L' implosion des 5 chantiers (BGRP)


Le 30 juin 2009, Joseph Kabila
déclarait:  « si on y prend garde, les anti-valeurs qui s’enracinent dans la
société congolaise, à savoir l’indiscipline, l’intolérance, la concussion, la
gabegie financière et la corruption risquent de mettre en péril le projet
ambitieux de cinq chantiers". Mais déjà, Xavier Mirindi Kiriza observait que "
tous nos gouvernants n'ont à la bouche que les cinq chantiers. Tout cela nous
donne de penser que ces cinq chantiers sont en passe de devenir une divinité
supérieure. Il faut vraiment craindre que, à la faveur de ces cinq chantiers,
les Congolais ne soient engagés sur les mêmes routes qui, selon John Goldsmith,
" mènent à de mauvaises destinations ou à des culs-de-sac " (Le Piège, Fixot,
Paris, 1993, p.16).

On retrouve ainsi le " heureux le peuple qui chante
et qui danse" de Mobutu dans les fameux "5 chantiers". On n' entend plus que
cela. Cependant, les chefs d' orchestre à la baguette magique mettent déjà des
gants. Ils ont ne clament plus " Chantiers du Chef de l' Etat", parce que si les
réalisations échouaient, ce serait l' échec du Chef. Ils parlent plutôt de "
Chantiers de la République", parce qu' avec un Etat qui a pris l' habitude d'
échouer depuis 48 ans, un nouvel échec serait un "non-évènement". Plus précis,
le site louangeur http://www.cinqchantiers-rdc.com/chantier.htm  repousse les
échéances. " Que ceci soit d'ores et déjà bien compris : les cinq chantiers ne
vont pas se réaliser complètement dans les cinq années à venir. Les jalons
seront certes posés, et les actions seront amorcées, mais comme il s'agit d'un
processus, celui-ci se situera dans la durée". Ce qui pourrait dire aussi que
les chantiers serviraient à installer le Pouvoir dans la durée. De nombreux
discours officiels appellent déjà à la réussite des 5 chantiers pour que le Chef
soit plébiscité en 2011.

D' où viennent les " 5 chantiers" ? C' est dans
son discours d' investiture du 6 décembre 2006 que Kabila avait présenté cinq
chantiers prioritaires: 1. les infrastructures 2. la santé et l' éducation 3. l'
eau et l' électricité 4. le logement et 5. la création d' emplois. Cependant, et
à peine deux mois à peine auparavant, le candidat président faisait une
énumération différente. Son programme électoral intitulé " Mes 100 propositions
pour un Congo Nouveau – Mon nouveau contrat avec le peuple congolais", traitait
de quatre thèmes majeurs 1. consolidation de la paix et de la nation 2.
restauration de l' Etat et de son autorité 3. relance de l' économie (
infrastructures, énergie et eau, mines, agriculture, industrie, portefeuille,
relations économiques, internationales et commerce extérieur) et 4. lutte contre
la pauvreté et les inégalités sociales ( santé, éducation et recherche
scientifique, habitat) emploi, salaires et sécurité sociale, tourisme et
environnement, culture et sport.

L' égrenage solennel des " 5 chantiers"
est comme un miroir déformant et réducteur des défis à relever. Le quintet
serait le fruit de deux lapsus. Tout d' abord, on n' avait pas consulté le
programme électoral qui avait de la profondeur. A titre d' exemple, l'
Electricité au rang de priorités en lieu et place de l' Energie qui est au coeur
des enjeux mondiaux. Le chantier de l' Energie ouvre un large éventail de
ressources exploitables et alternatives et modulables pour toute la population (
solaire, agro et biocarburants, biomasse, éoliennes, etc) et d' utilisations (
cuisson, chauffage, appareillages électriques, industrie, etc). Sans parler de
toutes les questions liées aux coûts et aux économies de l' énergie, à l'
environnement. On en est réduit à appeler à l' électricité, et il n' y a même
pas de chauffe-eaux solaires dans ce pays ensoleillé. Non, le quintet est tout
sauf le fruit d' une synthèse de la rencontre des promesses avec les besoins et
les capacités nationales.

