Musique: N’kota, un nouveau chemin par Muriel Devey ( AEM )

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Sur la scène du Fespam 2009 à Brazzaville : La chanteuse, Fanié, seule femme du groupe, fait son show|Photo : Muriel Devey(AEM)

Tradi-moderne ? Afro-folk musique ? Difficile
d’étiqueter le style de ces cinq « garçons dans le vent » et de leur
chanteuse, Fanié, seule femme du groupe, qui forment N’kota. « C’est
un mélange de traditionnel et de moderne, de mélodies douces inspirées
des terroirs congolais, entrecoupées de rythmes rapides, histoire de
chauffer le public. Ce qui singularise aussi N’kota, c’est l’importance
des chants, des choeurs et la chorégraphie
 », explique Jacques Fautre, le manager.

Fondé
en 2003 par un passionné d’art et de chanson, Serge Landry Kololo, dit
Ibrasson, qui a quitté le groupe, N’kota se définit comme un pont entre
passé et présent, entre musiques d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et
d’ailleurs, entre peuples et continents. « Quand nous
nous sommes rencontrés, nous avions tous un même objectif : faire la
fusion entre la musique traditionnelle congolaise et la musique
d’ailleurs et viser un public universel, pas seulement africain
 »,
assure Tonnerre, le batteur. D’où les rythmes soukouss, reggae, slow et
même ndombolo, ainsi que les sonorités du tam-tam, de la guitare basse
et autres instruments, intégrés dans le répertoire du groupe à côté des
rythmes traditionnels.

Avant de se mettre ensemble, ces jeunes musiciens, qui
ont à peine la trentaine, évoluaient dans des troupes de ballets
traditionnels. C’est là et au cours de fêtes familiales et sociales,
encore très vivantes même en milieu urbain, qu’ils ont découvert et
appris le registre musical de leur culture. Un patrimoine qu’ils se
sont promis de ne pas laisser tomber, « pour ne pas oublier d’où l’on vient, ce qui ne nous empêche pas d’être ouvert à la modernité », martèle un des musiciens.

Riche de rythmes, de sons et d’instruments, ce
patrimoine renvoie aussi à des valeurs, malheureusement perdues, selon
eux, qu’il faut faire revivre grâce à la musique. C’est donc un retour
aux racines, aux sources, à la « belle époque », vantée par les parents, « celle d’avant la colonisation, où régnaient la solidarité et la fraternité », que vise aussi N’kota, que l’on pourrait traduire aussi par « retrouver le chemin ».

Les thèmes des mélodies, chantées en langues du pays,
principalement en lari, et en français, mettent l’accent sur la fierté
d’être Africain, le refus de la facilité et de la paresse et les
valeurs humanistes. « Nous parlons de l’amour et de la vie en général, du quotidien, du sida, de la valeur du travail et de l’effort »,
expliquent Feeling et Mabos, respectivement soliste et batteur de
N’kota. « Doukou Déo » (où va la jeunesse ?), un des titres phares de
l’orchestre, dénonce l’argent facile, les viols, la prostitution. « Je
n’irai pas là-bas » loue le bienfait de vivre en Afrique, « parce que c’est ici que se trouvent notre source et notre richesse »,
ce qui n’interdit pas d’aller visiter d’autres contrées. Au contraire,
car il faut s’ouvrir au monde. « Sakuabo » évoque la relation d’un père
avec son fils, tandis que « Mama » est un hommage à la mère. Un titre
qui a eu un grand succès, lors du dernier Festival panafricain de
musique (Fespam), qui s’est tenu début août 2009 à Brazzaville.
Pourtant, pas facile de faire admettre à un public encore très accro du
ndombolo, que d’autres courants musicaux existent. Mais, avec sa voie
envoûtante, Fanie, accompagnée des musiciens, a su séduire la foule,
qui a repris en chœur le refrain.

Si une partie des Congolais boude encore « l’autre
musique » que représente N’kota, le groupe a toutefois ses fans, qui
viennent l’écouter et l’applaudir au Centre culturel français de
Brazzaville où il s’est produit, par deux fois, en 2009, et lors de
soirées et de galas, publics ou privés, dont ceux organisés par l’Union
européenne. Outre le Fespam, N’kota a également participé au Festival
de la bande dessinée à Kinshasa en République démocratique du Congo, au
Festival du rire Tuseo à Brazzaville et à bien d’autres événements.

Après avoir sorti, en 2009, un premier album « Tobe »,
N’kota s’attelle maintenant à la réalisation du second, qui pourrait
paraître en 2010. Tout le groupe compose. C’est à l’espace culturel
Marico (Marionnettes du Congo), à Bacongo, devenu son fief, qu’il
répète et que s’élaborent ses futures mélodies. Un travail sans
relâche, avec toujours la même obsession : ne pas aller trop loin dans
l’innovation. «  Quand on s’éloigne trop de notre but, on s’arrête, pour revenir là d’où l’on vient ».

Un dosage subtil que s’efforcent de trouver les
musiciens du groupe, dont l’ambition est de faire émerger, en Afrique
centrale, une musique tradi-moderne propre à cette région d’Afrique,
berceau de la musique moderne africaine qui a fait le tour du monde,
mais qui commence à s’essouffler. Leurs regrets : le soutien très
timide de leurs aînés, qui ne prennent pas l’initiative de « faire jouer en premier des jeunes artistes, lors d’un concert dont ils sont la tête d’affiche », et le manque d’appui du Ministère de la Culture et des Arts.

C’est hors du Congo que N’kota trouve ses modèles, qui
sont notamment le Kinois Loka Kwanza, le Malien Salif Keïta et les
Sénégalais Youssou N’Dour et Ismaël Lô. « Ils ont su inventer un style de musique moderne, à partir de leurs traditions. Nous pouvons aussi le faire en Afrique centrale ».

Le pari n’est pas impossible, avec la génération que
représentent les groupes N’kota et Lang’i, dont les approches sont
similaires. En tout cas, au dernier Fespam, N’kota n’a pas fait
démentir les propos d’un vieux sage africain : « Dans
les sociétés traditionnelles en Afrique, tout commence d’abord par la
parole. Quand la parole ne suffit pas pour exprimer tout ce qu’on a
envie de dire, on chante, puis le corps se met en mouvement ; de ce
mouvement naîssent les vibrations et les sensations qui permettent de
transcender les problèmes de la vie
 » . |Muriel Devey (AEM)

Gros plan sur le groupe N’Kota
Reportage photo : Muriel Devey (AEM)

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