15.07.09 Libération (fr): Le tradi-moderne de Kinshasa se rassemble
Ce soir, Konono n°1, Kasai Allstars et Staff Benda Bilili (Libération du
10 juillet) se produisent pour la première fois sur la même scène, au
Cabaret Sauvage. Ces trois groupes phares de la musique «tradi-moderne»
congolaise ont été révélés par Vincent Kennis, musicien (les Tueurs de
la Lune de Miel) et producteur belge du label Crammed Records, pour
lequel il écume la république démocratique du Congo depuis deux
décennies.
Comment avez-vous découvert la musique tradi-moderne?
Jétais tombé sur une double cassette, assez confidentielle, publiée
chez Ocora. Elle avait été enregistrée par un réalisateur de France
Culture, Bernard Treton, qui était parti au Zaïre des années 70, dans
le cadre dune coopération avec lORTF. Il sest baladé dans la cité, a
entendu Konono et les ancêtres de Kasai Allstars. Il les a enregistrés.
Doù vient cette musique ?
Pour les Congolais, cest vieux, ça remonte au milieu des années 70,
à lépoque du combat Ali-Foreman. A lépoque, il y a eu un grand
mouvement politique lancé par Mobutu, «lauthenticité», selon lequel le
Zaïre avait tout ce quil fallait. La musique étrangère était bannie de
la radio. Pour encourager ce mouvement, les autorités ont donné des
guitares électriques, des amplis, etc. à des groupes traditionnels. Il
ny a pas eu rupture avec la tradition mais réinterprétation avec
dautres moyens.
Comment avez-vous retrouvé ces musiciens?
En 1989, jai eu loccasion daller à Kinshasa. Jai demandé ce
quétaient devenus ces groupes. On ma dit : ça nexiste plus. En fait,
les seuls groupes tradi-modernes qui continuaient à exister étaient
ceux du Kasaï (région diamantifère du centre du Congo, ndlr) parce que les creuseurs de diamants continuent dorganiser de grandes fêtes. Ce qui a permis aux groupes de survivre.
Il y avait au moins cinq grands groupes différents. Je leur ai
proposé de faire une formation commune. Au début, ils ont poussé des
cris, mais ils ont bien voulu venir faire un concert en 2000 à
Bruxelles. Puis ils ont continué ensemble. Konono, eux, avaient
disparu. En 2000, jai entendu une cassette dans la rue. Je suis entré
dans la boutique et je suis tombé sur un fan-club. On ma dit quils
sétaient dispersés que certains étaient repartis chez eux en Angola,
mais quils allaient revenir. Six mois plus tard, on ma téléphoné pour
me dire quils étaient là et prêts à rejouer. Cest finalement en 2002
que jai pu les enregistrer.
Où en est la musique en RDC ?
Cest catastrophique. On assiste à une offensive des églises
évangéliques, qui, exactement comme les missionnaires catholiques
brûlaient les fétiches il y a un siècle, diabolisent la musique. Ils
empêchent les gens de répéter, enrôlent les jeunes dans des gospels.
Les gens nosent plus faire de la musique. Et cest pire encore en
province quà Kinshasa, dans la capitale.