29 06 09 Africa News: Le mystère percé du CNDP new look. Les confidences de Munyapenda

 

C’est le tout
premier entretien qu’un haut responsable de la nouvelle direction du Conseil
national pour la défense du peuple -CNDP-, accorde à  un média de la capitale.
AfricaNews a reçu l’insigne honneur de faire parler Jean-Munyapenda, chef
du Département politique du CNDP new look. Présent à Kinshasa où il a  pris part
à la réunion d’évaluation des accords de paix signés avec le gouvernement le 23
mars 2009, Munyapenda, économiste de formation, marié et père de huit enfants,
ex-membre de l’Alliance des forces démocratiques
pour la libération du Congo -AFDL-, ancien du Rassemblement congolais pour la
démocratie -RCD- est un des acteurs-clés de tous les mouvements armés partis de
l’Est de la RD-Congo.
Au cours de cette longue interview à l’hôtel Pyramide
sur les hauteurs de Binza, Munyapenda s’est lâché. Il a  dévoilé les secrets, le
mystère du CDNP. Tous les sujets ont été abordés sans tabou, notamment les
revendications du CNDP, les cas Nkunda et Ntaganda, les élections, sans oublier
le sort des RD-Congolais détenus à La Haye. Le CNDP négocie dans l’ordre
constitutionnel et ne remet pas en cause les institutions établies, a confié
Munyapenda ajoutant que son parti n’exige pas le partage de pouvoirs comme ce
fut le cas avec le RCD pendant la transition. Mais le pouvoir l’intéresse.
«Si le président de la République et le Premier ministre nous donnent un ou
deux postes au sein du gouvernement, nous allons accepter
», fait-il savoir.
L’ex-mouvement politico-militaire promet de surprendre les autres partis aux
prochaines échéances électorales. Munyapenda donne la recette du CNDP pour
pérenniser la paix à l’Est: promouvoir le dialogue permanent et l’entente entre
les différentes communautés et créer des comités permanents de réconciliation.
Entretien.  

 

Vous avez longtemps
négocié avec le gouvernement. Dites-nous ce que veut réellement obtenir  le CNDP
pour se calmer?


D’abord, je
précise que nous sommes en train de négocier en respectant l’ordre
constitutionnel et nous ne remettons pas en cause les institutions en place. Ce
que nous voulons, nous l’avons exposé au gouvernement pendant les négociations
tenues à Nairobi puis à Goma lesquelles ont abouti à la signature des accords de
paix et de stabilité le 23 mars 2009. Aujourd’hui, nous sommes à l’étape de la mise en oeuvre du plan qui était
en annexe desdits accords. Nous venons de faire la première session et la
seconde interviendra à Goma dans deux semaines. Et, dans trois ou quatre mois,
nous allons terminer l’ensemble d’éléments à mettre en oeuvre qui ont été
préalablement négociés.

 

Sur quoi ont porté
vos revendications pendant les négociations? 


Dès lors que le
gouvernement rwandais et RD-congolais  ont décidé de traquer les FDLR et autres
Interhamwe qui nous causent du tort dans l’Est du pays, le CNDP a déposé les
armes et s’est joint aux FARDC en se transformant en parti politique. Nos
revendications  s’articulent autour de notre reconnaissance comme parti
politique, la libération des prisonniers, le retour
des réfugiés et des déplacés de guerre qui avaient fui les attaques des FDLR. Il
y a au moins cent mille réfugiés au Rwanda, cent mille en Ouganda et trois cents
mille en Tanzanie.
Qu’on cesse aussi des tracasseries dont nous
sommes l’objet et de nous considérer comme des étrangers dans notre propre pays.
Nous avons également proposé la réforme de l’Armée, de la Police, de
l’Administration publique et du territoire, de la Justice et du mode des
scrutins. Il s’agit là des propositions faites au
gouvernement et qui peuvent être discutées parce que nous n’avons pas le
monopole de l’intelligence.

 

Le CNDP est
dissident du RCD et l’opinion craint que certains d’entre vous ne puissent se
rétracter et déclencher une nouvelle guerre pendant que vos troupes sont déjà
intégrées…


Qui peut encore
refaire la guerre en se soustrayant de la logique actuelle de rechercher la
paix? Le gouvernement est appelé à répondre à nos revendications qui sont
pourtant objectives pour arrêter définitivement la guerre. Il ne faut pas
renverser la logique. Si le RCD n’a pas pu régler les problèmes et que le CNDP
est né sur base de mêmes problèmes, des solutions à trouver seront différentes.
Que ceux qui sont au pouvoir nous aident à les aider afin d’éradiquer
définitivement les causes de la rébellion et de la guerre dans notre pays. Sur
ce point, je pense que le chef de l’Etat nous a compris. Mais il y a d’autres
qui sont encore à la traîne. Je ne voudrais pas que les gens nous accusent des
causes endogènes de ces guerres. Nous devons nous mettre ensemble pour rectifier
le tir et ramener la paix.  

