Droit de vote, double nationalité et contribution économique des Congolais de létranger à la reconstruction de la RDC (Mwayila TSHIYEMBE)
Introduction
Cest
une première quun parti de gouvernement, en loccurrence le PPRD,
organise une université dété à Paris ;
et cest également une première, quil décide dy inviter les intellectuels
congolais non encartés au PPRD et à lAMP.
Pour
ce faire, quil me soit permis, au nom de la Fédération des Congolais de létranger (FCE), de remercier les
dirigeants de PPRD-France de leur
invitation, à cette UNIVERSITE DETE PARIS
2009.
Il
ma été demandé par ailleurs, de mettre
en débat, plusieurs sujets en un, à savoir : la double nationalité, le droit
de vote des Congolais de létranger ainsi que leur contribution économique à la reconstruction de la RDC.
Cependant,
je ne sais si le laps temps qui nous est imparti, permettrait daborder sur le
fond, les tenants et les aboutissants de cette complexité.
De
peur que le temps ne nous manque, jesquisserai dans le premier temps, la signification
du droit de vote des Congolais de létranger, comme lun des fondements de
la citoyenneté, cest-à-dire un cordon ombilical attachant
politiquement la patrie à ses descendants,
pour le pire et pour le meilleur.
Il
sagit dun droit constitutionnel
que nul ne peut abroger, sans
remettre en cause le caractère
démocratique et républicain de
lEtat congolais.
Ceci
explique pourquoi, lorsque le gouvernement
de transition a décidé de ne pas installer les bureaux de vote dans les
ambassades et consulats, en vue dy organiser les élections législatives et
présidentielles de 2006, toutes les hautes autorités de lEtat contactées par
la FCE à Kinshasa, pour faire le point sur cette question, ont réaffirmé que le
droit de vote des Congolais de
létranger nétait pas remis en cause.
Selon
le Gouvernement, le Parlement et la CEI
(Commission électorale indépendante), en effet, cette décision était fondée sur
les motivations logistiques et
financières.
Lorsque
la FCE a rendu compte de ces entretiens dans la presse locale et dans la
diaspora, nombre des Congolais de létranger ont exprimé leur colère, estimant avoir été victimes des rivalités dintérêts et dalliances
déchirant à lépoque, le leadership
pentagonal de 1+4.
Bien
entendu, la fin de la transition a
permis lavènement dun gouvernement démocratiquement élu,
quelles que soient par ailleurs les critiques,
et celui-ci préside, voici plus de deux ans, aux destinées de la RDC.
Compte
tenu de ce nouveau contexte, le moins que les Congolais de létranger puissent demander
au Président de la 3ème
République, est que lobstacle technique
soit levé, en donnant les moyens logistiques
à la CEI (Commission électorale indépendante),
afin que les ambassades et les consulats deviennent des bureaux de vote opérationnels, à la
date des élections présidentielles
et législatives de 2011.
A
ce droit de vote des Congolais de létranger, sattache également leur droit déligibilité aux différents mandats
nationaux, en vue de répondre à la demande dégalité
de représentativité de tous les
segments de la nation.
Tel
est le souhait de la majorité des Congolais de létranger, toutes tendances
confondues. Alors, il ne fait lombre dun doute, que la décision de lever cet
obstacle, apaisera le climat civique
dans la diaspora.
Dans
le second temps, je voudrais explorer les pistes de la contribution économique des Congolais de létranger.
Comme
vous le savez, la communauté des congolais des létranger participe, depuis des
décennies, au mouvement de transfert des
capitaux vers la RDC. Les sommes cumulées sont considérables et ils font
partie du chiffre de 17 milliards de
dollars estimés par la BAD (Banque africaine de développement) comme transfert
annuel vers lAfrique.
La Fédération des Congolais de létranger
avait tiré la sonnette dalarme sur ce sujet, voici six ans. Elle a levé loption,
lors de son Congrès de paris (novembre 2008), de constituer un Fonds dinvestissement des Congolais de létranger
pour les PME et les PMI de la RDC, afin
de mettre fin à la dispersion des moyens.
Il
sagit de créer un actionnariat
congolais de létranger, dont le capital aura un impact réel sur linvestissement
direct étranger. Un compte a été ouvert
dans une grande banque parisienne à cet effet, à raison 100 Euros laction.
Banque Crédit
Mutuel
Compte
n°000 204 850 61,
IBAN : FR 76
1027 8060 3900 O204 8504
CCM Paris
Montmartre Grands Boulevards
13, rue des
Abbesses 75018 Paris
Je
profite de lopportunité de luniversité
dété PARIS 2009, pour lancer un appel
à contribution à tous les Congolais de létranger qui souhaitent peser
concrètement sur le destin de notre pays, avec les actes et non pas seulement
avec les mots, de se mobiliser pour ce fonds.
