29.05.09 Le Potentiel : Cinq questions à Moulay Halif Elalamy (*)

 

1. Que pensez-vous des récents coups de théâtre relatifs à
l’élection de votre successeur à la CGEM et qui ont conduit à la
candidature unique de Mohamed Horani?

C’est une démarche simple, à l’instar de ce qui se passe dans les
différents patronats du monde. Il y a rarement multiplicité de
candidatures et, personnellement, je n’étais pas un adepte d’une telle
multiplicité. Un syndicat patronal, ce n’est pas un parti politique. Il
faut avoir la volonté de donner de son temps et de son énergie à ses
confrères. En général, les candidats ne se bousculent donc pas pour
assumer cette fonction. Mon vice-président, Mohamed Chaïbi, dont je
connais les capacités de réalisation, n’était pas très chaud et il
s’est retiré dès qu’il y a eu une autre candidature, celle de Mohamed
Horani. Quand celui-ci a exprimé son intention d’être candidat, l’ONA
lui a simplement donné les moyens réglementaires de se présenter
[l’intervention de l’ONA lui a permis de respecter toutes les
conditions d’éligibilité, NDLR], qui sont ce qu’ils sont. J’ai beaucoup
d’estime et de respect pour Mohamed Horani et pour ses capacités
évidentes, qui lui ont permis de fabriquer une petite multinationale
[Hightech payment Systems, spécialisée dans les logiciels de monétique,
NDLR] dans un domaine extrêmement pointu.

2. Parlez-nous de ce partenariat gagnant public¬privé…

Le secret du Maroc aujourd’hui, c’est qu’il y a structurellement un
changement générationnel qui s’est opéré. Regardez l’âge moyen des
ministres, des présidents de banque, des capitaines d’industrie, animés
d’une nouvelle envie de travailler ensemble. Il y a une authentique
concertation, une véritable complémentarité entre le secteur public et
le privé avec des résultats probants. Plus personne aujourd’hui ne
conteste l’intérêt de ce partenariat. Nous avons réussi à trouver une
solution maroco-marocaine, une façon de travailler respectueuse, chacun
a trouvé sa place en bonne intelligence.

J’éprouve une grande satisfaction dans cette alchimie partagée
entre le patronat et les deux derniers gouvernements de Messieurs
Jettou et El Fassi. Cette complicité, ce côte à côte et non un face à
face, se retrouve également dans la volonté de faire évoluer l’économie
marocaine. La relation avec les organismes sociaux a été cordiale et
intéressante. Il y a eu un changement de mentalité tant au niveau du
patronat que des partenaires sociaux. Je reste fier et confiant dans
l’avenir, il y a eu des changements économiques au Maroc qui sont
irréversibles.

3. Pensez-vous que cette évolution se décline au niveau régional?

Dans le Maghreb, il y a une belle prise de conscience de nous tous,
présidents des patronats, et des opérateurs, de la nécessité d’un
Maghreb économique uni et renforcé. Ce sont des opérateurs maghrébins
non virtuels qui agissent aujourd’hui sur le volet énergétique ou dans
le secteur du bâtiment. Et dans les domaines bancaires et des
assurances, des opérations visibles seront également bientôt à l’œuvre.
Notre souhait est de partir de modèles, de prototypes, et non pas de
concepts.

4. Vous semblez toujours passionné. Dans ces conditions, pourquoi ne briguez-vous pas un nouveau mandat à la tête de la CGEM?

Dès le premier jour, j’ai annoncé que je ne ferai qu’un seul mandat.
C’est un grand sacrifice que de laisser ses propres affaires pour une
mission comme celle de la direction du patronat. Soit cette fonction
est honorifique et elle peut durer très longtemps, soit elle est
opérationnelle et donc très usante. La présidence de la CGEM, c’est 80
% de mon temps. C’est une vraie charge de travail. Il faut savoir
passer le témoin, c’est ma conviction.

5. Qu’allez-vous faire maintenant que vous avez du temps?
Quelles orientations stratégiques allez-vous donner à votre groupe
Saham?

J’ai délaissé mon groupe, il a besoin de moi et j’ai besoin d’être
aux côtés de mes collaborateurs. Mais j’ai aussi des projets qui ne
sont pas tous dans le business. Le Maghreb, j’y crois beaucoup et il y
a beaucoup de choses à faire. Parmi ces outils d’intégration, il y a
l’UME, l’Union maghrébine des entrepreneurs, une structure qui doit
être une plate-forme d’échanges. Je veux être au service de mon pays et
je m’intéresse aussi à la représentation de l’économie marocaine au
niveau international. À travers la fondation Saham, j’ai créé le fonds
d’investissement Sherpa, dédié à accompagner les personnes qui ont un
esprit d’entrepreneur. L’audace d’entreprendre est d’ailleurs la devise
de Saham. Il faut sélectionner des projets, c’est extrêmement
enrichissant. C’est quelque chose qui me passionne, je rencontre des
gens exceptionnels, qui ont la rage d’entreprendre.

J’ai également des projets culturels. Je suis musicien,
luthiste. J’aimerais ressusciter le savoir-faire des luthiers
marocains. Je travaille aussi à la création d’un musée d’art maghrébin,
puis africain, à Casablanca, en partenariat avec la municipalité. C’est
un projet qui me tient : vraiment à cœur.

TIREES DE JEUNE AFRIQUE N°2524, DU 24 AU 30 MAI 2009

(*) Président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).

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