04.10.09 Le Soft: L'interview testament au «Soft» du ministre de l’Économie André-Philippe Futa mort à Paris

André-Philippe
Futa Mudiumbula Tshitumbu Tshipadi dans les bureaux du «Soft
International» lors de l'interview. Il est «mort dans son sommeil»,
selon ses proches. PHOTO LE SOFT NUMÉRIQUE.

Selon des sources familiales, le ministre, âgé de 63 ans, a été emporté
par une crise cardiaque alors qu’il dormait dans sa chambre d’hôtel.
C’est une grande perte pour la famille politique du Chef de l’État dont
le ministre était une figure de proue après avoir été le premier
Coordonnateur de la Majorité Présidentielle AMP.
Ces dernières semaines, le ministre était secoué par plusieurs affaires
de politique interne. Il était visé par diverses interpellations à la
Chambre basse du Parlement et des Députés avaient critiqué ses
décisions dans la gestion de l'affaire OCC, Office de Contrôle à
l'Import/export, et notamment dans une affaire de riz avarié.

Originaire
du Kasaï Oriental, André-Philippe Futa (en réalité Mfuta) est un ancien
de Kikwit, Kwilu-Bandundu, où il fit ses études, et où sa famille
cheffale du clan Diishi fut reléguée à la suite d’une dispute avec un
autre clan, l'administration coloniale belge ayant estimé,
explique-t-il au «Soft International», que «ma famille était une
famille trouble-fête».

Né à Miabi, province du Kasaï Oriental, ce Docteur en Économie est un
ancien fonctionnaire de la BAD (Banque Africaine de Développement)
avant d’entrer en politique au lendemain de la mort du président
Laurent-Désiré Kabila.

André-Philippe Futa Mudiumbula Tshitumbu Tshipadi fait son entrée en
2001 au sein de la première équipe gouvernementale formée par le
président Joseph Kabila Kabange et abandonne le gouvernement 1+4
plusieurs mois après les accords de Sun City. Il est alors ministre des
Finances.

Maçon et grand officier de la Grande Loge Maçonnique de France,
André-Philippe Futa Mudiumbula l’a affirmé, pour la première fois à
notre journal, dans une interview datée du 7 mars 2006 qui sonne comme
un testament.

Il faisait alors part de son réseau de solidarité dans le monde pour parvenir à ses fins. Lesquelles?

Être Premier ministre de R-dC, après avoir décidé de ne pas se porter candidat Président de la République.

Il sortait du congrès de son parti PANU (Parti National de l’Unité) au
lendemain de son départ du gouvernement 1+4. Le congrès du PANU venait
de l’élire au poste de président national. Il en avait longtemps été
l’initiateur.

Ci-après, l’interview que cet ancien ministre qui échoua de se faire
élire Député aux élections générales, mais pu obtenir le mandat de
Sénateur avant de regagner le gouvernement au poste peu envié à ses
yeux de ministre de l’Économie et du Commerce extérieur.
Nous sommes le 7 mars 2006, interview parue dans «le Soft
International2», Éd. datée du 8 mars 2006, n°851.

«Dans la vie d’un homme, il y a des étapes qui déterminent le
cheminement de son destin. C’est vrai, j’ai mené une carrière
internationale d’expert connu dans les milieux des Finances
internationales. Et c’est ça qui était mon destin premier. Bien sûr,
cela ne m’empêchait de penser à mon pays. Chaque fois que je visitais
d’autres pays, et que je faisais un tour par ici, cela m’interpellait.
«Vous êtes fils de ce pays, vous avez eu la chance d’avoir un parcours
universitaire brillant» – on me le répétait souvent. «Et vous avez une
expérience, votre pays avance à reculons. Quelle est votre
contribution?» Ce sont des questions qu’on me posait sans cesse. Alors
qu’il me restait deux ans pour prendre ma retraite, le président Kabila
a fait appel à moi. Je suis revenu au pays. Et cela m’a fait grand
bonheur de travailler comme technocrate en m’occupant des questions
liées aux rouages de l’État».

«Peu à peu, je suis devenu un homme politique parce que je gérais des
intérêts des groupes divers. Je crois qu’en cinq ans de pouvoir, j’ai
joué un grand rôle aux côtés du président Kabila. J’ai vraiment nourri
une certaine ambition, celle de servir mon pays. J’en suis ainsi arrivé
à créer le parti politique dénommé Parti National de l’Unité, PANU. Ce
parti est là aujourd’hui. L’on ne peut être initiateur d’un parti
politique sans être un homme politique».

