25.05.09 AFRIK.COM/Le Potentiel: Cinq questions à Sanou Mbaye

 

1. Les décisions prises par le G20, à savoir, l’injection
de mille milliards de dollars dans l’économie mondiale, seront-t-elles
bénéfiques aux pays pauvres d’Afrique ?

Oui et non. Le désavantage pour l’Afrique des injections massives
d’argent dans les plans de relance occidentaux résulte du mode de
financement des sommes colossales en question. Les pays occidentaux
vont recourir à l’emprunt et à la planche à billets pour financer ces
plans de stabilisation économique, de sauvetage de leurs systèmes
bancaires, et des mesures de soutien à la consommation et à
l’investissement qu’ils ont édictés. Ces politiques sont porteuses
d’inflation. Les prix et les taux d’intérêt vont grimper et atteindre
des niveaux stratosphériques à terme, plongeant le monde dans une
longue période de dépression économique avec des conséquences
catastrophiques pour des populations africaines déjà confrontées aux
pires difficultés.

2. Qu’en est-il des régulations du système financier international ?

Elles sont les bienvenues, surtout en ce qui concerne la décision de
mettre fin au secret bancaire dans les paradis fiscaux. L’objectif des
pays promoteurs de cette résolution, notamment la France et
l’Allemagne, est d’identifier les capitaux exilés dans ces paradis
fiscaux afin de les taxer, ce qui va contribuer à augmenter leurs
recettes fiscales, pactole particulièrement souhaité en ces temps de
crise, d’amenuisement des rentrées fiscales et de rareté de crédits.
De même, l’identification et la taxation des capitaux africains exilés,
estimés à 400 milliards de dollars, permettraient de rapatrier une
partie de ces sommes sous forme de recouvrement des évasions fiscales
dont ils sont à l’origine…

3. Grâce à ce G20, le FMI reprend une place centrale
dans l’économie mondiale. Est-ce que, pour les Africains, cela peut
être inquiétant sachant que le FMI a été à l’origine des plans
d’ajustements structurels imposés aux pays africains dans les années
1980, avec les conséquences désastreuses qu’ils ont eu sur les
populations ?

Lorsque les pays du Sud sont confrontés aux problèmes que l’Occident
rencontre aujourd’hui, à savoir l’insolvabilité bancaire, la
restriction de crédits et le recul de la production, des programmes
d’ajustement structurel leur sont systématiquement imposés. Précisons
que des 1000 milliards de dollars que le G20 a décidés d’injecter dans
l’économie mondiale, 750 milliards sont alloués aux pays dits en
difficulté. C’est-à-dire, aux pays d’Europe, particulièrement ceux
d’Europe du Centre et de l’Est, qui souhaiteront recourir à des
emprunts auprès du FMI. Pour ceux-là, la décision du sommet est de ne
pas les assujettir aux conditionnalités du Fonds plus connues sous le
vocable de «consensus de Washington». Même si ces levées de
conditionnalités s’étendaient aux 50 milliards de dollars alloués aux
pays pauvres, il serait temps que les Africains comprennent que
l’«aide» est la source de financement la moins appropriée pour financer
des projets de développement. La priorité devrait, désormais, résider
dans la réduction de l’enveloppe de l’«aide» au bénéfice d’un plan de
développement qui s’articule sur le dynamisme des échanges
intra-régionaux, la diversification et la compétitivité des
exportations, et les investissements productifs. Pour ce faire, les
Africains se doivent de mobiliser leurs propres ressources en se dotant
de bourses régionales et nationales de valeur afin d’engranger des
investissements directs nationaux, régionaux et étrangers. La levée de
fonds sur les marchés des capitaux internationaux viendra compléter
cette nouvelle panoplie de mobilisation de ressources.

4. Les pays riches ont une nouvelle fois promis de
maintenir leur aide aux pays pauvres, voire de l’accroître. Dambisa
Moyo, économiste zambienne, auteur de «Dead Aid» estime que l’aide, au
lieu de sortir l’Afrique de la pauvreté la rend encore plus pauvre.
Partagez-vous son point de vue ?

Tout à fait. L’«aide» ne devrait représenter qu’une part infime des
sources de financement des Etats, et ne devrait servir qu’à financer
des projets sociaux qui ne s’accommodent pas de prêts commerciaux.
L’«aide» ne devrait être qu’un appoint sur une période transitoire pour
couvrir les investissements sociaux qui, en tout état de cause,
relèvent de la responsabilité des Etats. L’«aide» telle qu’elle est
distillée aux Africains, n’a eu, jusqu’à ce jour, pour finalité que de
les maintenir sous perfusion, et de les enfermer dans un cycle infernal
de dettes et de pauvreté. Comme nous l’avons vu, il est nécessaire de
changer radicalement de modèle de développement et de reléguer ces
pratiques dévoyées d’assistance aux calendes grecques.

5. Que pensez-vous de la représentation de l’Afrique à ce sommet du G20 ?

A Londres, les représentants officiels africains au sommet du G20
étaient : Galema Motlante, le président sud-africain, le Gabonais Jean
Ping de l’UA, Méles Zénawi, président du NEPAD et Premier ministre
d’Ethiopie ainsi que le Rwandais Donald Kaberuka, président de la BAD.
Mais en réalité, ce sont deux français : Christine Lagarde, ministre de
l’économie de l’Industrie et de l’Emploi, et Dominique Strauss-Kahn,
directeur du FMI, qui ont été les éminences grises des Africains à ce
sommet. En effet, on se souviendra qu’en vue de la préparation du
sommet de Londres, Christine Lagarde avait réuni à Paris, le 22 Mars
2009, les principales autorités financières de la zone Franc…

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