26.06.09 Le Potentiel : Cinq questions à Colette Avital
1. Pensez-vous que lélection de Barack Obama a changé la donne au Moyen-Orient ?
Cest certainement un événement très important. Pour Israël, il y a
deux éléments essentiels. Le premier, cest le temps ? Loption de deux
Etats est menacée et lavenir joue contre nous. La société est divisée,
les partis ont perdu toute crédibilité et, du côté palestinien, Mahmoud
Abbas est affaibli. Le second élément, cest le plan saoudien
(lInitiative arabe adoptée à Beyrouth en 2002, NDRL). Cest une
opportunité quil nous fait absolument saisir parce que nos rapports
avec le monde arabe sont inséparables de la question palestinienne.
2. Ces deux éléments sont retenus par Obama… Mais le gouvernement senferme dans le refus.
En effet, et je le reconnais bien volontiers. Reste que la politique
israélienne se fait à Jérusalem et non à Washington. Nous devons
parvenir à un règlement non pas parce quObama le souhaite, mais parce
que cest notre intérêt. Il faut savoir que les Israéliens de gauche
comme de droite réagissent mal quand on fait pression sur eux et ils
ont tendance ensuite à se braquer. Je ne sais pas comment vont évoluer
nos relations avec les États-Unis, mais il faut tout faire pour
quelles soient sereines. Je ne crois pas que Netanyahou puisse refuser
longtemps la solution des deux Etats. Il peut évoluer. Son problème,
cest quil na pas de marge de manœuvre et quil doit convaincre ses
propres troupes. Mais il veut entrer dans lHistoire comme le Premier
ministre qui a obtenu la reconnaissance dIsraël par les États arabes.
Et ce nest pas du tout exclu. On dit souvent que les Israéliens
élisent des gens de droite pour faire la politique de la gauche. Et
puis il y a cette offre du monde arabe qui représente beaucoup plus que
ce quIsraël espérait.
3. Les Israéliens ont toujours affirmé quils voulaient
la paix avec les Arabes. Et quand les Arabes ont dit oui, eux, ils ont
dit non. Cest curieux …
Les Israéliens font plus confiance aux Saoudiens quaux
Palestiniens; 75 % dentre eux croient aux deux Etats et pensent quun
État palestinien est la seule façon pour Israël de survivre comme Etat
juif. Mais le drame, cest que quand vous leur demandez si cest
possible, les mêmes 75 % vous répondent non. Les Israéliens nont plus
confiance. On leur a bourré le crâne pendant des années en leur disant
quil ny avait pas de partenaire en face. La société israélienne est
marquée par le désespoir et un cynisme généralisé. Finalement, seule
lInitiative arabe peut nous rendre confiance.
4. Quelle est lattitude des juifs américains?
Ils ne sont pas favorables à la paix dans leur majorité. Noubliez
pas quils ont massivement soutenu Bush. Ils sont victimes de ce que
jappelle le « jet lag» : plus vous êtes loin et moins vous lâchez de
territoires. Quand jétais consul à New York, mes interlocuteurs juifs
soffusquaient que lon puisse rendre des territoires. Je leur
répondais: «Rassurez-vous, je ne vais pas rendre le Queens, votre
territoire à vous!»
5. Peut-on arrêter la colonisation?
On peut la freiner, mais les colons vont très mal réagir. Ils ont
réussi à tenir à la gorge tous les gouvernements israéliens, même si
Sharon, en évacuant Gaza, a montré quon pouvait leur faire entendre
raison. Il faut savoir quil y a deux sortes de colonies. Dabord les
implantations à lintérieur de lÉtat dIsraël qui représentent 80 %
des colons. Ceux-ci pourraient bénéficier dun échange de territoires
avec les Palestiniens. Ensuite, il y a quelque quatre-vingts
implantations au-delà de la barrière de sécurité. Celles-là, cest
évident, ne seront plus incluses dans lÉtat dIsraël. Jai moi-même
créé un mouvement avec les colons qui veulent partir de leur plein gré.
Sur les 80000 personnes concernées, la moitié sont prêtes à se retirer
dès aujourdhui. Car elles sy sont installées pour améliorer leur vie
et non pour des motifs idéologiques.
TIREES DE JEUNE AFRIQUE
Secrétaire générale internationale du Parti travailliste israélien