Hillary Clinton en RD Congo. Alors quoi ? Lettre ouverte aux filles et fils de notre peuple (JP Mbelu)

 

 

Soit dit en passant, qu’est-ce qui poussent certains
d’entre nous à croire que notre salut nous viendra de quelque pays occidental
que ce soit, et par-dessus le marché des Etats-Unis ? Qu’est-ce que Barack Obama
peut changer de substantiel à « la voie américaine » après les administrations Reagan, Clinton et
Bush (père et fils) ? Pas grand-chose. Cela d’autant plus que ce n’est pas le
Président américain qui décide des lignes maîtresses de la politique américaine.
Et même pas le Congrès ! Ce sont les chefs d’entreprises multinationales et
leurs lobbies qui décident et l’Etat s’exécute. Il semble que ces choses si
simples ne soient pas les plus partagées dans certains milieux congolais. Il
suffit qu’il y ait des élections aux Etats-Unis pour que certains fils et
certaines filles de notre peuple puissent rapidement croire que la politique de
ce pays pour le nôtre va changer. Or, au jour d’aujourd’hui, des doutes sérieux
pèsent sur l’opportunité des élections au pays de Barack Obama.  En 2000, G.W. Bush a gagné contre Al Gore après l’interdiction de compter les voix en Floride. Pour L. Canfora, « ce coup
d’Etat (c’est ainsi qu’en a parlé Al Gore lui-même à l’un des moments les plus
chauds de ce long bras de fer) est
inédit dans l’histoire des Etats-Unis. Et, comme il s’agit des patrons de la
planète, aucun organe de presse qui compte, dans une Europe stupéfaite, n’a osé
proclamer haut et fort la vérité atterrante : une vérité qu’ils auraient hurlée
s’il s’était agi d’un autre pays ». L.CANFORA, L’imposture démocratique. Du procès de
Socrate à l’élection de G.W.Bush
, Paris, Flammarion, 2002, p.33) Mais
quel en était l’enjeu ? « Des forces puissantes exigeaient ce président-là et, d’une façon ou d’une
autre, devaient l’obtenir. La comédie électorale s’était déroulée tant bien que
mal. Le jeu s’était bloqué, mais cela ne devait en aucune façon modifier le
résultat attendu
 ». (Ibidem. Nous
soulignons)

Voilà ce que semble ignorer plusieurs de nos
compatriotes. Noam Chomsky  va même plus
loin. En 2000, il y a eu fraude électorale. Pour lui, « il y en a depuis toujours. John F. Kennedy, par exemple, a
apparemment été élu grâce à une fraude à
Chicago, qui lui a permis de remporter l’Illinois. Mais le vrai problème est
beaucoup plus sérieux : il n’y a pas d’élection, en fait.  Quand on a deux candidats dont les chefs de
leurs partis déguisent les positions, s’ils en ont, pour
que la population ne sache pas quels sont les enjeux et soit leurrée par
l’image
, on obtient notre résultat habituel, une sorte d’égalité
statistique ». (N. CHOMSKY, L’ivresse
de la force. Entretiens avec David Barsamian
, Paris, Fayard, 2008, p.
64) Avant d’applaudir le passage de la Secrétaire d’Etat Américain chez nous,
certains de nos compatriotes ne feraient-ils pas mieux de se poser ces deux
questions : « L’administration à laquelle appartient cette dame, de qui est-elle
la fabrication. De qui Barack Obama est-il « la marque
déposée » ? »

Revenons un peu à notre histoire avec ce « grand pays »,
les U.S.A. « En 1961, les Etats-Unis avaient décidé d’assassiner le leader
nationaliste congolais Patrice Lumumba parce qu’ils ne voulaient pas que les
Congolais contrôlent eux-mêmes leurs richesses. En 2001, écrit Cynthia McKinney, j’ai découvert que certains
pays, dont les Etats-Unis et le Rwanda, ne supportaient plus Laurent-Désiré
Kabila depuis qu’il avait pris la décision de se débarrasser des soldats
rwandais qui occupaient son pays, en même temps qu’il changeait de partenaires
miniers. Le 16 janvier de cette année-là, il était assassiné (…). Depuis sa
disparition, les Etats-Unis et certains pays européens continuent de surveiller
de près les richesses du Congo et à fermer les yeux sur les massacres à grandes
échelle dans ce pays ». (C. ONANA , Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie
congolaise, Paris, Duboiris, p.8-9) Lesquels massacres sont commis par « les
tueurs tutsi » (formés par les
militaires US) et leurs alliés.