 

Quelles sont ces
causes?  


C’est une
habitude des individus qui utilisent des conflits ethniques comme tremplin pour
accéder au pouvoir. Le Kivu est très sensible. Si l’on monte des gens contre les
autres, il y aura de conséquences. Je demande aux leaders locaux et nationaux de
se maîtriser pour faciliter une réconciliation permanente. C’est ainsi que nous
avons proposé également au gouvernement la création des comités permanents de
réconciliation. Vous savez, deux personnes de tribus différentes peuvent se
battre et chacune aligne derrière elle les membres de sa tribu et cela devient
une guerre ethnique tout simplement à cause de ces deux individus. Nous luttons
contre cette pratique. Nous voulons que les gens comprennent que les Interhamwe
et les FDLR constituent une peste pour nous. Il faut s’en débarrasser d’abord.
Dès que ce problème sera terminé et que les réfugiés vont retourner, il y aura
parfois des problèmes fonciers à régler et des petits problèmes politiques
locaux.  L’essentiel est d’arriver à la paix pour déclencher le
développement.

 

Les FDLR sont des
sujets rwandais venus en RD-Congo sur demande de la Communauté internationale.
Pourquoi cette même communauté traîne à les rapatrier et les laissent devenir
nocifs aux populations RD-congolaises?

 

A vrai dire, ils
sont entrés en RD-Congo parce que le pouvoir en place à l’époque, notamment le
président Mobutu leur avait ouvert les portes. Il ne pouvait pas accepter de
faire entrer ces Interhamwe dans notre pays. Dans les négociations avec la
communauté internationale, il y a des choses à accepter et d’autres à rejeter.
Il ne faut pas chercher toujours le bouc émissaire chez l’étranger. C’est vrai
que l’étranger a fait des pressions difficiles à gérer mais, il faut voir les
deux faces de la monnaie.

 

N’est-ce pas qu’ils
doivent rentrer au Rwanda afin que le tribunal détermine leur sort s’ils sont
coupables ou non au lieu de les laisser en RD-Congo?

 

Il faut ouvrir
l’oeil et le bon. Ces Interhamwe ont tué des Tutsi au Rwanda et en RD-Congo. Ils
continuent à tuer non seulement les Tutsi  mais aussi les  RD-Congolais d’autres
tribus. Et ça fait 14 ans qu’ils opèrent.

 

Dans l’Est, il n’y
a pas que de Tutsi RD-congolais, mais aussi des Hutu. Et pourtant, les
Interhamwe sont des Hutu rwandais. Dites-nous, en les traquant, comment vous
différenciez le Hutu RD-Congolais et rwandais étant donné que le Tutsi
RD-Congolais et Rwandais tout comme les Hutu de deux pays ont tous la même
morphologie?


Certes, il y a
des Tutsi RD-congolais et rwandais, tout comme des Hutu. Mais dans le cas
d’espèce, les FDLR sont des Hutu  rwandais. Ce n’est pas le fait d’être Hutu
rwandais qui constitue une faute mais celui d’être un criminel. Nous ne les
traquons pas en tant que Hutu mais en tant que criminels. Pour différencier les
uns et les autres, quand vous avez un Etat qui a des archives, on sait
facilement qui est qui. Si vous détruisez ces archives, l’équation devient
difficile au point de punir et les Hutu et les Tutsi RD-congolais pour le simple
fait d’être des voisins des Rwandais.

 

L’opinion pense que
le CNDP est trop gourmand au point de réclamer 14 postes au gouvernement. Que
revendiquez-vous au juste? 


Nous voulons
participer aux prochaines élections urbaines et municipales et en 2011, nous
allons participer à celles législatives et présidentielles.  Le
CNDP respecte l’ordre institutionnel. C’est le président de la République qui
nomme le Premier ministre et ce dernier forme son gouvernement. En quoi le CNDP
est-il concerné car, il ne nomme pas les membres du gouvernement! Comment
peut-il réclamer seul 14 postes? C’est un montage médiatique tout
simplement.

 

Juste au début des
négociations, le CNDP avait proposé la création d’un ministère chargé de la
Réconciliation et de l’Intégration…


Bien sûr mais
cela ne veut pas dire que le CNDP devait nécessairement l’occuper.

 

Et si Muzito vous
nommait ministre, allez-vous refuser?


Pourquoi
refuser? Je vais accepter et cela ne veut pas dire que le CNDP est trop gourmand
et exige 14 postes. Il y a là un glissement de sens. C’est une question qui
relève du pouvoir en place. Si le président de la République ou le Premier
ministre estiment bon d’octroyer un ou deux postes au CNDP, nous
accepterons.