Outre
la constitution de ce Fonds dinvestissement, le Congrès avaient adressé un
mémorandum au Gouvernement congolais, demandant que soit amélioré le climat daffaires des Congolais de
létranger, par des mesures dincitation,
notamment en matière douanière, fiscale, transfert des fonds, réseau
bancaire, attribution des marchés etc.
Ces
revendications ont été reprises au Forum
économique de la diaspora, tenue à Kinshasa, le 20 de ce mois daoût 2009,
en vue de « relancer léconomie nationale avec les investissements de la
diaspora congolaise, estimée à 6 millions dhabitants », selon le
Vice-ministre congolais des Affaires étrangères.
Le
décor étant planté, il me reste à examiner « Les
principes de la nationalité congolaise dorigine et la question de la double
nationalité », afin déclairer les
lanternes des Congolais de
lintérieur et de lextérieur, encore effrayés par ce défi.
En
effet, en énonçant « quil
existe une seule nationalité congolaise » (article 6, constitution de
Luluabourg », les constituants nont fait que répondre aux impératifs
contextuels de sécurité[1] de la République Démocratique du Congo.
Faut-il
le rappeler, laffirmation de lunicité
de la nationalité était impérative en 1964, pour plusieurs raisons :
– la
peur inhérente aux tentatives de sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï (1960),
– des
rébellions lumumbistes de lOuest et de lest (1964),
– le
saut dans linconnu que représentaient les structures fédéralistes nouvellement
mises en place par la constitution de Luluabourg.
Pour
nombre des politiciens, le fédéralisme était
au pire la sécession et la dislocation du Congo ; au mieux, une confédération dEtats souverains, dotés
chacun de sa nationalité.
Dès
lors, la réaffirmation de lunicité
de la nation et de la nationalité a pour objectif dabsorber les forces centrifuges à lintérieur et éviter leurs coalitions à lextérieur. Si bien
que poussés par le même souci, les constituants de Luluabourg ont combattu le cumul des nationalités, de peur quelle
soit lune des sources de déstabilisation du Congo.
La
perte automatique de la nationalité congolaise était considérée comme la sanction suprême voire larme de dissuasion destinée à
décourager les brebis galeuses de la
nation.
Quen est-il de ces
arguments 45 ans après?
Le
monde a changé et la RDC est devenue un pays des migrations, (plus de 2
millions de migrants congolais à létranger, selon les estimations), alors que lesprit du législateur congolais est
encore passéiste.
Moralité,
tous les textes y compris larticle 10 de la nouvelle constitution du 18
février 2006, stipulent que : « La
nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue
concurremment avec aucune autre ».
Pourtant,
cette peur, ne se justifie plus, pour trois raisons au moins :
Primo,
lexistence dune diaspora congolaise authentique
éparpillée sur les 5 continents, est
un atout diplomatique sans précédent pour la RDC et la durabilité stratégique de cette
« tête de pont géopolitique», repose sur la descendance des Congolais
ayant une nationalité étrangère.
Secundo, être
congolais de létranger ne signifie pas être traitre de son pays. En effet, contrairement aux
idées reçues, cest un Congolais de
létranger, en loccurrence, feu Laurent-Désiré Kabila, qui a libéré la RDC de
la dictature, par la « mobilisation militaire externe» alors que la
« mobilisation sociale interne» de la CNS était dans limpasse.
Tertio, la double
nationalité tire son fondement juridique de la nationalité congolaise dorigine
En
effet, que lon se réfère à larticle 6 de la constitution de
Luluabourg daprès lequel : « Il existe une seule nationalité congolaise. Elle est attribuée à toute
personne dont lun des ascendants est ou a été membre dune tribu ou dune
partie de tribu établie sur le territoire du Congo avant le 18 octobre
1908 » ;
Que
lon sadresse à la constitution du 18 février 2006 : « La nationalité congolaise est une et
exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. Est
congolais dorigine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les
personnes et les territoires constituaient ce qui est devenu le Congo
(présentement la République Démocratique du Congo) à lindépendance » ;
Une
vérité cardinale se dégage de ces textes : la nationalité congolaise dorigine est inaliénable, car elle est une
prérogative exclusive des peuples du Congo dits tribus, ethnies ou
nationalités.
Autrement
dit, la nationalité congolaise dorigine nest pas une prérogative de lEtat
congolais, par opposition à la
nationalité congolaise dacquisition par effet de naturalisation, doption, dadoption, de mariage, de naissance et de
résidence, que lEtat congolais peut donner et retirer, selon les principes
quil a fixés lui-même.
