14 09 09 Le Potentiel, Me Pascal Kambale : «Ceux qui prétendent mener la campagne ‘Tolérance zéro le font contre eux-mêmes et leurs propres actes»
camapagne de lutte contre la corruption décrétée par le gouvernement ?
cela depuis longtemps. Surtout que cela vient du président de la République,
lui-même. Il y a eu un premier signal fort lorsquil a lancé dans son discours dinvestiture en novembre 2006 :
«Fini la récréation». A lépoque, jétais à Mbuji-Mayi. Et il est clair
que les gens y ont cru. Dabord, parce que cela venait dêtre annoncé
brillamment. Il avait déjà cette légitimité populaire qui le poussait comme le
vent le fait pour un navire. Puis, on na plus
rien vu venir. Cela, à mon avis, a été le plus grand problème. Je ne sais
pas dans quelle mesure on peut surmonter ce problème. Parce que le chef de
lEtat a laissé passer beaucoup de temps. Il na pas su profiter de sa grande
popularité post-électorale de lépoque.
les commentateurs politiques aiment juger les 100 premiers jours dun nouveau
gouvernement. On est bien au-delà de ce délai. Et, pour lui, ça va être comme
remonter une montagne. A mon avis, ce qui sest passé ailleurs en Afrique
lorsque des gouvernements et des Etats ont lancé des campagnes similaires va
éclairer ce qui se passe en RDC. Il y a deux scenarii pour schématiser. Soit,
les campagnes de lutte contre la corruption sont organisées immédiatement après
un changement important de régime. Cela peut être à la faveur dun coup dEtat,
des élections, etc. Cétait le cas au Kenya, au Nigeria avec lélection
dObasanjo, au Ghana avec John Kufuor, au Sénégal, etc. Soit la campagne de
lutte contre la corruption est menée par un gouvernement au pouvoir depuis
longtemps. Mais qui, au milieu de son mandat, voire vers la fin, lance, comme
par plaisir, une campagne. On était habitué à
cela depuis lépoque de Mobutu. Et je crois que cest le cas actuellement
au Cameroun avec la campagne que le président Biya a lancée. Lexpérience montre que les campagnes de lutte
contre la corruption lancées en plein milieu de mandat sont extrêmement
difficiles à réussir. Jai peur que cela ne soit le cas pour la RDC.
très souvent, quand on parle de lutte contre la corruption, on sattaque
toujours aux petits corrompus. Et les corrupteurs ne sont jamais connus. Ne fait-on pas du bruit pour rien
?
chances de réussir lorsquelles sont lancées ou menées après les changements de
régime, plutôt quen fin ou au milieu de mandat. En fait, le changement
de régime, dune manière générale, apporte au pouvoir un personnel politique
nouveau. On suppose que la grande majorité de ce personnel ne fait pas partie de
grosses légumes auxquelles vous faites allusion.
une campagne à laquelle le peuple et les autorités judiciaires croient. A mon
avis, cétait le cas pour le Nigeria à un certain degré. Quant au Cameroun, au
Sénégal et à la RDC, ce genre de campagnes
sont extrêmement difficiles à mener dans ces pays parce que ceux qui prétendent
les mener le font contre eux-mêmes. Cest-à-dire contre leur personnel et leurs
propres actes que tout le monde croit être à la base de la corruption.
?
compatriotes, jobserve et je veux y croire. Toutefois, je ny crois pas tant
que je nai pas vu les premiers résultats. Pour moi, les résultats ne signifient pas seulement voir le
petit peuple aller en prison à Makala, mais aussi constater que la grande
corruption, celle à col blanc, est également visée. Cest dire que, comme
la majorité des Congolais, jattends que les corrupteurs à col blanc soient
appréhendés pour y croire.
a-t-il pas contradiction dans la mesure où on lance une campagne contre la corruption,
mais on en ignore les causes? Par
exemple pour un enseignant ou un douanier mal
payé…
la cause profonde nest pas la misère. Cest
la mauvaise gouvernance. Tant que les gens graissent et se font graisser la
patte chaque jour, sont payés régulièrement par mois mais ne paient pas dimpôts
sur cela ; tant quils ne sont pas touchés, cela ne changera rien. Nous
savons quils sont toujours trempés dans des pratiques peu orthodoxes.
Evidemment, personne ne va croire à nimporte quelle campagne de corruption
lancée sans un résultat quelconque.