 

Comment
réagissez-vous face à ceux qui pensent que le CNDP est au service du Rwanda et
que ce dernier le manipule?


Ceux qui
pensent ainsi tapent à côté. Je vous dis que les Occidentaux nous manipulent les
uns contre les autres. Je suis maintenant à Kinshasa; pensez-vous que je n’ai
pas une autonomie de pensée?  C’est à nous RD-Congolais de comprendre si nous
voulons devenir grands ou pas. Que la manipulation
vienne de Washington, Bruxelles, Luanda, Kampala ou Kigali, voulez-vous que je
vous cite des gens qui demandent l’avis de Bruxelles avant d’entreprendre quoi
que ce soit?

 

Citez-les nous, on
veut les connaître…


Ah! Non, j’en
passe sous silence. 

 

Que dites-vous de
Nkunda, votre ex-leader aujourd’hui détenu au Rwanda?


Il a été notre
chef pendant 4 ans. Mais une branche politico-militaire a toujours des courants
en son sein. A un certain moment, Nkunda voyant les FDLR combattre les Tutsi, a
cru qu’il fallait combattre les FARDC et lutter contre les Interhamwe après.
C’était une erreur monumentale de sa part. C’est ce qu’on lui a reproché à
l’intérieur et qu’il n’a pas mis du temps à comprendre. 


Nous lui avons
dit que les Interhamwe sont des étrangers. Notre gouvernement qui est en face ne
comprend peut-être pas encore mais, il faut négocier avec lui pour tourner les
canons ensemble contre eux. Nous avons insisté sur le fait que le gouvernement
est notre allié et qu’il ne pouvait pas continuer à lui faire la guerre
puisqu’il a déjà compris nos revendications. 


On a expliqué
cela à tous les membres du CNDP. Au lieu de rester avec nous,  il a préféré
fuir. Il n’y a pas quelqu’un qui est né pour être chef. S’il estimait qu’il est
chef à vie, maintenant, il a fui et nous a compliqué l’équation. S’il était
resté avec nous, il serait intégré comme tous les autres. On n’a pas d’état
d’âme pour résoudre les problèmes qui concernent la paix et la tranquillité.

 

Qui seront vos
alliés politiques aux prochaines élections?


Nous avons
notre stratégie et notre tactique. Vous le saurez le moment venu.

 

Comment allez-vous
faire parce que vous êtes installés jusque-là dans l’Est du pays
seulement?


Nous allons
battre campagne et présenter nos candidats sur l’ensemble du territoire
national. Nous avons des candidats presque partout et des gens seront surpris.
Comme les locales et les municipales auront lieu dans six mois, nous aurons déjà
tout mis en marche pour faire fonctionner notre cerveau.

 

Quel est l’apport
du CNDP dans la consolidation de la paix et la stabilité du
pays?


C’est la
puissance de notre réflexion sur les réformes  auxquelles nous tenons
beaucoup.

 

A la CPI on ne juge
que des RD-Congolais dans la plupart des cas. Croyez-vous à la crédibilité de
cette institution judiciaire internationale? 


Je pense des
mauvaises choses sur cette institution. Avez-vous déjà entendu la France envoyer
ses présumés criminels à la CPI pour y être jugés? Non plus. Faites très attention. Les mandats qui sont lancés par la CPI
ont une nature politique et pas toujours juridique.
S’ils veulent
casser les reins à quelqu’un, ils vont lui lancer un mandat pour l’enfermer là
pendant longtemps. 


Et si l’on se
rend compte qu’il est innocent, ce sera trop tard. Pour cela, les institutions
nationales doivent renforcer leur pouvoir pour éviter de transférer les
nationaux à la CPI. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde jouit de la
présomption d’innocence sinon, le jugement ne produira pas la
vérité. 


C’est ainsi
que le chef de l’Etat RD-congolais a refusé de livrer Bosco Ntaganda à la
CPI…


Un adage dit:
«qui veut tuer son chien l’accuse de rage». On accuse Ntaganda de quoi exactement? Nous
répondons à une enveloppe dont nous ne connaissons pas le contenu. Par
rapprochement au cas Thomas Lubanga, on l’accuse de recrutement des enfants. On
accuse aussi d’autres personnes qui avaient des kadogos dans leurs rangs. Le
chef de l’Etat a opté pour une justice réconciliatrice et non celle séparative
de type occidental.

 

Quel est votre
message aux membres du CNDP et au peuple RD-congolais?


C’est le rêve
de grandeur. Nous le partageons tous. Pour devenir grand, il faut travailler et
s’organiser. On ne devient pas grand par coup de baguette magique ni par des
cris prophétiques. La Suisse est un petit pays -de par sa superficie- mais il
est respecté parce qu’il s’est organisé. Pourquoi pas nous qui sommes un pays
aux dimensions continentales.


Propos
recueillis par Bijou KULOSO  & Octave MUKENDI

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