JP Bemba – Pourquoi fait-il autant peur ? (G. Adouvi)

 

Le box des accusés à moitié vide

L’homme, anciennement Chef de guerre,  il a créé  en 1998 le Mouvement
de Libération du Congo (MLC) et son bras armé, l'Armée de Libération du
Congo (ALC) avec le soutien des troupes ougandaises, s’est reconverti
en homme politique sérieux et fréquentable. Mieux, il suscite crainte,
espoir et admiration au sein du peuple congolais et dans la sous
région.

Selon
le procureur de la CPI, les Nations-Unies et la communauté
internationale européenne, il aurait ordonné et planifié la destruction
de l'économie centrafricaine, le viol de 3.000 femmes et plus de 500
assassinats. Il aurait surtout encouragé aussi le cannibalisme au sein
de ses troupes. Des allégations que la confusion médiatique du dossier
et la versatilité des témoignages ne permettent pas d’étayer. Bien sûr,
la Belgique, les Nations-Unies et la CPI peinent à  prouver tout ça
depuis des années. Ni la qualité des témoins, ni les circonstances
troubles de l’intervention des hommes de Bemba en Centrafrique, ni la
qualité du parrain Kadhafi – jamais inquiété dans cette affaire – ni le
mutisme du protégé d’alors Ange Félix Patassé, depuis débarqué par
Bozizé et en exile doré au Togo,  n’aideront à apporter des preuves
tangibles et irréfragables des accusations pouvant conduire à la
qualification des crimes en génocide ou crime contre l’humanité.

Il y a eu des exactions voire des abominations commises dans un climat
de guerre et de violents combats opposant deux forces armées sur des
populations civiles, c’est indéniable.  Mais, l’on ressens comme une
gêne l’absence des trois personnes citées supra au côté de Jean-Pierre
Gombo BEMBA sur le banc des accusés. Mais qui oserait accusé le Guide
Libyen de quoi que ce soit. Et au nom de quelle justice internationale
et universelle ? Quand à Ange-Félix Patassé n’est-il pas toujours dans
la course en Centrafrique pour la prise armée du pouvoir ou sa
reconquête par les urnes,  au nez et à la barbe de BOZIZE ?

Celui là, il faudra forcement l’inculper de quelque chose afin de le mettre hors d’état de nuire.

Entre-nous, comment J-P BEMBA pouvait-il planifier la destruction de
l’économie centrafricaine au moment du règne de son ami et protégé
Patassé ? En tant que Chef de guerre certes, il avait manqué à son
devoir de surveillance et de discipline envers ses milices qui se
trouvaient en Centrafrique pour aider le pouvoir Patassé en proie à la
violente rébellion conduite par BOZIZE . Ses hommes ont sûrement commis
tous les crimes dont on l’accuse lui aujourd’hui : assassinats, viols,
tortures et vols. De tout cela J-P BEMBA  en est entièrement
responsable mais pas forcement seul coupable. Pour sortir des
fanfaronnades des américains avec leurs frappes chirurgicales dont ils
nous abreuvent depuis la première guerre du Golf, il n’y a pas de
guerre propre. Toute guerre est sale et comporte ou entraîne des dégâts
collatéraux. Toute  guerre a aussi un coût. Et cela, J-P BEMBA a semble
t-il ignorer. Comment ça ? Sa milice recrutée, formée sur le tas, était
sous-payée et archaïquement ou lourdement  armée, elle semblait tout
ignorer du noble art de la guerre – le respect et la protection des
pacifiques populations civiles – ce qu’ont du mal à respecter les
troupes régulières des forces armées africaines sur le théâtre des
affrontements. Alors comme des brutes épaisses les miliciens de BEMBA
ont disposé, usé et abusé des populations civiles pygmées accusées de
connivence avec les troupes ennemies ou de résistance. Des femmes
pygmées obligées, soi disant par les miliciens de BEMBA, à tuer,
cuisiner et puis manger leurs maris avaient témoigné leurs peurs et
désarrois. Tant pis – ou plutôt tant mieux – si les soi disant victimes
devaient réapparaître plus tard sous les projecteurs d’une presse
objective ou non. Peu importe l’amateurisme de J-P BEMBA et ses
miliciens, l’humanité est heureuse de savoir que les hommes pygmées
n’ont pas été bouilli en sauce graine par leurs épouses sous la menace
des « branquignols soldatesques » de BEMBA. L’histoire retiendra que
Patassé fut quand même renversé par le Général François BOZIZE bien
agrippé au pouvoir depuis. Et c’est ce que BEMBA et son armée était
censé empêché. Comme quoi une dictature en cache toujours une autre. Et
BEMBA qui avait du s’exiler une première fois à l’avènement de Kabila
père en savait pertinemment quelque chose. D’ailleurs, il décidera à
partir de cet échec de mettre en sourdine la lutte armée et de
s’orienter dans la branche politique et le débat d’idées, ce qu’il
réussira avec les pourparlers, la réconciliation nationale et le
gouvernement de transition de juin 2003 à octobre 2006 où il occupera
le porte feuille de vice-président de son pays.

