sachent préparer leur porte de sortie. Qu’ils ne se sentent
pas éternels. Le Feu Président Mozambicain Samora Machel, avant de mourir,
blaguait avec le Feu Maréchal Mobutu, durant un sommet en Afrique australe, il
disait je note : Machel et Mobutu passeront mais le Zaïre et le Mozambique
resteront. Après le sommet, il mourut dans un crash d’avion en route pour son
pays. Les deux sont morts, les deux pays sont encore en vie. C’est dire, en
paraphrasant aussi Joseph Kabila : « les hommes passent, les
institutions restent ». Chacun a son temps pour préparer son après pouvoir.

 

 

Editorial de Konde Nzuka

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