C’est André-Philippe Futa qui parle ainsi au «Soft International» quand
l’on veut savoir comment a-t-il sauté des Finances – où il était avant
tout technocrate – pour plonger dans la politique?

Votre parti vient de tenir congrès. On vous attendait logiquement candidat à la présidence de la République! C’est la mode…

Je veux répéter ce que j’ai toujours dit: il est vrai qu’un parti est
créé pour la conquête du pouvoir. Mais ma conception du pouvoir ne se
trouve pas dans le fauteuil. J’essaie d’obtenir un quantum d’influences
dans les rouages de l’État pour influer sur les grandes décisions.
C’est ça le pouvoir.

Or ce quantum, vous pouvez l’avoir du moment où vous avez réussi aux
élections locales, en contrôlant les villes de ce pays. Si vous faites
mieux et que vous avez trois ou quatre provinces pour votre parti, cela
vous donne encore plus. Si votre mobilisation et votre parti sont
organisés de manière à avoir une certaine efficacité et que vous avez
le pouvoir au niveau de l’Assemblée, c’est encore un grand pouvoir. Ma
démarche, c’est de ne pas nécessairement viser un fauteuil.

Le fauteuil vient avec le concours de circonstances. C’est ainsi que
j’aime me laisser au destin, et travailler pour aller dans un sens
d’affirmation de notre volonté et de nos ambitions. Exclure l’obsession
d’un fauteuil.

Vous seriez plutôt Premier ministre!

Un candidat Premier ministre! Pourquoi pas? Le dire ne suffit pas. Il
faut avoir les moyens de le devenir. On ne peut être Premier ministre
dans une démocratie sans avoir rassemblé la majorité parlementaire. Si
nous travaillons bien comme parti et que nous nous inscrivons dans une
plate-forme qui gagne, là, c’est une ambition légitime pour devenir
Premier ministre.

Je ne manque pas d’atouts: expertise, compétence, potentiel de
réussite, etc., oui, je crois que nous avons tout cela pour ce poste.
Mais politiquement, il faudrait que toutes ces pièces se mettent
ensemble afin de rendre l’ambition possible. Je crois que je dois être
sincère, c’est peut-être l’objectif politique que je peux viser.


Comment pensez-vous y arriver, concrètement?

Dès que nous avons quitté le gouvernement, vous nous avez vu effectuer
une tournée à travers tout le pays. Il s’agissait d’abord de me rendre
compte de la santé de mon parti, au niveau de l’implantation et de la
mobilisation, et aujourd’hui je suis très heureux de dire que notre
parti présente un profil de parti émergeant.

Je ne peux parler en termes de grand parti, mais cela viendra à partir
de la sanction du vote. Parti émergeant mais qui ne peut gagner tout
seul aux élections parce que le paysage politique est assez atomisé.
Dans notre pays, on compte plus de 238 partis politiques officiellement
reconnus par le ministère de l’Intérieur. Dans un paysage aussi
atomisé, aucun parti politique ne saurait gagner seul la majorité
simple et se voir confier la majorité parlementaire. Il faut déployer
le jeu d’alliances. Et nous travaillons dans ce sens.


Peut-on savoir dans quelle alliance allez-vous faire partie, et avec quels partis?

Je suis à l’aise. D’ailleurs, je ne crois pas que nous ayons assez de
temps pour faire des faux-fuyants sur certaines questions stratégiques.
Nous voulons mettre en place une plate-forme qui va s’appeler
«Lipanda»: Ligue des Patriotes Nationalistes pour la Démocratie
Apaisée. C’est une plate-forme qui va compter au moins une dizaine de
partis.

Nous avons d’ores et déjà produit un projet de charte qui déboucherait
sur un programme commun. Dans une ou deux semaines, nous allons nous
retrouver avec ces partis politiques pour lancer ensemble Lipanda,
indépendance en Lingala.


Avec quels partis?
Je ne peux pour le moment
vous répondre. Connaissant la classe politique de notre pays, je ne
peux aller trop vite en besogne. Mais l’idée est là.


À votre Congrès, le parti de la majorité présidentielle française UMP
était là. Comme il était là, à Kinshasa, lors du congrès du MLC et de
celui du PPRD. Cela fait un peu désordre, non. L’UMP vous pousse-t-elle
à vous mettre ensemble?

