28.05.09 Le Potentiel: Cinq questions à Célestin Mwamba Kasonga, par St. Augustin Kinienzi

1. A quand remonte le phénomène « dollarisation » de l’économie congolaise?

Et bien, le processus de substitution de monnaie, connu sous le
concept générique de dollarisation dans une économie, représente en
fait un mécanisme de correction de distorsions économiques. Lesquelles
incitent les opérateurs économiques à chercher refuge contre l’érosion
du pouvoir d’achat dans l’utilisation d’une devise plus forte et plus
stable.

En ce qui concerne le Congo, le phénomène s’est installé
progressivement durant la décennie 80. D’abord, avec le franc belge
comme unité de mesure des échanges pendant la période où le café
représentait l’or vert dans ce pays. Et ensuite, la libéralisation du
commerce, et plus précisément celui des matières précieuses,
l’instauration de la réglementation libérant et réglementant le change
des monnaies, la ruée vers le diamant artisanal, et l’amplitude des
opérations sur les autres matières précieuses, d’une façon générale,
cotées et réglées en dollars US.

Toutes ces circonstances dans un environnement inflationniste ont permis d’installer le dollar et son marché.

2. Quel avantage la RDC tire-t-elle de la dollarisation de son économie?

Faisons remarquer d’emblée qu’il y a une substitution de fait accompli.

Ce
qu’on appelle « dollarisation de facto » donnant lieu à une circulation
simultanée de la monnaie locale, et d’autres monnaies parmi lesquelles
le dollar US dominant l’espace économique. Il sert non seulement
d’instrument d’échanges et de mesure en termes de richesses, mais aussi
remplit toutes les fonctions liées au pouvoir libératoire qu’une
monnaie ayant court légal en RDC.

Il est un fait que la dollarisation se révèle comme un
puissant outil de la politique monétaire avec avantages pour l’économie
utilisatrice. Entre autres, il faut également noter une facilité des
échanges et de règlement des créances en devises. Cela rend aisé
l’importation et l’exportation étant donné la facilité d’acquérir les
devises fortes demandées dans le commerce international.

Il va sans dire que la dollarisation permet d’épargner, en
frais ou coûts d’acquisition de devises, les particuliers et l’Etat
dont l’économie utilise une monnaie sans coût de production. Autre
bénéfice, nous pouvons épingler les aspects en rapport avec la
stabilisation du cadre macro-économique, dans ce sens qu’elle incite à
la discipline fiscale et budgétaire.

Il en découle une stabilité monétaire relative lorsque le
fonctionnement du marché parallèle du dollar émet régulièrement des
signaux d’alarme servant d’indicateur. D’où, la nécessité pour les
gouvernants de respecter les engagements en ce qui concerne la hauteur
des dépenses publiques. Les récentes adjudications des devises par la
Banque centrale du Congo en sont un témoignage. En définitive, la
dollarisation est un pas important pour la RDC dans la voie de
l’intégration économique internationale. Mondialisation oblige.

3. Y a-t-il un acte juridique qui aligne l’économie congolaise sur la zone dollar ? Sinon que doit faire le gouvernement ?

Il n’y a pas de substitution officielle de la monnaie congolaise par
le dollar US. La dollarisation que nous vivons dans ce pays est un fait
accompli consacré par la réglementation de change en vigueur. Il y a
donc une grande différence avec quelques pays de l’Amérique Latine.

Et puis, le concept dollarisation est devenu générique pour
insinuer toute substitution de monnaie à un degré quelconque dans un
Etat qui n’en est pas émetteur.

On peut noter que la dollarisation revêt multiple facette
dans l’économie, notamment aux différentes zones frontalières. Le FCFA,
le Kwasha zambien, l’Euro, le Rand sud-africain, la monnaie ougandaise
vers Aru. Ces monnaies servent d’instruments d’échange, et fonctionnent
suivant l’offre et la demande.

Les gouvernants ont pour tâches essentielles d’être non
seulement attentifs, mais aussi aller à l’origine des causes qui
peuvent revêtir un caractère endogène ou exogène. Il y a donc nécessité
d’accompagner ce genre de phénomènes par la recherche des accords
bilatéraux pouvant aller à un arrangement monétaire, duquel peut
découler un soutien monétaire ou financier du pays émetteur de la
monnaie utilisée. Il y a aussi les avantages liés aux effets de «
seignorité », surtout en matière de taux d’intérêts pratiqués par la
Federal Reserve Bank.

4. « Dollariser » l’économie suppose des échanges. Or, il
n’existe pas d accords commerciaux majeurs entre la RDC et les
Etats-Unis d’Amérique. Qu’en dites-vous?

S’il n’existe pas d’accords commerciaux majeurs entre la RDC et les
USA, cette absence peut être compensée par l’existence de l’AGOA qui,
en fait, constitue une porte ouverte pour les échanges dans le sens de
bénéficier d’une fiscalité avantageuse dans les deux sens. Grâce à
l’AGOA, l’Afrique subsaharienne à laquelle nous appartenons peut
bénéficier d’un traitement préférentiel en vertu de cette loi qui vise
la croissance et les possibilités économiques en Afrique. Le commerce
et les investissements des USA avec l’Afrique subsaharienne peuvent
constituer un axe très important pour les économies dollarisées.

5. Aujourd’hui que la Chine est en RDC avec les cinq
chantiers, ne redoutez-vous pas qu’on se retrouve un beau jour face à
une masse de yuan chinois en circulation au Congo?

Notons d’une manière générale que les flux des capitaux accompagnent
souvent les mouvements d’affaires. Si un jour la Chine, à travers ses
opérateurs économiques, arrive à accroître ses échanges commerciaux et
ses investissements, et si elle libelle ses transactions et ses
paiements en yuan, il est possible que cette monnaie circule dans notre
espace économique.

Certains monétaristes ironisent en disant que les monnaies se
comportent parfois comme les enfants de parents puissants. La Chine est
une puissance sur le plan stratégique. Ses revenus comparés à sa
population, il est des statistiques qui considèrent la Chine comme un
pays émergent. Elle aussi, non seulement utilise intensément le dollar
américain dans ses transactions internationales, mais aussi dispose
d’énormes réserves et actifs libelles en dollars US.

En définitive, notons que la dollarisation de l’économie
congolaise est un phénomène qui risque de nous accompagner pour
longtemps encore à cause de la mondialisation en cours.

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