Les chaînes de l enclavement géographique (M. Yabili)
Lire: "Introduction minière, pas mineure" http://congograndbeauetrichepays.over-blog.com/article-32309887.html
Quatre facteurs ont concouru à la réputation séculaire de « scandale
géologique » katangais. Côté positif, il y a trois atouts : les
ressources minières katangaises sont 1° abondantes en quantité, 2°
diversifiées par une large gamme de minerais et, surtout, 3° très
riches en teneurs minérales. Au revers de la médaille, la région
minière est enclavée et très éloignée des ports maritimes d
exportation. Contrairement à l or et au diamant, les métaux katangais
sont lourds et volumineux et ne peuvent être évacués que par la voie
terrestre et maritime. Les distances et les délais de livraison aux
consommateurs internationaux représentent ainsi des charges très
lourdes. Ces coûts dissuasifs n ont pu être surmontées que par les
surprofits découlant des 3 facteurs positifs : abondance, diversité et
fortes teneurs.
Traditionnellement, les minerais katangais ont une seule porte de
sortie nationale par le port de Matadi ( rail-fleuve-rail, soit deux
ruptures de charge) et quatre postes frontaliers: Dilolo (rail) qui
ouvre sur l Angola, Kalemie (rail-lac et une rupture de charge) sur la
Tanzanie, Kasumbalesa (route) et Sakania (rail) sur la Tanzanie,
lAfrique du Sud et le Mozambique, via la Zambie, le Zimbabwe et le
Botswana. Actuellement, seules Sakania ( rail) et essentiellement
Kasumbalesa (route) sont opérationnelles.
La vie la plus courte et la plus rapide est Lobito ( actuellement
inexploitable) qui est distant de 1800 Km avec un cours de route de 15
jours. Matadi ( non exploité) faisait 2.626 Km et 20j. Dar es Salam
via Kalemie faisait 2700 Km en 30 jours, mais actuellement, Dar Es
Salam est plus court et accessible par route. On compte 30 jours pour
les ports sud africains de Durban et Richards Bay. Le Mozambique n est
plus sollicité.
L enclavement et les distances de transport
portent le coût de mise à port à environ 90% plus cher que pour les
autres producteurs qui opèrent sur le front maritime. Il faut environ
200 USD la tonne rendue Dar Es Salam et environ 235 USD pour Durban. A
cela s ajoutent les distances et le fret maritime jusqu aux clients.
Par ailleurs, les délais d acheminement pénalisent la
commercialisation avec des délais de livraison plus longs ou incertains
et avec les surcharges financières souvent inévitables en cas de
préfinancement. Les clients chinois, par exemple, paient les minerais à
l arrivée en Chine.
préoccupations de l' enclavement sont même originelles. Stanley avait
lancé que " sans chemin de fer, le Congo ne vaudrait pas un penny".
Lors des débats parlementaires belges pour le lancement de l' Union
Minière en 1906, on s' était inquiété qu' un transport de métaux à
longue distance n' aboutisse à vendre à perte. La première exportation
de cuivre katangais avait mis près d' une année pour atteindre la côte
Atlantique. Etc
Mais actuellement la priorité est au transport routier, ce qui renie
tous les principes et toutes les traditions de l exploitation minière
congolaise qui ont reposé sur le rail. En effet, tout le transport
minier était ferroviaire tant à l exportation que pour les liaisons
locales entre les sites d extraction et de traitement des minerais. Le
trafic minier ferroviaire local représentait trois fois le volume des
exportations, jusqu à 1,5 millions de tonnes/an pour 300 millions de
tonnes-kilomètres. De plus, la clientèle minière soutenait les
investissements pour le transport ferroviaire intérieur des personnes
et des autres produits. Le rail était l épine dorsale du développement
du pays.
Sur cette question, les contradictions sont multiples. L Etat laisse
l implantation de projets miniers avec leur propre logique d
exportation par route routière et par le plus court trajet à l
intérieur du pays. Le problème est quon installe des solutions
provisoires dans le définitif. Ainsi, le projet de l autoroute de
Kasumbalesa qui devrait pouvoir exporter jusquà 2 millions de tonnes
par an, alors qu il est évident que les routes et les pays de transit
ne pourront jamais supporter un tel accroissement de trafic routier.
D un autre côté, les projets laissent à l Etat , seul, la charge des
investissements ferroviaires, et cette contribution n a jamais été
prise en compte dans les partenariats où la RDC est très minoritaire.
On imagine mal comment l Etat contraindrait ces opérateurs, comme par
le passé, à partager la charge du réseau ferroviaire et fluvial
national. Enfin, les fameuses infrastructures ferroviaires du Contrat
Chinois n accompagnent pas la relance minière et se situent à l
horizon 2020, dans la deuxième tranche des financements attendus de
Pékin.
Ainsi le premier défi de l exploitation minière industrielle est de
rétablir le rail dans sa priorité en termes d effets d entraînement
sur le développement intérieur, et de rentabilité commerciale si on lui
applique la tarification internationale(*) et son moindre impact sur l
environnement ainsi que sur le contrôle des flux miniers.
( A suivre)
Marcel YABILI sur http://congograndbeauetrichepays.over-blog.com/article-34837066.html
(*)
Par le passé, le trafic ferroviaire avait abusé de sa rente de
monopole, jusqu à facturer le transport minier à près de 4 fois plus
cher que dans les pays de transit.