Le PANU est un parti centriste. Nos amis de l’UMP sont des Libéraux,
comme nous. Nous avons quelques bases philosophiques communes. Je
compte beaucoup d’amis dans les rangs de l’UMP par le fait de
circonstances et de l’histoire. Nos chemins se sont croisés. Ils me
connaissent. Ils apprécient ma pensée, mon approche politique.


Comment expliquez-vous la présence de l’UMP au congrès du MLC, autant quà ceux du PPRD et du PANU?

Je me dis que ce sont des relations personnelles, d’homme à homme, qui
agissent dans ce genre de questions. Je ne suis pas sûr que pour les
autres, le lien porte sur une base idéologique, je ne crois pas. Si
vous voyez bien l’UMP et le PPRD, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un
même filon idéologique. Par contre avec le MLC, il y a quelques
similitudes. Le MLC a déclaré que sur le plan idéologique, ils se
mettent au centre. Le MLC et le PANU se retrouvent un peu dans le même
moule idéologique.


À ce que je sache, l’UMP n’est pas un parti centriste? Il est plutôt un parti de droite…

Mais c’est avant tout un parti libéral. Moi je dis toujours que le
parti c’est comme l’homme. La main droite, c’est la main droite, c’est
le capitalisme sauvage; le coude, c’est à peu près le libéralisme tout
court. Vous venez à l’épaule, au centre, vous êtes effectivement
centriste. De l’autre côté, c’est le communisme sauvage. Et au coude,
ceux qui disent sociale démocratie aujourd’hui. Moi, je crois que le
PPRD est un peu plus loin de l’UMP. Le PPRD est un parti de gauche. Il
a proclamé qu’il fait de la sociale démocratie.

Il suffit de voir leur enracinement, c’est une œuvre de continuation du
feu le président Laurent-Désiré Kabila. Lui-même, comme personne, vous
savez dans quelle loge il était idéologiquement allié.


Pas de démocratie?

Qu’ils nous le disent! Ils le disent dans leur projet de société. Mais
c’est vrai, sur le terrain, ils ont quand même subi l’influence des
gens comme nous, les Libéraux.

Vous vous êtes-vous senti très vite mal à l’aise?

Tout au début, oui. Je me suis senti mal à l’aise par rapport aux
programmations des uns et des autres. Je suis de ceux qui pensent que
le Chef de l’État vit un parricide culturel.

Parricide culturel! On vous sait plus proche du fils que du père. Comment expliquer cela?

J’ai trouvé chez lui un sens d’écoute le jour de notre premier contact.
J’ai trouvé dans le fils, la patience qui est une énergie pour la
reconstruction. Si vous n’avez pas la patience, vous ne parviendrez pas
à construire. J’ai trouvé aussi en lui un sens de l’essentiel, il ne
s’éparpille pas dans beaucoup d’autres activités et des tâches qui
épuisent l’énergie et éloigne de l’objectif stratégique.

Cela m’a beaucoup impressionné chez lui. Quand j’ai vu cela, je me suis
dit étant donné son âge et le mien, il me fallait jouer un peu le rôle
de protecteur intellectuel en quelque sorte. Pas du tout de protecteur
politique. J’ai voulu d’abord que mon rôle autour de lui soit celui de
l’élévation intellectuelle.

Et soudain, vous avez été évincé. Cela fut tout de même une surprise?

Moi, je n’étais pas surpris.

Vous le protégez, il vous protégeait…

C’est cela en quelque sorte.

Le Chef de l’État a fini par lâcher son protecteur. Comment expliquer cela?

Je n’appelle pas ça lâcher. Parce que beaucoup d’événements qui se
déroulaient depuis que je suis revenu au pays montraient bien qu’il m’a
toujours protégé contre d’autres velléités qui s’exprimaient autour de
lui en termes des réseaux d’influence. Il fut un temps où il me faisait
jouer des rôles très importants et cela faisait monter en puissance
l’animosité des uns, la jalousie des autres. Et moi aussi par mon
esprit d’indépendance, j’avoue ne pas lui avoir facilité la tâche. La
décision de créer mon propre parti politique n’était pas pour faciliter
les choses.


Comment en êtes-vous arrivé à cela – créer un parti politique – alors
que vous étiez à un poste stratégique au sein de l’alliance PPRD!

