10.08.09 Le Potentiel: Cinq questions à Jean-Claude Vuemba, par DIOSSO OLIVIER

 

1. La secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton, arrive
à Kinshasa, sauf imprévu, ce lundi 10 août 2009. Selon vous, pourquoi
l’Administration Obama a-t-elle choisi la RDC, le seul Etat francophone
parmi les pays retenus pour cette tournée en Afrique ?

Tout d’abord, c’est une bonne chose lorsque de fortes personnalités
du monde viennent au Congo. C’est ce qui prouve que l’intérêt du Congo
est redevenu celui qui a toujours été le sien depuis toujours. Surtout
lorsqu’il s’agit de décideurs. Comme vous le savez, les Etats-Unis
d’Amérique sont un grand apparat du Congo et qui n’ont fait que
transférer à la Belgique leur droit de regard sur la RDC. En
définitive, ce sont les Etats-Unis qui gèrent le Congo et qui ont l’œil
sur ce pays. Nous savons tous que la visite de Mme Hillary Clinton
n’est dictée que par des intérêts diplomatiques, financiers et
économiques. Les USA étaient-ils favorables à l’exclusivité de
l’exploitation de l’uranium congolais par la société française Areva ?
Non. Et maintenant qu’il semblerait que la délimitation des frontières
congolaises soit reconnue officiellement, l’enjeu prioritaire pour les
Américains est celui lié au problème de coltan, de manganèse…

2. Que peuvent attendre les Congolais de cette visite ?

Les Congolais, au nom de qui je parle en tant que député national,
aimeraient que la secrétaire d’Etat américain se rende compte de la
situation des droits de l’Homme, des droits sociaux, des activités
politiques et de la mauvaise gouvernance de l’exécutif congolais. De un
: il faudrait demander au chef de la diplomatie américaine d’amener le
gouvernement congolais à libérer tous les prisonniers politiques et
d’opinion. Je vois en tête l’archbishop Kutino Fernando et Norbert
Luyeye. De deux : que les activités politiques reprennent. Comme, par
exemple, la coalition que nous venons de monter organise une marche sur
toute l’étendue de la République le 17 août 2009, laquelle ne devra pas
nous être refusée parce que cela est garanti par la Constitution. De
trois : la mauvaise gouvernance est à la base de la descente du pays
aux enfers. La misère est devenue accrue. Je souhaiterais que Mme
Clinton se rende à la morgue de l’hôpital général de référence de
Kinshasa pour se rendre compte du nombre de corps qui y sortent ou qui
y sont déposés au jour le jour. Tout ceci parce qu’il y a mauvaise
gouvernance. Faute d’argent, les gens meurent au Congo, même pour moins
d’un dollar américain. Et de quatre : la corruption gangrène tellement
la société congolaise, si bien que le président de la République prône,
aujourd’hui, la tolérance zéro. Il faudrait que la secrétaire d’Etat
américain félicite ce dernier et le pousse à aller de l’avant pour que
la corruption soit éradiquée à tous les niveaux, y compris le
gouvernement. De cinq : nous savons tous que c’est l’uranium et le
coltan, notamment, qui attirent. Mais il faudrait que les Congolais
bénéficient de retombées de l’exploitation de ces minerais dont
l’exportation devrait s’opérer à partir de la RDC et non des pays
voisins.

3. Le passage de la secrétaire d’Etat américaine en RDC
coïncide avec la dernière déclaration du président rwandais, Paul
Kagame, relative à sa nouvelle offre pour la traque des FDLR dans les
provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Quel commentaire faites-vous à
ce sujet ?

Les FDLR sont une rébellion en RDC qui en a connu sept à huit. Les
Congolais ont fini par se mettre autour d’une table à Sun City en
Afrique du Sud et les armes se sont tues. Pourquoi M. Kagame ne
favoriserait-il pas une réconciliation entre Rwandais ? Si Kagame
trouve qu’il est impossible d’organiser un dialogue inter rwandais dans
son pays, il n’a qu’à solliciter l’hospitalité des Congolais pour tenir
ces assises en RDC qui en a déjà l’expérience.

4. Le président Joseph Kabila vient de rencontrer son
homologue rwandais à Goma. Que pensez-vous de leurs entretiens portés
notamment sur la sécurité dans l’Est de la RDC, le développement
sous-régional, le CNDP et le cas Nkunda ?

J’ai été frustré, meurtri en suivant le président Paul Kagame
déclarer qu’il n’y aura plus de Nkunda et du CNDP au Congo. Voilà
quelqu’un qui reconnaît à la face du monde que c’est lui l’instigateur
de toutes les rébellions, de l’AFDL au CNDP. Je suis l’interprète de
huit millions de Congolaises et de Congolais qui en sont morts. Kagame
doit demander pardon au peuple congolais pour ces millions de Congolais
disparus. Tant qu’il ne l’aura pas fait, les Congolais lui en tiendront
toujours rigueur. A noter que la réparation devra suivre le pardon, au
cas celui-ci est sollicité. De la même manière, nous exigeons de toutes
les autorités congolaises qui ont eu à endeuiller le peuple rwandais de
faire le chemin de Canossa. Ils devraient, eux aussi, aller demander
pardon à ce peuple. Enfin, nous demanderons non seulement un plan
Marshall pour le Congo parce que la communauté internationale ne peut
pas nous laisser avec huit millions de morts et un tissu économique
désargenté au profit du Rwanda. Mais aussi la renaissance de la CEPGL
devant être un cadre de consultation politique, économique, financier
et de développement.

5. A propos de la révision du fichier électoral et de
l’enrôlement en cours tout vous paraît-il normal ou avez-vous des
reproches à formuler à l’endroit de la CEI ?

La première remarque est que les moyens n’ont pas été suffisants
pour l’organisation de cet enrôlement. Les bureaux sont pris d’assaut
par une foule nombreuse. Et les gens se bousculent pour se faire
enrôler. De sorte que certains sont fatigués et rebroussent chemin sans
avoir accompli ce devoir civique et cela prend du retard. Nous
demandons au Premier ministre le prolongement de cette opération
jusqu’à la fin du mois d’août. Concernant les anomalies, elles sont
nombreuses. Certains candidats à l’enrôlement se présentent avec des
photocopies de leurs cartes d’électeur, d’autres se voient attribuer un
numéro autre que celui obtenu auparavant. Nous pourrons en parler plus
tard.

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