Vers un probable report des élections de 2011 en RDC (E. Bakama)

Le projet de modification viserait ainsi à
renoncer à mettre en place les 15 provinces supplémentaires prévues par la
constitution. Quant au mandat du chef de l’Etat qui est actuellement fixé à
cinq ans, passerait à sept ans et deviendrait illimité et enfin la révision
permettrait au président de la
République
de siéger au conseil supérieur de la magistrature. 

Après les démentis du 1er Président de la Cour Suprême de
Justice et du Ministre de l'information (Porte-parole du gouvernement), le
Président du Sénat Léon Kengo wa Dondo vient de couper court aux  spéculations  en précisant  sur les antennes de la Radio Okapi qu’il
s’agit d’une commission d'experts"
qui travaillent sur une possible révision de la constitution et qu'à ce jour,
les politiques attendent les résultats de cette commission.

 

La question qui mérite d’être posée est celle de
savoir comment  la commission va s’y
prendre pour faire sauter le verrou de
l’article 220 de la constitution (qui interdit toute révision constitutionnelle
portant notamment sur le nombre et la durée du mandat présidentiel et sur
l’indépendance du pouvoir judiciaire?  Quelles
 dispositions peuvent être révisées et
dans quelles conditions ?

 

Avant d’apporter quelques éléments de réponse à ces
 questions pertinentes, nous allons
examiner les trois dispositions qui font l’objet de la discussion.

a)Le découpage territorial : s’il
existe une disposition de notre constitution qui mérite d’être révisée, c’est
l’article 226 qui concerne le découpage territorial.

Au regard de cette disposition, le découpage
territorial doit être effectif endéans 36 mois qui suivront l’installation
effective des institutions prévues par la constitution. En d’autres termes, cette disposition prévoit
un délai de 36 mois pour procéder à la mise en place de nouvelles provinces,
malheureusement rien n’a été fait et en réalité, le délai expire le 14 mai
2010. Pour respecter la constitution et éviter de tomber dans
l’inconstitutionnalité, il est urgent d’envisager la révision de cet article.

Dans quelles conditions peut- on  procéder alors à la révision de cette disposition ?
En effet, pour procéder aux dispositions constitutionnelles qui ne sont pas
concernées par l’art 220, il faudrait certaines modalités.

Chaque chambre devra se prononcer à la majorité
absolue, ensuite, il faudrait réunir les deux chambres (L’assemblée Nationale
et le Sénat) en congrès pour se prononcer à la majorité qualifié c'est-à-dire
3/5. Le peuple peut réviser toutes les
dispositions par voie référendaire.

 

b)Le nombre et durée du mandat du Président de la République.

 

Pour préserver les principes démocratiques contenus
dans la présente constitution contre les aléas de la vie politique et les
révisions intempestives, le constituant congolais a affiché clairement
l’interdiction formelle(art 220 de la constitution) de réviser les dispositions
relatives à la forme républicaine de l’Etat, au nombre et à la durée des
mandats du président de la
République
, à l’indépendance du pouvoir judiciaire etc.

 

La révision de la disposition constitutionnelle
relative à la limitation des mandats présidentiels ne saurait être possible si
l’on ne touche pas préalablement à l’art 220. Ainsi, la démarche pourrait être
menée en deux temps, en commençant par supprimer l’art 220 de la constitution.

 

Qu’adviendrait-il alors si l’on passe
outre, la disposition constitutionnelle interdisant toute révision
constitutionnelle notamment pour les mandats présidentiels ?

La conséquence logique serait
l’inconstitutionnalité ou encore la violation flagrante de la constitution par
ceux qui sont censés veiller sur elle.

En outre, cette révision conduirait automatiquement
au report des élections présidentielles de 2011.

Il s’agit pas ici pour nous de se
prononcer sur l’élargissement ou non du mandat présidentielle ( de cinq à sept
ans). Si l’élargissement du mandat à sept ans peut permettre de solutionner les
problèmes que la politique doit résoudre, nous n’en faisons pas d’objection
mais l’on ne saurait cependant pas
admettre que le mandat du chef de l’Etat soit illimité. Dans le cas d’espèce,
nous devrons rester objectifs sur des questions techniques du droit sans
passion et sans fanatisme.

 

Pour certains,  le leitmotiv de cette initiative de révision, consisterait
à donner encore au chef de l’Etat, la possibilité d’élargir son mandat pour la
réalisation des cinq chantiers qui ont
pris un retard considérable. Néanmoins, même dans cette optique, le chef de
l’Etat ne devrait pas confondre sa vision avec ses fonctions, sa vision pouvant
être portée à l’infini alors que ces fonctions devraient impérativement être
limitées dans le temps pour faciliter notre jeune démocratie, dans tous les cas, il pourra après son mandat continuer à
travailler pour ses 5 chantiers sans être président, comme tous ceux qui y participent
actuellement.

 

Pour d’autres, il s’agit simplement d’un
dérive autoritaire, une manœuvre contraire à la volonté du constituant. Par
ailleurs cette attitude on le sait, n’est pas singulière des pays de la
région dont les présidents se sont
longtemps maintenus au pouvoir en utilisant les même manipulations de la
constitution et du corps judicaires.

 

Quoi qu’il en soit, en l’absence d’une
opposition forte, le peuple subira comme toujours, la volonté du plus fort.

 

 

 

c) l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Il existe sur ce dernier point un débat
juridique sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.

 

Certains estiment, que cette indépendance
justifie l’absence de toute redevabilité du pouvoir judiciaire à l’égard du
peuple au nom de qui la justice est rendue, ainsi que l’absence de toute idée
de contrôle, de surveillance, d’impulsion de la part du président de la République au nom de
qui les décisions judiciaires sont exécutées, et du ministre de la justice qui
répond de la politique judiciaire du gouvernement devant la représentation
nationale. D’où la nécessité de modifier la constitution et la loi sur le
conseil supérieur de la magistrature pour intégrer dans cet organe, le
président de la République
et le ministre de la Justice.

 

D’autres par contre, considèrent que le
pouvoir judiciaire est universellement reconnue comme un pouvoir indépendant
vis-à-vis des autres (pouvoir législatif et exécutif). Tout le monde se
souvient de la bataille qui a précédé  l’adoption de la loi portant organisation et
fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature qui a la charge de « gérer la
nomination, promotion et discipline des magistrats, garantissant ainsi leur
indépendance mais également un contrôle efficace de leur conduite. Ainsi, il
est illusoire de penser que la justice et donc, l’ordre démocratique puissent
être une réalité au Congo, sans un pouvoir judiciaire indépendant et sans un
budget conséquent.

Nous pensons que l’existence d’un pouvoir judiciaire
indépendant et efficace est la colonne vertébrale de l’Etat de droit et du
développement de notre pays.

 

La révision de la constitution pour
intégrer au sein du conseil supérieur de la magistrature, le président de la République ainsi que le
ministre de la justice serait à notre avis, un pas en arrière et une violation
de l’indépendance du pouvoir judiciaire (art 220 de la Constitution de la RDC).

Article publié dans le magazine d’infos
socioculturelle Mission Africaine, N°53 octobre-Novembre 2009. 12èm.

 

Eugène Bakama Bope

Président du Club des amis du droit du Congo.(CAD)

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