14.10.09 Le Potentiel: Cinq questions à Martin Fayulu, par St. Augustin Kinienzi
1. La Constitution du 18 février fait déjà lobjet de tentative de révision. Quen pensez-vous?
Il ny a aucun mal à réviser la Constitution si lon se conforme aux
articles 218, 219 et 220 de la Constitution du 18 février 2006. Il est
important pour tout citoyen congolais davoir présent à lesprit
lexposé des motifs de notre Constitution avant dengager toute
discussion en cette matière.
En effet, au point 4 de lexposé des motifs, intitulé «de la
révision constitutionnelle », il écrit ceci : « Pour préserver les
principes démocratiques contenus dans la présente Constitution contre
les aléas de la vie politique et les révisions intempestives, les
dispositions relatives à la forme républicaine de lEtat, au principe
du suffrage universel, à la forme représentative du gouvernement, au
nombre et à la durée des mandats du président de la République, à
lindépendance du pouvoir judiciaire, au pluralisme politique et
syndical ne peuvent faire lobjet daucune révision constitutionnelle.
Et larticle 220 de la Constitution confirme cette volonté du
législateur et donc du peuple de ne pas toucher à ces questions
capitales. On peut donc dire que la Constitution peut être révisée sil
y a opportunité, mais il est formellement interdit de réviser la
Constitution sur les matières ci-haut citées. Nous devrons montrer
notre sens de responsabilité et de crédibilité en commençant par
respecter ce que nous avons décidé de commun en accord. Sinon, nous
allons nous engager dans une nouvelle crise de légitimité que nous
avons tous dénoncé hier. Et ça sera dommage.
2. Lopération Tolérance zéro semble appliquer la justice
à deux vitesses. Elle frappe une catégorie de citoyens mais pas
dautres. Quen dites-vous?
Pour moi, lopération Tolérance zéro, cest la matérialisation du
chantier « Bonne gouvernance» et donc elle doit concerner tout le monde
et surtout tout «Agent public de lEtat », cest-à-dire «toute personne
qui exerce une activité publique de lEtat et/ou rémunéré par ce
dernier ». Pour ce faire, il faut dabord que le pays fasse un
recensement de tous les instruments dont il dispose. Et dans cet
arsenal, il y a un précieux document que tout le monde semble ignorer;
il sagit du Code de conduite de lagent public de lEtat publié par
décret-loi n°017/2002 du 03 octobre 2002 du président de la République.
Le gouvernement doit renforcer la vulgarisation de ce Code en dotant
1OCEP (Observatoire du Code dEthique Professionnelle) des moyens
nécessaires pour sa mission. Il ne faut surtout pas que la Tolérance
zéro soit considérée comme un slogan du moment quil peut tomber dans
les oubliettes comme les autres slogans quon a entendus dans ce pays.
Il faut sinspirer de lexemple de lancien Maire de New York, M.
Rudolph Guiliani qui avait lancé la même opération dans sa ville en
1994 et cela a fini par produire des résultats que tout le monde
connaît. Lopération ne doit pas concerner seulement les menus fretins
comme en 1973 dans lEtat de New Jersey aux Etats-Unis, mais surtout
les grands. Il faut appliquer la règle 80/20, cest-à-dire 80% des
ressources nationales sont gérées par une poignée dindividus. Et le
regard doit être porté en priorité sur ces compatriotes qui gèrent des
millions de dollars de lEtat afin davoir un résultat palpable en un
temps record. Nous sommes très contents dentendre les magistrats de la
République dire quils ne vont pas tolérer la corruption. Il faut les
encourager dans ce sens, mais nous les jugerons au résultat.
3. Pourquoi à la présentation du projet de loi budgétaire pour la ville de Kinshasa, vous avez appelé à son rejet?
Si vous avez suivi les critiques des députés lors du débat sur
lexamen du rapport du gouvernement provincial sur lexécution du
budget 2009, vous alliez comprendre que lexécutif provincial na pas
réussi à démontrer quil utilisait largent du contribuable à bon
escient. Des lignes budgétaires sont en dépassement sans lautorisation
préalable de lAssemblée provinciale. Des dépenses non prévues ont été
engagées sans laval de lAssemblée. Le gouvernement provincial de
Kinshasa a voulu faire comprendre aux Kinois que cette ville ne peut
pas être bien gérer et que « même le Président américain Obama ni le
président français Sarkozy ne pourront réussir si on leur demandait de
gérer la ville de Kinshasa ». Comment peut-on accorder le moindre
crédit aux responsables de lEtat qui déclarent leur incapacité et leur
démission devant le peuple? Le projet de budget 2009 réaménagé et le
projet de budget 2010 ne reflétaient aucune vision. Il me semble que
les aspirations de la population ne sont pas bien comprises par
lexécutif provincial.
4. Le débat à la plénière de lAssemblée provinciale lors
du dépôt du projet de budget a failli tourner en duel entre le député
Fayulu et le gouverneur Kimbuta. Quest-ce qui vous divise?
Ce qui mintéresse, cest le bien-être des Kinois et pas autre
chose. Nous devons apprendre à faire la politique comme les autres le
font, cest-à-dire quil ne faut pas considérer la position de lautre
comme une attaque personnelle à votre égard. Est-ce que quelquun peut
se lever et dire telle et telle autre déclaration de Fayulu navait
rien avoir sur la gestion de la ville. Si nous tous nous devenons des
bénis oui-oui, qui va rapporter les doléances et les critiques de la
population. Je suis la voix des sans voix et je suis dans lobligation
de remplir correctement mon mandat et je crois fermement que personne
ne peut me lempêcher, sauf Dieu et le peuple, car je suis comptable
devant eux. Lauteur américain E. Burke ne dit-il pas que « pour
triompher, le mal na besoin que de linaction des gens bien ». Et moi
je ne veux pas être complice et participer au mal. Ainsi, je vous le
dis en toute sincérité, je nai aucun problème personnel avec qui que
ce soit. Il ne faut pas suivre les gens qui veulent distraire les
Kinois et amuser la galerie. Le moment est critique pour notre ville,
nous devons réussir le pari du régionalisme politique. Nous sommes tous
rnortels et nous devons seulement nous assurer que nous allons laisser
une ville ou mieux un pays prospère aux générations futures.
5. La ville de Kinshasa demeure sale et lexécutif provincial semble se conforter de la situation. Votre commentaire?
Votre constat provient de votre observation sur le terrain. Posez plutôt la question aux Kinois, ils vous répondront.
Il ne faut pas fuir le débat. La démocratie se nourrit du choc
des idées et non de la pensée unique. Nous navons pas le droit
dassassiner notre démocratie; nos enfants et nos petits enfants ne
nous pardonneront jamais ce crime. Les Congolais sont chassés de
partout et nous ne voulons pas prendre notre responsabilité pour leur
offrir un cadre de vie agréable où ils pourront sépanouir en toute
liberté. Mais je suis convaincu que la RDC va se développer. « Cest
encore possible ». «Oui, cest encore possible de reconstruire ce beau
pays ; il y a de lespoir de réussite pour cette nation bénie », nous
dit le frère Alain Moloto.