Tout le monde le sait. Mais le gouvernement dObasanjo a mis en place une
commission anti-corruption dénommée commission de lutte contre les crimes
économiques. Parce que les plus graves crimes
sont ceux économiques commis à travers le système bancaire, la passation des
marchés publics, etc. Cest là quil fallait frapper. A partir du moment où lon a vu des gouverneurs
dEtat au Nigeria, de ministres, de chefs de groupes parastataux être poursuivis
par cette commission et emprisonnés que la population nigériane commence à y
croire. Cela, évidemment, a marché avec beaucoup de difficultés. Il y a
eu même un vice-président dObasanjo, à part les questions politiques, qui a été
arrêté par la commission. Lorsque dans un pays
comme lAfrique du Sud, un vice-président est forcé à la démission parce quil
est mêlé dans une affaire de corruption, cest important parce que la population
sent que cela est sérieux. Il faut quon ait de résultats similaires au Congo
pour que jy crois.
lintérieur du Congo. Vous oubliez que beaucoup de corrupteurs viennent de
lextérieur ?
vient dune autre langue parce que la corruption nexiste dans aucune langue
nationale. Mais nous navons aucune juridiction sur ces étrangers et nous ne les
connaissons dailleurs souvent pas. Ils portent des masques. Nous avons au moins
la capacité de connaître celui qui a reçu ou sollicité la corruption. Donc, il
ne faut pas, sous prétexte quon ne connaît pas lautre partie, se réfugier
derrière ce prétexte pour dire quon nentame pas la corruption. On na pas
attendu la poursuite en justice des entreprises britanniques ou américaines qui
venaient corrompre le personnel politique nigérian avant de lutter contre la
corruption dans ce pays.
corruption nexiste pas, ne trouvez-vous pas aujourdhui que ça soit pour la
grande ou la petite corruption, le mal est dans notre société
?
communauté, il en est exclu. Mais, aujourdhui, sil est au pouvoir, il vole et
il ny a pas de sanction. Le fond du problème ne serait-il pas au niveau
de notre société et de lEtat ?
congolaise ait formé des personnes en perte de sens moral. Je ne suis pas du
tout daccord avec votre prémisse. Je crois que la grande majorité des citoyens
congolais ont un sens très exact de la morale et que le gros du problème nest
pas dapplaudir ceux qui sont corrompus. Mais le gros du problème est
limpunité. Il nappartient pas à la société prise dans labstrait de
poursuivre, la matière relevant des institutions de lEtat. Cest au ministre de
la Justice, au procureur général de la République de sanctionner.
Maintenant comme le président de la République a donné le ton, il faut aller
jusquau bout comme son homologue nigérian la fait en actionnant tout
lappareil de lEtat dont il dispose. Il peut aller jusquau bout. Je suis sûr
quil connaît les gens corrompus mieux que nous et quil peut les envoyer devant
la justice ou une commission anti-corruption.
travail aux institutions compétentes ou créer une commission contre la
corruption comme on la fait au Kenya et au Nigeria. En Afrique du Sud,
on a fait confiance à la police en la dotant dune unité spéciale, « Scorpion »,
qui lutte contre la criminalité. Elle a mis en
cause ses propres chefs de la police dont un ami personnel du président Mbeki.
Cest dire que quand vous avez des institutions indépendantes, fortes et ayant
un budget autonome et auxquelles la population peut faire confiance, vous
augmentez des chances de réussite pour une telle campagne.
dit, la situation au Nigeria était de loin plus catastrophique que celle que
nous vivons.
dentreprises occidentales ou asiatiques ont corrompu des ministres, les cadres
du Cadastre minier pour avoir leurs concessions minières. Mais quand
lEtat congolais prend la décision de ravir ces concessions, on voit les
gouvernements étrangers, de manière indirecte, faire pression sur nos dirigeants
pour quils reconnaissent ces contrats. Donc, on peut facilement condamner ceux
qui sont à lintérieur et il est difficile de faire pour ceux qui agissent de
lextérieur…
suis pas spécialiste des questions minières. Jobserve quil y a eu des efforts
et tentatives notamment sous la transition. Comme vous le savez, le Dialogue
inter congolais a exigé quil y ait une commission parlementaire pour enquêter
sur ces contrats miniers et leurs liens avec la poursuite de la guerre. La
commission a eu du mal à être instituée. Elle la été finalement avec la fameuse commission Lutundula qui a fait un
travail appréciable mais lequel, malheureusement, na pas connu de suite une
fois le rapport remis à lAssemblée nationale. Je ne suis pas sûr que ça soit
uniquement la faute des étrangers.
