Assemblée nationale : les députés du Nord et du Sud-Kivu priés de se taire. Relecture d’une motion incidentielle du 06 octobre (JP Mbelu)

UMOJA WETU : la bombe

 

Si
les attaques externes se focalisent sur notre complexe des victimes
d’un complot international, à l’intérieur du pays, les violons ne
s’accordent pas sur la responsabilité de certains compatriotes dans
cette guerre. La dernière motion incidentielle lue à l’Assemblée
nationale par les députés du Nord et du Sud-Kivu  le 06
octobre 2009 est révélatrice des désaccords persistants sur cette
question. Selon les auteurs de cette motion, dans son intervention du
vendredi 02 octobre 2009,  l’honorable Kalaba Sankwe Brigitte, à la
suite de la motion incidentielle de l’honorable Jean Louis Ernest
Kyaviro, «  a incriminé certains d’entre nous (députés du Nord et du
Sud-Kivu) d’entretenir la guerre à l’Est et donc (d’être) responsables
de notre propre malheur. Elle a ajouté que les Congolais sont lassés de
nous entendre tant que nous n’aurons pas réglé nos problèmes internes. » L’honorable
Kalaba Sankwe n’est pas l’unique à soutenir cette thèse. « Des propos
similaires, notent les députés Nord et du Sud-Kivu, ont été tenus par
le Ministre Tshikez Diemu, alors Ministre de la Défense Nationale (…) à
l’endroit d’une de nos collègues venue lui exposer les problèmes
sécuritaires de sa circonscription électorale. » Curieusement, Kalaba
Sankwe et Tshikez Diemu sont tous deux de la province du Katanga !

Répondant
aux propos de Kalaba Sankwe Brigitte, les députés du Nord et du
Sud-Kivu reconnaissent que leur collègue a dit tout haut « ce que
certains, par mauvaise analyse ou analyse orientée, pensent tout bas au
sujet de l’insécurité dans le Kivu. » Avant de  réfuter
cette approche de la question de l’insécurité qui sévit à l’Est de
notre pays, les auteurs de la motion incidentielle rappellent qu’  « il
fut observé pendant la période chaude de l’insécurité, un mouvement
aérien intense d’importants lots de gros bétails vers cette même
province (du Katanga) pour le compte de certains officiers supérieurs
pourtant censés se focaliser sur la sécurisation des populations. » A
leur avis, les accuser d’être responsables de leur propre malheur,
c’est perdre de vue « qu’aucun Député, aucun Ministre, aucun Général du
Nord-Kivu et du Sud-Kivu n’ont été (sic) associés à la conception et à
la réalisation de l’opération UMOJA WETU mettant dans le même panier
les forces de la RD Congo, du Rwanda et du CNDP. » Et cette
opération fut « la bombe » à laquelle ont abouti des négociations
tenues secrètes. Car « depuis le lancement de ces opérations conjointes
FARDC-Armée Rwandaise, la situation sécuritaire s’est dégradée au
Nord-Kivu et au Sud-Kivu qui sont devenus un oasis de tous les
criminels de la Région des Grands Lacs. Abandonnés à leur triste sort,
les populations des deux Kivu vivent dans l’horreur, un véritable
génocide silencieux, comme ne cesse de le dire la Conférence Episcopale
du Congo. » « Ce génocide silencieux » ne fait pas
souvent partie des sujets traités par les médias autocensurés de
Kinshasa et internationaux. Plusieurs affirment que « la paix est
revenue au Kivu ». Et nos députés récusent « tout
discours, officiel ou privé, qui prétend que la paix est rétablie au
Nord-Kivu et au Sud-Kivu. » Ils défient le gouvernement de Kinshasa,
propagandiste de ce discours sur la paix retrouvée, de « dire où sont
aujourd’hui les populations de Nyabiondo, Bukombo, Bonde, Loashi,
Nyamaboko 1er  et Luibo dans le Masisi ?,  etc. »
Ils demandent au gouvernement de Kinshasa d’expliquer « pourquoi malgré
la présence des FARDC et de la MONUC à Walungu dans le cadre de Kimya
2, les statistiques des hôpitaux enregistrent une augmentation
quotidienne des cas des viols, même des enfants de 3 ans ? »

 

Le silence serait coupable

 