L' autre oublié dans la sélection des 5
chantiers aura été le cadre et les mécanismes qui ont fondé la Transition et les
programmes de relance du Pays. Le rappel est venu rapidement des cercles du
Pouvoir. D' abord dans " Le Programme Commun du Gouvernement de Coalition" de l'
AMP. Ensuite, dans le " Programme du Gouvernement ( 2007 – 2011) et le CDG (
Contrat de Gouvernance – Mars- Décembre 2007). La notion omise figure à la toute
première ligne du programme quinquennal de Gizenga. " Le Gouvernement issu de la
Majorité parlementaire après les élections libres, démocratiques et
transparentes a adopté un programme qui s’appuie sur le Document de Stratégie de
la Croissance et la Réduction de la Pauvreté, DSCRP en sigle". Le discours d'
investiture avait fait des emprunts hasardeux au fameux DSCRP. Et le " Programme
Commun du Gouvernement de Coalition", avait fait des acrobaties pour intégrer
les 5 chantiers dans 2 des 5 piliers du DSCRP qui sont:

Pilier 1:
promouvoir la bonne gouvernance et consolider la paix par le renforcement des
institutions.
Pilier 2: consolider la stabilité macroéconomique et la
croissance. NB Ce plier englobe en vrac les chantiers d' infrastructures, l'
emploi, l' énergie et l' agriculture.
Pilier 3: améliorer l' accès aux
services sociaux et réduire la vulnérabilité. NB Ce pilier comprend en vrac les
chantiers d' eau, l' éducation, la santé et l' habitat.
Pilier 4: combattre
le VIH/Sida
Pilier 5: promouvoir la dynamique communautaire

Mais qu'
est-ce le DSCRP? En 1997, les institutions de Bretton Wood étaient accourues à
Kinshasa pour lier langue avec L-D Kabila. La rupture avec Mobutu avait été
totale. Les bailleurs voulaient faire réussir la "libération". Et au printemps
1998, le ministre des finances Tala Ngai et le gouverneur de la Banque Centrale
J-C Masangu avaient trouvé un compromis avec Washington. Ils avaient reconnu le
stock de l' endettement hérité du régime de Mobutu et accepté des remboursements
symboliques menant à l' effacement de cette même dette. Le Mzee vilipenda les
deux émissaires et il rompit avec Washington. Sur le plan idéologique, les
dettes héritées de Mobutu rentrent dans la catégorie de "dettes odieuses" et don
un activisme international réclame l' effacement. Tout récemment le « Forum des
peuples » réuni au Mali en contrepoint du sommet du G8 de Hokkaïdo au Japon, a
même demandé la suppression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international (FMI). Selon les altermondialistes, les annulations de la dette
des pays pauvres ont été de 39 milliards de dollars en 2005, alors que durant la
même année, le transfert net de capitaux du Sud vers le Nord s’élevait à 354
milliards de dollars. Néanmoins, les structures financières internationales
avaient changé depuis 1996. C' était trop tôt pour que le président-maquisard s'
en imprègne et il a fallu sa mort pour une reprise des relations avec
Washington. Depuis, les dettes de plusieurs pays ont été effacées. La RDC aurait
pu en être.

Bref, la gestion de la dette est une priorité. C' est une
hypothèque à lever. Les dettes commerciales envers le secteur privé relèvent du
Club de Londres, tandis que les dettes publiques sont traitées au Club de Paris.
Là, environ 70 % des sommes sont dues à la Banque Mondiale (BM) et le reste au
FMI et à la Banque Africaine de Développement (BAD). Ces trois bailleurs avaient
lancé en 1996 l' initiative PPTE pour que des Pays Pauvres Très Endettés
transforment leurs engagements en dettes internationales « soutenables ». Pour
cela, la dette est effacée en fonction des efforts que nle pays consacre à la
lutte contre la pauvreté.

Comment cela fonctionne? Le remboursement de
ces dettes extérieures s' étale sur des dizaines d' années et il est exigible en
tranches annuelles. Ces échéances sont identifiées dans le budget de l' Etat.
Avec le régime PPTE, la dette échue pour l' année en cours est effacée ( jusqu'
à 90%) si le pays consacre un montant équivalent des dépenses de santé, d'
éducation et de réduction de la pauvreté sur son propre territoire. La RDC a
même obtenu que des salaires de fonctionnaires soient homologués comme des
dépenses de réduction de la pauvreté… Bref, au lieu de payer les arriérés à l'
extérieur, on dépense cet argent en faveur de la population. Il semble que cela
soit très compliqué avec le Pouvoir en place. Le noeud du problème reste le
même. Il s' agit d' abord de gouvernance, ensuite de gouvernance et encore de
gouvernance. Sans même devoir effleurer la question de la « bonne » gouvernance.
Il s' agit également de travailler pour l' intérêt des populations. Bref, ces
programmes sociaux et économiques prévisibles et une bonne discipline budgétaire
sont consignés dans le DSCRP ( Document de Stratégies de la Croissance et de la
Réduction de la Pauvreté).Ce sont ces réalisations qui restent des chantiers de
la République. 

 

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