18.07.09 Le Potentiel: Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko (*)
1. Quarante-neuf ans après lindépendance, quel bilan faites-vous de létat de la nation congolaise ?
Pour beaucoup dentre nous, le 30 juin 1960 a marqué la
reconnaissance internationale de notre pays et non son indépendance.
Cette date na symbolisé que le début dun long combat pour la liberté
totale. Sagissant du bilan, il est négatif, car le contexte politique
est caractérisé par linstabilité chronique, la faiblesse des
institutions étatiques et de la culture politique, ainsi que
lingérence extérieure. Sous le régime mobutiste, laction publique ne
sétait guère souciée des préoccupations de la population. Quant à
lespoir suscité par Laurent-Désiré Kabila en 1997, il sest effondré à
cause de labsence douverture politique et de recherche dun consensus
minimum sur lÉtat à reconstruire. Avec Joseph Kabila, lunité
nationale est toujours fragile et larmée désorganisée. Un autre défi à
relever, cest celui de léquilibre financier entre les provinces et le
gouvernement central, auquel il faut ajouter les problèmes de la
pauvreté, la santé, léducation, linsécurité…
2. A quoi attribuez-vous les insuffisances des régimes successifs en République démocratique du Congo depuis lindépendance ?
Le peuple congolais, de lavènement de Mobutu à la présidence de
Joseph Kabila, a toujours été victime du non-respect de la séparation
des pouvoirs. Pis encore, les violations de la Constitution ont
transformé le chef de lÉtat en homme-organe. En la foulant aux pieds,
le président Joseph Kabila a mis à mal la cohésion nationale et porté
atteinte aux combats pour la libération et lémancipation du peuple
congolais. Ainsi, a-t-il contribué à lanéantissement des efforts
fournis depuis le 30 juin 1960. Cet acte grave ne doit pas laisser
indifférents les parlementaires, de la majorité comme de lopposition,
ni le peuple congolais qui doit assumer sa responsabilité. La multitude
de partis politiques, disons-le également, prouve que le mal congolais
tire ses racines dans limmaturité politique. En tout cas, la tenue
délections en 2006 na pas été suivie de construction des
infrastructures de transport, ni de consolidation des fonctions
étatiques dans lensemble du territoire national, ni de limitation des
phénomènes de corruption, ni de cohésion nationale, ni de souveraineté
politique.
3. La communauté internationale na-t-elle pas aussi sa part de responsabilité dans ce que vous décrivez ?
Bien sûr, la communauté internationale est en partie responsable de
la situation actuelle du continent africain. Dailleurs, dans son
discours prononcé, le 11 juillet devant le Parlement ghanéen, le
président américain Barack Obama a évoqué la responsabilité commune
dans lexploitation et la déstabilisation de lAfrique. Mais cela ne
doit nullement nous dédouaner de notre incapacité dans la gestion de
notre pays depuis le 30 juin 1960. Il est évident que le Congo ne
pourra pas relever seul les défis auxquels il est confronté. Le souhait
dUnion du Congo, cest que notre pays améliore la coopération avec ses
partenaires étrangers. Jespère que le souhait du président Obama se
concrétisera, sagissant des partenaires africains des États-Unis.
Encore faut-il que nous soyons capables de définir un vrai projet de
société pour le Congo du troisième millénaire et de le mettre en
pratique sans céder à une quelconque menace brandie depuis lextérieur.
En effet, nous devons devenir les premiers gardiens de nos intérêts.
4. Que proposez-vous pour changer le cours des choses au Congo ?
La violence dans notre pays représente une force politique, une
variable dajustement pour conserver le pouvoir ; lappartenance
ethnique étant privilégiée au détriment du projet politique. Si en
1994, Kinshasa na pas été capable de prendre une décision commune sur
laccueil des réfugiés rwandais, cette absence de vision commune se
reproduit dans létat-major des FARDC en proie à linexistence du
commandement vertical. Primo, nous devons nous focaliser sur
lincapacité dans laquelle se trouve le Congo à prendre en main son
destin en palliant labsence de vision commune des leaders congolais,
laquelle affaiblit lautorité de lÉtat ; en résolvant en urgence le
problème des FDLR pour enlever tout prétexte au président rwandais
relatif à une éventuelle menace à partir du territoire congolais ; en
réglant très vite les différents petits conflits ethniques pour
empêcher nos voisins de continuer de fragiliser notre pays. Secundo, il
est nécessaire de faire du Congo un État laïc à part entière, aussi
bien en droit que dans les faits, la laïcité devant être un cadre
institutionnel. Tertio, nous devons à court terme créer deux brigades
pour sécuriser la frontière de lEst, juste celle avec le Rwanda.
5. Avez-vous une ambition nationale ?
Je nai jamais été associé à la gestion de la chose publique
congolaise. Mais, jai appris en France à gérer une grande
agglomération et un État. Un Congolais disposant dun tel atout, et qui
de surcroît aime son pays, ne peut que se mettre au service de ses
compatriotes. Jestime que le moment est venu de vaincre les obstacles
qui hypothèquent lavenir de notre pays. Jai la ferme intention
dassocier davantage le peuple Congolais, selon le mérite et à la
compétence, à la gestion de la chose publique. Simpose donc une autre
dynamique en RDC. Notre pays a plus que jamais besoin dun leader dont
le souffle donnera à nos compatriotes lirrésistible envie de se mettre
en mouvement. Comme je pense en avoir létoffe, je me permets de
demander au peuple congolais, en tant que Souverain, de moffrir
lopportunité de mettre en place un projet de société cohérent. Oui,
jai une ambition nationale. Une ambition collective pour réinventer la
manière de faire de la politique et rendre possible une alternative
crédible. Je compte faire émerger un projet de société davant-garde
fort, humaniste et fraternel. Voilà pourquoi, en ma qualité de
président dUnion du Congo, jai établi la feuille de route pour le
Congo du troisième millénaire.