Je le savais. Mais sincèrement, je dois avouer aujourd’hui que je ne
suis ni audacieux, ni trop téméraire. En quelque sorte l’idée était là.
J’ai dit à tous que je n’étais pas d’accord quant à la façon dont le
PPRD a été monté. On m’a appelé à plusieurs reprises pour signer l’acte
fondateur du PPRD – j’ai refusé.

Et puis, il y a des gens qui disaient au Président: «Votre ministre ne
peut pas nous faire ça!» Un jour, lui-même m’a posé la question. J’ai
répondu que si j’entrais dans le PPRD ce serait sans aucun doute faire
montre d’hypocrisie. Parce que ni sur le plan de l’idéologie ni sur le
plan de personnalités qui engagent ce parti, je ne me sentais à l’aise.
Alors fallait-il dire que j’étais PPRD parce que j’étais ministre des
Finances? C’était me renier. Je gênais peut-être mais je tenais bon.


Vous acceptez d’occuper un poste qui appartient à une composante dont idéologiquement vous ne vous sentez pas proche…!

Rappelez-vous que j’étais appelé au gouvernement avant le 30 juin 2003.
Je suis entré au gouvernement en 2001. À l’époque, il n’y avait pas
encore de notion de composante. Même en 2003, on parlait plutôt de la
composante ex-Gouvernement, non du PPRD.

Le Chef de l’État a fait venir autour de lui des personnalités qui
n’étaient pas nécessairement PPRD. C’est une erreur d’assimiler tout le
temps le PPRD à l’ancien gouvernement. Mais entre 2001 et 2003,
l’appareillage et le rouage de décisions politiques incluaient des gens
qui n’étaient même pas au sein du gouvernement mais qui avaient une
grande influence dans les décisions de l’État. C’est effectivement
après 2003 que le PPRD est devenu une sorte de machine parce implantée
un peu partout.

Ils ont prétendu que le poste de ministre des Finances appartenait au
PPRD. Dès qu’ils m’ont dit cela, j’ai voulu le libérer séance tenante,
lors d’une réunion mémorable où tous les caciques de ce parti étaient
là, en présence du Chef de l’État. Le Président avait peut-être
convoqué cette réunion expressément. Il voulait débattre de cette
question. Alors j’ai dit: «si vous me dites que j’occupe un poste qui
revient au PPRD, je le libère pour m’occuper de mon parti». J’ai remis
ma démission.


Monsieur le Ministre, on vous dit Franc-maçon…

Je vais vous dire: ce n’est pas une honte aujourd’hui. Je suis
Franc-maçon et pas le moindre. Je suis Grand officier de la Grande loge
nationale française.

C’est ce qui vous rapproche de la France?
Pas
seulement de la France. Ceux qui connaissent notre obédience vous
diront que nous devrons être beaucoup plus proches de l’Angleterre. En
réalité, j’ai des amis partout dans le monde.


C’est la première fois que vous le dites?
C’est
la première fois que moi-même j’en parle à la presse. Parce vous m’avez
posé directement la question, alors je réponds directement.


Vous n’étiez pas obligé de répondre…

Moi je n’ai pas peur d’en parler. Le secret n’est plus ce qu’il était hier. Les choses ont évolué.


Qu’est ce que cela représente pour vous être Franc-maçon, Grand Officier de la Grande Loge nationale Française, en R-dC?

Tous les Grands maçons de l’obédience à laquelle j’appartiens sont
fiers de l’être. Les grands savants de ce monde ont tous été presque
maçons. J’ai atteint le dernier degré de la Maçonnerie. J’ai initié
beaucoup de chefs d’État. La Franc-maçonnerie, c’est l’école de
l’excellence. Elle m’a beaucoup apporté en termes d’exigence morale et
intellectuelle. Il y a des contrevérités qui circulent autour de la
Franc-maçonnerie. L’obédience à laquelle j’appartiens nous oblige à
croire à Dieu et à le servir.


Que peut-on retenir de votre passage comme gouverneur de la Banque mondiale?

Je savais que j’avais la responsabilité de la politique économique de
mon pays, un État en situation post-conflit, avec une économie
déséquilibrée et désarticulée. J’ai largement contribué à la mise en
place du programme économique actuel, depuis le temps où j’étais
ministre de l’Agriculture.