A la croisée des ambitions

Le nouveau militant et leader politique civil contre toute attente se
révélera une grande force politique en mouvement ascendant avec une
aura à toute épreuve. Il fascine et inquiète aussi. Le Prince
héréditaire Kabila Joseph trouve un sérieux adversaire à sa taille.
L’élection présidentielle de 2006 ne fut pas gagnée au premier tour
comme on l’espérait  du côté du pouvoir en place. Le second tour
n’avait aussi rien d’une promenade de santé, alors on commence
forcement à s’énerver, à s’inquiéter d’autant que l’adversaire peut
renouer à tout moment avec ses vieilles habitudes de Chef de guerre
avec des troupes en embuscade. Le pouvoir élève le ton, les milices de
BEMBA et les forces armées régulières s’accrochent ; des bombes
explosent, des mitraillettes et AKM tonnent, la cuisine diplomatique
mitonne de jolies promesses pour l’acheter mais Gombo le milliardaire
sénateur – ayant réussi dans les affaires civiles et militaires n’en a
cure – veut voir clair dans la marmite de la République au nom d’une
aspiration populaire forte. Et ce ne fut pas facile à trouver et à
mettre en place le stratagème qui va  mieux le faire glisser Gombo. Ce
fut laborieux et pitoyable même si ce fut rapide. La cohorte de
conseillers et de stratèges politiques du camp d’en face a fait mouche.
Le nouveau venu n’avait pas vite percuté, mais c’est sûr, il ne refera
pas les mêmes erreurs.

Jean-Pierre
Gombo BEMBA a fait les frais des enjeux de politiques intérieurs
congolais et des jeux des licences et concessions. J-P BEMBA avait
hérité du poste de vice président jusqu’à l’organisation des élections
présidentielles d’octobre 2006 où il parviendra à se hisser au second.
Après sa défaite face à Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba s'était engagé
à mener une « opposition républicaine » au gouvernement de celui-ci.
Son refus de fondre sa garde personnelle au sein de l'armée
gouvernementale, au début de l’année 2007, l'a conduit à un
affrontement direct avec le pouvoir s’en suivra son exil au Portugal
après sa rocambolesque exfiltration, et quelques semaines après, son
arrestation par la police Belge sous mandat délivré par la CPI la
veille. Quelle rapidité  alors ? Et dire qu’il en a eu plus chevronnés
en ex-Yougoslavie avec toute une batterie de casseroles qui ont eu le
temps de se transformer et de circuler au nez et à la barbe de cette
police internationale. C’est vrai qu’avec sa stature imposante – 1m90
et près de 130 kg  peut-être – Gombo aurait du mal lui à réussir sa
métamorphose afin de passer incognito. Peu importe, on lui a laissé
aucune chance à lui

