Les Gabonais ont-ils raisons daccuser la France dingérence? (Konde Nzuka)
Juste une petite histoire : depuis le décès de lIvoirien Félix
Houphouët-Boigny, fin 1993, Omar Bongo avait repris vaillamment le flambeau
dune «Françafrique» en déclin. Doyen des chefs dEtat sur le continent, le
président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, a quitté la terre des vivants le
dimanche 7 Juin des suites dun cancer aux intestins dans un hôpital de
Barcelone. Il avait 73 ans, et en avait passé plus de quarante au pouvoir, sans
coup dEtat. Un record. Propulsé en 1967 à la tête du petit émirat pétrolier du
Golfe de Guinée, ce petit homme aux lunettes noires aura connu et fréquenté pas
moins de six présidents de
République
dun autre temps et de ténébreux réseaux franco-africains, se rendit sans
broncher à Libreville pour son premier voyage en terre africaine, en juillet
2007. Le soir de son élection, Nicolas Sarkozy avait dailleurs appelé un seul
dirigeant étranger, avant même la fermeture des bureaux de vote, pour le
remercier pour ses «conseils»:
Omar Bongo. Ce dernier était loin dêtre seulement un serviteur zélé de la
«Françafrique». Bongo était aussi un fin connaisseur de la scène politique
hexagonale, qui avait su se rendre indispensable en se créant un réseau
dobligés à Paris, de droite comme de gauche. La rupture prônée par la nouvelle
classe politique française na pas
résisté face aux intérêts pétroliers de ce pays. La « rupture » sest
transformée en continuité aveugle. Parti Omar, voilà la presse française qui se
fait porte-parole dun autre Bongo mais cette fois-ci de prénom Ali.
Jai assisté ou nous avons assisté à une propagande
indigeste des médias français qui donnaient Ali pour favori à succéder à son
père. Sur quelle base ? Il suffit découter ou regarder france24, RFI, BFM
TV, Télésud et les quotidiens écrits… tous se sont levés pour soutenir Ali
pendant quaucun sondage nétait disponible pour tester la popularité des
candidats dans lopinion gabonaise. Comment pouvaient-ils (les médias français)
soutenir lélection dAli Bongo au moment où ce dernier était impopulaire même
haï par les Gabonais ? Nous savons tous que le vote en Afrique est avant
tout un vote ethnique et après tribal. Rarement les africains noirs votent pour
le programme dun parti politique. Chez nous les africains, on voit en premier
lieu lhomme de son ethnie, de sa tribu et après de sa province. Cest une
triste réalité mais elle est lessence,
le noyau de la démocratie africaine. Je serais daccord si ces médias
soutenaient lélection dAli Bongo à travers un coup dEtat électoral vue la
représentativité et la ramification sur léchiquier national du parti démocrate
gabonais. Un parti qui sest octroyé tous les secteurs de la vie publique
nationale : larmée, la fonction publique, les télécommunications, les
services de sécurité et de renseignement sont tous détenus par le PDG. Sur ce
point je suis tout à fait daccord de dire que le fils héritier dOmar Bongo
pouvait prétendre voler aux Gabonais leur victoire. Mais quand on va soutenant
la thèse selon laquelle il a gagné parce quil a été voté par les Gabonais
cest de linjure pure et simple à la « démocratie » gabonaise et à
toute lAfrique. Jose croire que les Gabonais méritent mieux que la tricherie
dont ils sont victimes. Ils ne peuvent accepter la pérennisation dune
monarchie républicaine dans un pays, le Gabon comme dans toute lAfrique
francophone à exception près de certains pays , qui na jamais connu une vraie
alternance politique. Jose croire aussi que les Gabonais ont raison davoir un
comportement anti-français pour les motifs exposés ci-haut. Pire encore. Après
le vol, les autorités françaises se permettent dappeler les deux principaux
candidats malheureux au calme. A quoi bon ont servi ces élections ? le
Gabon étant une monarchie républicaine cautionnée par
juste après la mort du Roi Omar Bongo, introniser le Prince Ali Bongo I au
poste laissé vacant par son père en lieu et place de gaspiller de largent qui
pouvait servir à autre chose beaucoup plus importante que cette mascarade
délections. Ce qui est sûr cest que le destin du Gabon appartient aux
Gabonais en paraphrasant le Président américain Obama.
Cest à eux de décider de leur avenir. Cest la
résistance qui leur donnera la victoire finale. Même si aujourdhui Ali massacre,
tue, emprisonne, nul je dis bien nul ne pourra arrêter la rage du peuple. Hier
cétaient Kabila et Faure. Aujourdhui
fils de Paul Biya, Sassou, Wade, Idriss Deby, Blaise Compaoré, Bozize… au
diable la démocratie en Afrique. Cest le moment de couper le cordon ombilical
de la passation de pouvoir du père au fils. Mais pourquoi seulement lAfrique
francophone qui souffre des monarchies républicaines?
Ecrit par Konde Nzuka