Par
conséquent, lEtat congolais est
juridiquement incompétent pour retirer la nationalité congolaise dorigine aux Congolais dorigine ayant
choisi la nationalité dun pays étranger.
Car,
tribus, ethnies, nationalités susmentionnées, sont en fait des nations sociologiques précoloniales, propriétaires collectifs du territoire et des personnes constituant
ce quest devenue la République Démocratique du Congo, à la date de
lindépendance, selon larticle 10 de la constitution du 18 février 2006.
Ainsi,
la nationalité congolaise dorigine est le porte-étendard du droit du sang, du droit du sol, et du droit des peuples, cristallisant la
conscience historique des Congolais, par-delà leur diversité.
Cest
à cet humanisme patriotique que lon
doit labnégation des Congo à défendre la patrie
menacée contre vents et marais, car nous sommes en présence dune nouvelle nation, juridiquement pensée
comme « communauté des citoyens et
des ethnies, exprimant la volonté de
vivre ensemble, pour bâtir un destin, dans la loyauté et le respect de la
différence[2] ».
Dans
la cosmogonie bantoue, qui a inspiré cette conception singulière de la nation
et de la nationalité, en effet, les vivants
et les morts demeurent membres de la tribu, de lethnie, de la nationalité en cause, quels que soient par
ailleurs leur lieu de résidence
(dans le pays ou en exil) et leur statut
social (riches ou pauvres).
Quelle
solution ?
Cest
ici quil sied de souligner la responsabilité
historique du régime de la 3ème
République, héritier politique du kabilisme,
dont la mission sacrée est de remettre
louvrage sur le métier, et régler la
question de la double nationalité, au sens de larticle 50 (alinéa 1, constitution du 18 février 2006), daprès
lequel : « LEtat protège les
droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se trouvent tant à
lintérieur quà lextérieur du pays ».
Et
ce, en cherchant un point déquilibre entre deux principes constitutionnels contradictoires : lun explicite (unicité et exclusivité) lautre implicite (linaliénabilité de la nationalité
congolaise dorigine en tant que prérogative ethnique et non étatique).
Trois
solutions ont été proposées au gouvernement de la 3ème
République par la FCE :
– Soit
supprimer la mention « la
nationalité congolaise est une et exclusive » et confirmer ainsi légalité de tous les congolais devant
la loi (nationalité dorigine ou nationalité dacquisition)
– Soit
maintenir « lunité et lexclusivité »,
quitte à préciser que : « le
principe dunicité et dexclusivité ne
concerne pas les détenteurs de la nationalité congolaise dorigine» ;
– Soit
ajouter une nouvelle reformulation énonçant que : « La nationalité congolaise dacquisition
individuelle par effet de naturalisation, doption, dadoption, de
mariage, de naissance et de résidence, ne peut être détenue concurremment avec
une autre nationalité ».
Si
la majorité PPRD et AMP au pouvoir
aujourdhui, prend à bras-le-corps ce devoir sacré, la question de la double nationalité pourrait être
réglée :
– soit
par la révision de larticle 10 de la
constitution du 18 février 2006 ;
– soit
par loption dinterprétation levée de
commun accord par le Parlement et le gouvernement, demandant à la Cour suprême de justice ou Cour
constitutionnelle, de confirmer le
principe dinaliénabilité de la nationalité congolaise dorigine.
Conclusion
Ainsi,
le droit de vote et déligibilité et
la double nationalité, demeurent les conditions du partenariat stratégique futur
entre la RDC et sa diaspora, dont dépend la pérennité de la
contribution économique des Congolais de létranger à la reconstruction de la
RDC.
De
ces trois conditionnalités, la double
nationalité la variable structurelle
non seulement de lidentité congolaise sur les cinq continents, mais également
de ladhésion des Congolais de
létranger aux partis politiques reconnus ainsi que de lexercice de leur solidarité envers la RDC, sur le long
terme (dici 15 à 25 ans).
Car,
avant dêtre juridique, la double
nationalité est une question éminemment politique :
elle touche la nation congolaise
moderne dans sa substance : cest-à-dire la pérennité du lien charnel
entre la descendance congolaise de lintérieur et de lextérieur.
Le
législateur congolais de transition en a si bien compris lenjeu, quil a
décidé de la soustraire de lemprise du Parlement
de transition dont les membres étaient nommés
et non élus par le suffrage universel.
Y-a-t-il
un Churchill ou un De Gaulle au PPRD pour pousser le
gouvernement à faire des choix difficiles ? Ce nest jamais trop tard pour
mieux faire !