 L’opinion nationale congolaise, l’opinion
internationale africaine sait très bien que c’est au prix d’une
relative stabilité intérieure sous fond d’intérêts économiques et
stratégiques que l’ arrestation  de J-P BEMBA a été coordonnée et
décidée par la Belgique ancienne puissance coloniale. Une Belgique qui
était aux trousses de J-P BEMBA  un pur produit du système belge et
européen avec un parcours universitaire et professionnel exemplaire,
son enfant malade qui en avait assez de rester dans les rangs et de
cautionner le pillage éhonté des ressources de son pays d’origine la
RDC par le colon belge et la dérive monarchique sans alternative
républicaine du régime Kabila père, et il a pris ses responsabilités.
 J-P
BEMBA a été donc curieusement arrêté en Belgique par la police de ce
pays  qui l’a rendu sans autres formalités à la CPI – Cour Pénale
Internationale – . Une CPI qui après avoir tournée en rond tel un
écureuil dans une cage en se mordant la queue, a finalement conclu à la
requalification des charges contre BEMBA. Et ironie du sort, c’est au
moment où le peuple congolais meurtri et blessé dans son amour propre,
commençait, par ces temps de crises diverses, à ressentir la cruelle
cessation d’activité de l’opposition congolaise – devenue amorphe
depuis la mise aux arrêts de BEMBA – et face aux actions de
mobilisation et de résistance des diasporas congolaise, que la CPI
après des mois et des mois de manœuvres dilatoires avec des reports
d’audiences en cascade sous des prétextes familiaux, fallacieux et
fantaisistes des juges et autres intermédiaires, envisage la libération
provisoire de BEMBA. Mais pourquoi une libération provisoire alors que
sans risque aucun on pourrait l’élargir tout de suite en abandonnant
les charges contre lui pour des raisons que nous savons tous.
Jean-Pierre Gombo BEMBA est sénateur et Chef de l’opposition de la RDC
et sa place est auprès de son peuple pour qui il est prêt à tout moment
à se dévouer. Les cyniques marchandages sur son pays d’accueil dans
l’éventualité d’une liberté provisoire n’auraient pas lieu d’être si la
CPI avait décidée de se comporter comme une institution internationale 
respectable et respectueuse des droits de l’homme et des peuples. La
Belgique et tout le conglomérat  de pays de l’Union Européenne
pourraient refuser de l’accepter sur leur territoire par solidarité au
pouvoir Kabila. Mais tous les pays africains qui ont refusé
d’accueillir Jean-Pierre Gombo BEMBA ont justement peur de l’effet
d’émulation du phénomène BEMBA sur leur sol, car les rares démocraties
du continent qui se ferment à BEMBA ne sont pas en réalité de vraies
démocraties. Et malheureusement, les autres pays – plus nombreux – à la
solde d’autocrates tropicaux ont peur à juste titre pour la pérennité
de leur régime dictatorial.

Une Autre aventure

Le combat de BEMBA c’était d’aller soutenir un régime démocratiquement
élu – celui de PATASSE – en difficulté, qui le lui a demandé. C’est
aussi de porter les aspirations politiques, économiques et idéologiques
de tout un peuple – congolais, le sien – en donnant l’exemple qu’il
pouvait négocier et conduire aussi la paix. Une paix qui n’a été
possible en RDC que grâce à la volonté et à l’implication personnelle
de Jean-Pierre BEMBA qui reste très populaire et très influent à
Kinshasa, dans l’Equateur, dans le Bas-congo, le Bandundu et dans le
Kasaï. Et certaines de ces populations qui ont déjà eu à prendre leur
responsabilité en se lançant dans de sombres aventures avec des Chefs
de guerre , désarmées de patience, elles se détourneront vite de la
voie de la légalité et du dialogue tracée par BEMBA et autres
pacifistes et démocrates du pays : la recherche de solutions politiques
par le dialogue politique aux problèmes de société ; au profit sûrement
de la lutte armée avec ses corollaires comme on en a connu dans la
région. Aucune puissance coloniale, aucune institution internationale
ne peut délibérément décider de barrer la route à la volonté d’un
peuple de réaliser l’alternance et de choisir librement son leader ou
son mode de gouvernance.

Jean-Pierre
Gombo BEMBA a vite compris l’importance de la pacification et de
l’ancrage national de son mouvement – qui de toute façon a vu son
influence et sa vague de sympathisants dépassées le seul mur du Congo
RD – avec un discours plus policé axé sur les perspectives analytiques
réelles, politiques, économiques et sociologiques du pays et du
continent. C’est pour ça qu’il  fait autant peur aux colons belges et
au roitelet de Kinshasa et leurs affidés. Aujourd’hui encore J-P BEMBA
est bien le seul à même de battre à la prochaine échéance
présidentielle le candidat du conglomérat americano-belgo-européen –
Kabila qui aurait déclaré récemment être à la recherche de 8 ou 15
personnes compétentes pour redresser le pays. C’est sûrement des
compétences qui font défaut dans son entourage immédiat à Kabila, c’est
vraiment triste pour le Congo RD qui regorge pourtant de compétences
comme de minerais -. 8 ou 15 congolais compétents ? Sans être
congolais, je lui en référerai, les yeux fermés entre 80 et 150
congolais de l’intérieur comme de l’extérieur hyper compétents,
qualifiés et de bonne moralité sans être forcement du MLC, « Bembistes
» ou de l’opposition. A quand cessera alors l’auto-dévaluation sous nos
tropiques ?

Il serait de bon aloi que J-P Gombo BEMBA, quant à lui,  garde à cœur
de faire dans le futur une action humanitaire d’envergure  de
réparation à l’endroit des populations des villages ayant souffert des
méfaits et des exactions de ses miliciens. Le Congo, l’Afrique entière,
le lui rappellera au moment opportun. Comme quoi la repentance aussi
est une affaire personnelle et permanente et en bon chrétien il devrait
le savoir.

30 juillet 2009
Par Guillaume ADOUVI
www.sikainfo.com

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