Ce ne sont pas les petits enfants, ils sont responsables. Il y a eu des
élections en 2006. Ils ont sollicité nos voix et nous leur avons accordé notre
mandat. Cest à eux de prendre leurs responsabilités. Je ne suis pas dirigé par les puissances
occidentales, mais par le président de la République, Joseph Kabila et le
Premier ministre Adolphe Muzito avec sa quarantaine de ministres. Cest eux que
je reconnais comme responsables de mon pays.
tirer sur les étrangers mais les Congolais?
voix et celle-ci nest pas pour les étrangers. Elle est pour les dirigeants de
mon pays.
et même à celui de lenseignement, les
éducateurs sont corrompus. Ne trouvez-vous pas que nous risquons davoir
des diplômés sans connaissance parce que tout est acheté ?
continuellement le niveau de lenseignement baissé dannée en année au niveau de
luniversité. Cest clair quil y a un problème. Je nai pas limpression que la
corruption soit le seul facteur. Je crois quil y a des problèmes plus importants de gouvernance
dans le secteur de léducation comme dans beaucoup dautres secteurs.
financier, de la Banque africaine de développement (BAD), du Fonds monétaire
international (FMI), de lUnesco, etc. Il serait intéressant de savoir comment
tous ces soutiens importants sont gérés. Il serait intéressant de savoir
quel est le budget consacré à ce secteur, le pays nayant pas un budget énorme.
Je crois que le pays comme le Sénégal pourrait avoir un budget plus important
que le nôtre. Mais de ce qui est voté comme budget annuel par notre parlement,
il serait intéressant de savoir quelle est la portion réservée à léducation.
Cest une question de gouvernance importante. Et on peut se poser la question de savoir si ce qui
est consacré à léducation arrive à destination, si les enseignants sont payés.
Parce que le salaire des enseignants est budgétisé chaque année. Est-ce quil
leur arrive ? Ce sont des questions qui
nont rien à voir avec la misère. Toutefois, cela aboutit à la misère. Ce
nest parce quil y a misère que léducation va mal. Elle va mal parce quil y a
un problème sérieux de gouvernance du secteur de léducation qui aboutit à la
misère.
bien ?
le secteur est géré par les institutions gouvernementales ou des associations
des parents délèves et dautres. Comme vous le savez, il ny a pas que le
gouvernement qui gère notre éducation. Nos écoles sont gérées par des missions
et des églises via une convention quelles signent avec lEtat. Cest comme cela
quon les appelle écoles conventionnées catholiques, protestantes et
kimbanguistes, etc.
encore engager une lutte contre la corruption. Comment va-t-il sy prendre ?
corruption. Je crois quil y a des niveaux de corruptions qui peuvent
disparaître si dautres niveaux de corruption sont attaqués. Et je ne serais pas partisan daller dans une école à
Mwene-Ditu pour sanctionner lenseignant qui se fait corrompre par son élève et
laisser tranquille le responsable du budget de lenseignement qui se trouve à
Kinshasa. Je suis convaincu que, si on frappe à Kinshasa, on pourrait
facilement, et peut-être sans pouvoir aller à Mwene-Ditu, opérer par
effet dentraînement. Et faire en sorte que la corruption à Mwene-Ditu
disparaisse.
fin à la corruption dans notre société ?
Oui. On peut y mettre fin. Ce nest pas une question
de régime en réalité. Cest une
question de volonté politique. Il faut avoir la volonté politique. Cest
comme quand le président de la République parle de « Fini la récréation en 2006 » et parle de
«Tolérance zéro en 2009 ». Cest
important. Mais cela ne suffit pas du tout. Il faut sen donner les moyens. Je
ne vois pas les moyens venir. Ces moyens doivent être institutionnels,
financiers. Il faut mettre de largent pour lutter contre la corruption dans la
justice, dans la machine policière et avoir une police spécialisée. Ensuite,
disposer de moyens techniques pour que la police soit en mesure déradiquer la
corruption, car elle est trop technique. Est-ce que vous avez une police spécialisée dans la
criminalité économique ? Sil ny en a pas, il faut la former. Donc, outre la
volonté politique que je crois voir à travers les slogans, il faut se donner les
moyens.