Rentrée parlementaire et guerre d’usure (JP Mbelu)

S’il y a encore des
maisons incendiées, des populations errantes et des attaques armées  à répétition à l’est de notre pays, c’est parce que les initiateurs de cette guerre
n’en ont pas modifié les enjeux majeurs : modifier les frontières
héritées de la Conférence de Berlin de 1885 et faciliter l’accès aux
matières premières stratégiques du Congo. Suffit-il de dire tout haut
que le Rwanda ne constitue plus une menace pour le Congo pour
convaincre « les pessimistes » Congolais sur les desseins que servent
les rébellions suscitées par Paul Kagame au Congo ?  N’est-ce
pas sur fond de la réalisation de ces desseins que certains dossiers
datant de la mise en place des institutions de la Troisième République
et même d’un peu avant celle-ci n’ont jamais connu un début de
traitement ? En voici quelques-uns : les rapports des Commissions
Lutundula et Bakandeja, le moratoire sur la double nationalité, la
destitution de Vital Kamerhe de la Présidence de l’Assemblée nationale
après l’entrée de l’armée Rwandaise sur notre territoire, les secrets
des opérations Umoja wetu, Kimia I et II (c’est-à-dire l’intégration
dans l’armée Congolaise des démobilisées de l’armée Rwandaise et des
Interahamwe recyclés au Rwanda), les derniers massacres de Kiwanja
et de Kanyabayonga, etc. En voulant fonctionner comme un Parlement des
pays dits de « vielle démocratie », le nôtre accumule des dossiers
rendant la marche normale du pays indéchiffrable. Les questions
classiques (le vote de la loi budgétaire par exemple) renvoient dans
l’oubli les questions essentielles sur lesquelles nos « honorables »
auraient à demander des comptes aux membres de l’exécutif.

 

Messieurs les députés, nous vous avons rencontré pendant les vacances

 

Notre
allusion à la langue de bois se justifie dans la mesure où, quand nous
rencontrons nos « honorables » pendant les vacances, ils font tomber
les masques. Ils nous disent : «  Chers compatriotes, le pays ne marche
pas. » Pour certains, c’est Georges Arthur Forest qui est l’actuel
« roi du Congo ». Pour d’autres, Joseph Kabila n’a pas l’effectivité du
pouvoir. C’est Katumba Mwanke qui décide de tout. Pour d’autres encore,
Kinshasa exécute les ordres du Rwanda. Et quand nous leur posons la
question de savoir pourquoi ils n’arrivent pas à traiter de toutes ces
questions clairement avec leurs collègues, ils répondent sans ambages :
« Nous avons peur. Nous sommes gouvernés par des fous. Dès qu’ils
soupçonnent que vous voulez contrecarrer leurs projets, ils vous tuent, vous
mettent hors d’état d’agir ou vous corrompent tout simplement pour que
vous puissiez la bouclez. » Le cas de Vital Kamerhe a été souvent
évoqué par nos compatriotes députés en vacance. Sa destitution de la
Présidence de l’Assemblée nationale devrait servir de leçon à tous les
futurs récalcitrants. Pour dire les choses autrement, le Parlement, à
quelques exceptions près est tétanisé par la peur : la peur de la mort,
la peur d’être mis hors d’état d’agir, la peur de perdre de son argent
aura auprès de ses collègues et de notre peuple, etc.

 

 

Une peur partagée

 

Cette peur tétanisant
un nombre important de parlementaires Congolais semble être compensée
par certaines prises de parole des plus audacieux d’entre eux :
Kiakwama, Lumbala, Lunda-Bululu, Mwamba, Mvwemba, etc. Mais ces prises
de paroles n’aboutissent pas à grand-chose. Elles sont vite réduites à
zéro par les laudateurs du « raïs » présents au Parlement. Cette peur
est contagieuse. Elle est partagée par les médias congolais. Ces
derniers s’autocensurent. Au jour d’aujourd’hui,
plusieurs d’entre eux ont ajouté à leur autocensure l’ignorance des
enjeux majeurs de la marche géostratégique du monde. Quand ils traitent
par exemple du cas des Etats-Unis, ils reproduisent les schèmes de
pensée de la période de la guerre froide. Et puis, quand nos médias ne
s’autocensurent pas, ils versent dans le coupagisme.
Donc, la peur, l’amnésie et la langue de bois dans lesquels nos
« honorables » et nos journalistes sont enfoncés ne présagent pas d’une
rentrée parlementaire courageuse..

De
toutes les façons, d’un processus politique vicieux et vicié initié
depuis 1996 eu égard aux intérêts qu’il sert, nos populations ne
peuvent rien attendre. Tant qu’un débat sérieux, une sorte de
Conférence Nationale (bis) ne sera organisée autour des enjeux majeurs
susmentionnés ne sera organisée chez nous, il n’y aura rien de bon à
attendre des gouvernants actuels, toutes tendances confondues. Nous ne
le dirons jamais assez : le Congo a besoin d’un nouveau leadership à la
Hugo Chavez. Le reste n’est que gaspillage de temps, d’argent et
d’énergie. Le reste rentre dans les tactiques d’une guerre d’usure dont
les initiateurs croient qu’un goûte d’eau tombant à répétition sur une
pierre finira par la fracasser quelle que soit le temps que cela
prendra.

 

J.-P. Mbelu

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