Ce
que nos députés de l’Est n’arrivent pas à comprendre est que certains
de leurs collègues leur demandent de se taire à l’Assemblée nationale.
Pour ces collègues, le Kivu est un frein au décollage du Congo RD.
Voici comment les députés kivutiens  s’expriment sur
cette question : « Même dans cet hémicycle, censé être le creuset de la
démocratie et le lieu par excellence de la libre expression, on
commence à nous reprocher d’exagération à chaque fois que nous prenons
la parole pour dénoncer le calvaire sans précédent que vivent nos
populations au quotidien. Nombreuses recommandations à ce sujet ont été
prises ici mais la situation demeure inchangée et s’est empirée sur
terrain. »

Les
pages 7 et 8 de la motion incidentielle analysée reviennent sur les
questions dont le silence serait coupable. Il y a entre autres
l’installation des administrations parallèles dans plusieurs contrées
du Nord et du Sud-Kivu ; l’inefficacité d’une armée hétéroclite ;
l’aboutissement prochain du projet de balkanisation de la RD Congo,
« car comment autrement interpréter ce déploiement des militaires du
CNDP dans des coins stratégiques de nos provinces respectives qui
coïncide avec l’agitation soudaine du retour massif des prétendus
réfugiés qui viendraient des pays voisins ? » ; le détournement
constant de la solde des militaires déployés dans les zones
opérationnelles ; le traitement discriminatoire des Résistants Maï
Maï ; la reconversion des bourreaux d’hier de nos populations en leurs
maîtres d’aujourd’hui avec la bénédiction de ceux qui sont censés
veiller à leur sécurité, etc.

En
résumé, la lecture de la motion incidentielle des députés du Nord et du
Sud-Kivu révèle entre autres que le mixage des milices du CNDP avec les
autres éléments armés, les opérations UMOJA WETU et KIMYA 2
s’inscrivent dans le projet du dépeuplement de l’Est de notre pays, du
pillage de nos ressources naturelles et de la balkanisation du pays. La
responsabilité première dans la réalisation de ce projet revient à ceux
qui ont négocié secrètement ces différentes opérations, Paul Kagame,
Joseph Kabila et John Numbi compris.

En
d’autres termes, la guerre d’usure n’a pas changé ses objectifs
premiers. Elle est en train de les atteindre méthodiquement. Que les
memoranda adressés à la hiérarchie civile et militaire sur cette guerre
restent une lettre morte, cela se comprend dans la mesure où la mise en
pratique de leurs recommandations ne fait pas partie de l’agenda du
réseau d’élite initiatrice de cette guerre d’agression et d’usure. Soit
dit en passant, ce réseau est transnational. Il implique et les
Congolais de toutes les provinces et les étrangers, à commencer par nos
voisins. Nos députés le reconnaissent quand ils notent ceci : le fait
de rédiger les memoranda leur «  a valu un isolement systématique, en
amont comme en aval, dans la prise des décisions de la
gestion de la crise qui perdure dans nos deux provinces. On observerait
même une marginalisation méthodique des autres acteurs politiques et
militaires originaires de ces deux provinces au profit de ceux qui ont
pactisé hier comme aujourd’hui avec l’ennemi. »

La
motion incidentielle de nos députés revient sur les lieux communs. Elle
repose la question de la sortie du cercle vicieux dans lequel les
pyromanes sont appelés au secours comme pompiers pour un cercle
vertueux dans lequel l’exigence d’une justice juste prime.

Nos
députés pourraient-ils penser à initier une motion pour la création
d’un Tribunal Pénal International sur la RD Congo ? Ayant palpé la
responsabilité première de ceux qui sont aux commandent au pays,
pourraient-ils claquer la porte, une fois pour toutes, de cette
institution citoyenne (l’Assemblée nationale) dont la majorité
cautionne la réalisation des objectifs de la guerre d’usure en les
invitant au silence ?

Après
trois ans de dysfonctionnement des institutions dites démocratiques,
force est de constater que les outils de la démocratie ont été utilisés
abusivement au service d’un réseau d’élite transnational prédateur et
criminel. Claquer la porte de l’Assemblée nationale (comme les députés
de l’opposition institutionnelle l’ont fait dernièrement) quand
l’exposé sur le budget 2010 est placé avant la reddition des comptes de
2009 et rester au sein de cet hémicycle en sachant que les questions
liées à l’extermination de nos populations y sont marginalisées, c’est
devenir complice d’un système de la mort. Il faut chercher
l’alternative ailleurs…

Aux
dernières nouvelles, les députés initiateurs de cette motion
incidentielle devraient rencontrer ce mardi 13 octobre 2009, dans
l’après-midi, l’un des pompiers-pyromanes : Joseph Kabila.

 

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