Relire cette histoire et croire un seul instant que les
Etats-Unis peuvent venir au chevet de notre pays, c’est délirer. Ce pays comme
beaucoup d’autres pays occidentaux instrumentalisent « les élites politiques »
des pays africains en en faisant des vassaux à leur service. Et un point. Le
reste n’est que rhétorique pour amuser les esprits faibles et
ignorants.

Nous mettons au défi quiconque de nous citer cinq pays
que les Etats-Unis ont aidé à se prendre en charge et/ou à se débarrasser des
dictateurs les gérant pendant les cinquante dernières années. Les pays qui ont
étudié et compris le rêve impérialiste des U.S.A sont en train de couper le
cordon ombilical en vivant au sein de l’ALBA (alternative bolivarienne pour les
Amériques
). Et les U.S.A. leur mènent la vie dure. Le dernier coup d’état
perpétré contre le président hondurien ne serait pas étranger au désir du pays
de Zelaya (le Honduras) de rejoindre l’ALBA. Pourquoi ? Parce que cela est exclu
des trois impératifs géostratégiques des Etats-Unis : « Eviter les collusions entre vassaux et les
maintenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la
docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares de former des alliances
offensives
 ». Barack Obama ne pourra rien changer  à ces impératifs géostratégiques concoctés par
Zbigniew Brzezinski, ex-conseiller de la Sécurité nationale de Jimmy Carter.
 Tous ceux qui ne s’inclinent pas devant
ces impératifs sont et seront qualifiés
de terroristes et de populistes (à abattre). Sur ce point, l’Europe n’est pas du
tout différente de son maître : les U.S.A. Contrairement aux apparences. Ils souffrent de la pathologie rivalitaire et sont pris en otage pour
les entreprises multi et transnationales ne jurant que par le jeu de la
concurrence.

Filles et fils de mon peuple, lisez, lisez, vous
applaudirez moins les discours et serez disposez à vous battre pour votre
liberté. Voici une proposition (et non une imposition) de quelques livres à
consulter ou à lire avant d’applaudir à la rhétorique des U.S.A.  et de leur
diplomatie:

M. COLLON, Les 7
péchés d’Hugo Chavez
, Bruxelles, Investig’action,
2009

M. COLLON, Bush le cyclone, Luxembourg,
2005

J. E. STIGLITZ et L.J. BILMES, Une guerre à 3000 milliards de dollars, Paris, Fayard,
2008

N. CHOMSKY, L’ivresse de la force. Entretiens avec David
Barsamian
, Paris, Fayard, 2007

N.CHOMSKY, Les
Etats manqués. Abus de puissance et déficit démocratique
, Paris, Fayard,
2006

N. CHOMSKY, La
doctrine des bonnes intentions
, Paris, Fayard,
2005

N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète,
Paris, Fayard, 2004

E. TODD, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain,Paris, Gallimard,
2002

P. BARCYETSE, L’enjeu géopolitique des transnationales
minières au Congo. Un dossier de vzw sos Rwanda-Burundi
asbl

C. ONANA, Ces
tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise
, Paris, Duboiris,
2009

Filles et fils de notre peuple, « il ne faut pas vous
arrêtez de lire, sinon vous allez perdre tout ce que vous avez appris ». Et vous
applaudirez à n’importe quoi. Cela d’autant plus que « comprendre, c’est déjà
agir ».

 

J.-P. Mbelu

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