J’étais bien outillé pour défendre la politique économique de mon pays
et aussi celle de nombreux pays africains. C’est ainsi que lorsqu’il
s’est agi de désigner un gouverneur africain, la plupart de mes
collègues africains, même européens et américains ont pensé à moi. Ils
ont écrit au Chef de l’État pour ce faire. Celui-ci a présenté mon
dossier.


La corruption, une malade endémique qui ronge le secteur de l’économie
et des finances en R-dC. Vous le saviez quand vous étiez aux affaires.
Qu’avez-vous fait pour y remédier?

La corruption, j’ai peur de le dire, mais c’est devenu un simple fait
de société. Alors, ce n’est pas seulement sous l’angle économique et
financier qu’il faut le traiter. Cela nécessite une intervention sur
différents angles politiques en vue d’arrêter le fléau. Il y a d’autres
voies de solutions purement juridiques et judiciaires. Un ministre,
quelque soit sa compétence, ne peut faire grand’chose en cette matière.
Il n’ira jamais loin. Il faut faire des innovations pour arrêter le
fléau. Il faut un effort collectif.


Que voulez-vous dire? Avez-vous rencontré des obstacles dans vos fonctions en rapport avec une ambition d’innovations?

Le dire ainsi serait malhonnête. Le programme dont j’avais la
responsabilité avait des éléments innovateurs de lutte contre la
corruption. C’est le cas de la chaîne de la dépense. Croyez-moi ce
n’était pas facile de mettre ce système en place! Le ministre que
j’étais était l’ordonnateur du Trésor. Je pouvais engager les dépenses
et les ordonnancer, la loi me le permettait.

Mais j’ai dit non. C’est ce pouvoir exorbitant qui a rendu folles
certaines personnes. Moi, je décidais de ne pas autoriser des dépenses
que je n’avais pas engagées. J’ai voulu que l’engagement ne soit pas
seulement une procédure du Trésor mais également une procédure
budgétaire. Donc, j’ai fait une concession de taille. Tout ça était
dans l’intention d’innover. Je n’aime pas travailler dans les urgences.
J’ai toujours refusé d’être surpris par des urgences.


Est-ce le régime d’austérité que vous avez engagé qui vous a coûté votre poste?

Non ce n’est pas dans les dépenses que j’ai eu des problèmes. C’est
dans les recettes. Rappelez-vous la lutte que j’ai menée pour que
nombre de recettes de l’État éparpillées ça et là soient canalisées
vers le seul Trésor.

Je n’ai pas hésité à écrire au Chef de l’État et à lui dire que la
remise en cause de la loi budgétaire qui visait à récupérer des
recettes et à les canaliser ailleurs était de nature à nous créer des
problèmes. Ce sont des personnes qui sont dans l’ombre qui m’ont créé
le plus de problèmes.


Quelle chance donnez-vous au PÉG et, par conséquent, au point d’achèvement?

Il y a des signaux qui montrent que nous n’allons pas atteindre le
point d’achèvement prévu normalement fin 2006 dans le calendrier
initial. On l’a vu avec la dernière mission du FMI, chacun avait son
rapport. Le point d’achèvement ne saurait certainement arriver qu’en
2007 ou en 2008.


Avec quelles conséquences?

Des conséquences énormes. Nous risquons de revisiter le PÉG, de lui
donner des nouveaux objectifs – ce qui serait vraiment dommage parce
que là, nous ne donnerions pas l’impression que nous sommes dans une
dynamique évolutive. Nous traînons quelque part les pieds.


Avez-vous un commentaire à faire sur l’affaire Olivier Kamitatu qui fait actuellement rage?

Nous parlons beaucoup au nom du droit et de l’État de droit. Et
quelques fois au nom de la politique. Il y a un domaine où nous ne
faisons aucun effort. Il s’agit du domaine de morale, de conscience. Je
dis avoir de l’admiration pour mon ami Vincent de Paul Lunda- Bululu.
Quand il a quitté le MLC, il a rendu le mandat. Il n’est pas question
de dire que je suis tel ou tel, que je suis couvert par telle ou telle
loi. Votre conscience doit vous guider, sachant que vous avez causé du
tort à un groupe. C’est regrettable.


À l’occasion du congrès de votre parti, de votre nomination comme
président du PANU, qu’avez-vous à dire alors que le pays se trouve à la
veille des élections générales?

Je formule le vœu, celui de voir d’abord les militantes et militants
prendre conscience de la grandeur de la lutte que nous menons, d’être
convaincus de ce que nous faisons parce que ils étaient si loin de
nous. Ils n’entendaient nos propos que de loin.

Et maintenant qu’ensemble nous nous retrouvons, je suis sûr que ce
congrès va leur donner un esprit de corps. Et ils vont pouvoir rentrer
dans leurs bases respectives avec une nouvelle vigueur pour mobiliser
davantage afin de remporter des élections futures. En ce qui concerne
le sort de notre pays qui ne peut qu’être défendu par des partis comme
le nôtre, nous souhaitons que le PANU se mette ensemble avec d’autres
partis qui ont sans doute reconnu sa puissance lors de ce congrès.

Nous créerons cette plate-forme dont je parlais, Lipanda, de telle
manière que nous puissions ensemble gagner des élections. Pas seulement
pour notre triomphe, mais les gagner pour qu’au moins le pays puisse
avoir pas seulement des dirigeants compétents mais également moralement
engagés avec un sens de civisme et de patriotisme afin de changer tout
ce qui ne va pas dans notre pays. Je prie Dieu pour qu’il nous aide
dans cette entreprise-là. Que son inspiration soit avec nous afin que
les choses évoluent bien autant pour nous que pour notre pays, parce
des petits incidents peuvent nous conduire à des crises inutiles. J’en
appelle au patriotisme, à la conscience de tous les acteurs politiques,
les leaders d’opinion afin que nous regardions tous dans la même
direction pour faire avancer le processus électoral. Et que nous ayons
nos élections.


Vous avez dit élections?

On voit bien que nous n’allons pas respecter le délai constitutionnel.
Mais je crois fermement à la tenue à des élections. Nous ne devons pas
nous perdre parce que nous n’avons pas respecté le calendrier. Nous
pouvons ajouter deux ou trois mois, mais il faut que nous soyons
rassurés après cette prolongation, nous aurons effectivement des
élections, des nouvelles institutions.


Pour ce faire, ne faudrait-il pas une redéfinition du jeu politique?

Je suis de ceux qui pensent que puisque le délai du 30 juin ne sera pas
respecté, il faudrait nécessairement revisiter le consensus. Car ce que
nous avons fait n’était pas toujours parfait, il y a encore du chemin à
faire. Comment nous pouvons le réussir? Qui peut venir encore renforcer
notre élan? Cela doit se discuter dans un consensus. Avec quelle
feuille de route? Dans le cas où la prolongation dépasse les trois
mois, si nous pouvons avoir de nouvelles institutions qu’en octobre, il
nous faut trouver un nouveau consensus.


On vous a vu entamer votre première tournée à travers le pays par Kikwit, quelle signification donner à cela?

Kikwit, c’est ma deuxième ville d’adoption. J’ai fait mes études
secondaires à l’institut Saint François Xavier. Mais je suis arrivé là
par hasard. En 1910, ma famille qui était une famille cheffale du clan
Diishi a été reléguée dans la province de Léopoldville d’alors, à la
suite d’une dispute avec un autre clan. Les colons ont estimé que ma
famille était une famille trouble-fête. Et le site qui a été trouvé
était Idiofa. Mon père a grandi là-bas. Il y fera des études et
trouvera du travail. Il était le premier cadre de la Compagnie de
l’Équateur et du Kasaï, CKE.

Quand il a eu sa retraite en 1955, il a regagné le Kasaï. Mais il a
tenu à ce que je poursuive mes études dans la province de Léopoldville
qui réunissait à l’époque l’actuel Bandundu et le Bas-Congo, où je suis
allé poursuivre mes études. Suite à l’acculturation, mon nom qui
commençait par la lettre «m», Mfuta avait son initial pour devenir
Futa. Mais mes expériences d’enfance, mes amis les plus proches, ceux
qui m’ont connu sont tous de Bandundu. Et ils sont nombreux.


Et vous en parlez aussi la langue?

J’ai longtemps parlé. Mais les 30 ans que j’ai passés à l’extérieur
m’ont fait perdre les langues du pays. Aujourd’hui, j’essaie de
reparler les quatre langues du pays. On ne peut pas me critiquer. Dans
une conservation, je chercherais quelques mots. Je peux donner des
discours en quatre langues en lisant bien. Bientôt je veux davantage me
retrouver, aussitôt que je retombe dans le bain à Kikwit ou ailleurs.

 

POLD KALOMBO.
lesoftonline.net 01/10/2009

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