François Soudan est-il un empêcheur à penser juste ? (Mawete Makisosila)
L'historien François Fauvet n'a-t-il pas raison de
constater que "C'est le mensonge qui dirige le monde ?" Dans la
contuinuité de ce constat, il y a aussi celui de Tibor Mende, ancien haut
fonctionnaire de l'ONU, auteur de l'ouvrage : L'aide au sous-développement, qui
a dit que " L'Afrique est le continent qui détient le record du plus
grand nombre de mensonges par habitant." C'est dans ce cadre qu'entre
les articles tels que celui de François Soudan paru dans Jeune
Afrique.
"Quand on montre la lune à un sot, le sort regarde le
doigt qui lui montre la lune".
C'est cela la psychologie de
François Soudan, Colette Brackmane et tous les fossoyeurs de l'Afrique : nous
montrer ce que leurs pays et civilisation veulent que nous voyons et nous
soyons. Ils nous prennent pour des sots qui doivent regarder le doigt de celui
qui nous montre la lune au lieu de regarder la lune. Les affirmations de
François Soudant selon lesquelles les Congolais font preuve de pessimisme alors
que tout va bien en RD Congo comme ça n'a jamais été depuis l'indépendance (lire
son article dans Jeune Afrique de cette semaine), largement diffusée et
commentées par certains Congolais, qui pensent malheureusement comme lui, qui
croient que François Soudan est sincère et qu'il a lui-même vu ce qu'ils
racontent méritent d'être réexaminées à leur juste valeur. Le problème est de
savoir combien de Congolais vivant au pays voient ce qu'il prétend avoir vu ?
Quel est l'intérêt rel de son article ?
Les Congolais qui habitent au
Congo finiront par douter d'eux-mêmes et croire que ce qu'ils voient de leurs
propres yeux n'est pas réellement ce qu'ils voient. Ils souffrent donc d'une
certaine phobie.
Faisons l'effort de relire les écrits de ceux qui
distribuent les mauvaises et bonnes notes sur les questions africaines tout au
long de leurs carrières. L'apport de François Soudan est franchement discutable
: ls goûts et les couleurs ne se discutent pas, dit-on. Mais, le droit et le
devoir du journaliste ne consistent pas à choisir selon leurs couleurs et goûts,
d'informer seulement leurs lecteurs. Ce n'est pas le cas pour lui et un grand
nombre d'étrangers à l'Afrique, qui écrivent pour faire la police des esprits,
nous influencer que nous éclairer. Il n'est pas interdit au journaliste d'avoir
une opinion politique. Ce n'est pas dans le cadre de ses articles qu'il lui
revient de le faire. Dans le présent article, François Soudan ment, il a prit
position pour le pouvoir. C'est comme cela qu'il gagne son pain auprès des
dignitaires africains. Là où le bat blesse, c'est lorsqu'il veut faire croire au
monde que les Congolais sont pleurnichards et pessimistes. Il connaît donc mal
la mentalité des Congolais qui écrivent.
Mentalité des Congolais qui
prennent le risque d'écrire pour ou contre le pouvoir
Le Congolais
est un bon vivant, un Être animé de paix et d'esprit de concorde, qui aime son
pays plus que tout autre pays et qui refuse toutes sortes d'humiliation. Il est
d'une fierté maladive et apprend vite. Il refuse d'être tapé deux fois de suite
par le même ennemi ou adversaire : il connaît le passé et en tire toujours les
leçons de sa propre expérience. Même s'il apparaît à beaucoup qu'il est
inconscient, "m'enfoustiste", négligeant, -ce qui est faux-, un
VRAI CONGOLAIS EST TOUJOURS UN CONGOLAIS QUI SAIT CE QU'IL VEUT !
Il
n'y a donc plus de Congolais qui vivent au Congo et qui voient et qui sont
capables d'apprécier la situation dans laquelle se trouve leur pays ? Les
Congolais veulent des actes et non des promesses.
Il faut relire
François Soudan de trois dernières décennies pour savoir à qui il accorde blanc
sein et à qui il lance des épines. Chacun se rendra compte qu'il a souvent été
du mauvais côté. Les critiques des Congolais ne s'adressent pas que contre la
gouvernance du président Joseph Kabila. Douze ans après sa mort, le maréchal
Mobutu demeure le chef d'Etat congolais le plus critiqué. Il est même considéré
comme le responsable de la situation actuelle. Nous voudrons par cette
observation montrer à François Soudan que peu importe ce qu'il a vu, ce qui
intéresse les Congolais ce n'est pas de constater par eux-mêmes que des
chantiers ont débuté ça et là, mais de vivre une véritable politique de
continuité territoriale dans tous les domaines identifiés dans les Cinq
chantiers du président Joseph Kabila. Les critiques ne consistent pas à
l'accabler, au contraire, à l'aider à ouvrir les yeux sur les véritables enjeux
et réalisations. Il ne travaille pas pour lui-même mais pour son peuple. Il
n'est pas en compétition avec qui que ce soit parmi ses concitoyens, il n'est en
compétition que contre le sous-développement durable que connaît le pays. Ce
n'est nullement l'insulter ou le vilipender que d'affirmer que l'action de son
gouvernement ne pénètre pas suffisamment au sein de la société. Tout le Congo
est bien un grand chantier cela se conçoit. D'ailleurs, à quoi servirait d'avoir
un gouvernement si ce n'est pas pour travailler en faveur du développement du
pays ?
"Infranstructuratio
Nous
sommes parmi ces quelques rares chercheurs qui pensent que Mze Kabila et le
président Joseph Kabila ont été trompés par ceux qui leur ont pondu leurs
programmes de gouvernement. Il en est de même d'ailleurs pour leurs
prédécesseurs. C'est pour cela que les critiques méritent d'être modérées et les
responsabilité
la reconstruction nationale. En effet, pressés de profiter des richesses à tirer
des infrastructures à construire, les élites qui entourent les chefs d'Etat leur
ont proposé l'impossible à réaliser en un temps record. Pour restaurer chacun de
secteurs concernés par les Cinq chantiers, il faut en moyenne une décennie de
bonne gouvernance. Dans ce cas, il y avait certainement d'autres alternatives au
Cinq chantiers à proposer au président Joseph Kabila. A mis mandat, si une
ambition mesurée avait été définie, les résultats auraient déjà visibles,
sensibles et profitables au plus grand nombre de Congolais. Le bons sens même
aurait pousser les Congolais à commencer à apprécier les efforts consentis. Ce
que François Soudan rapporte, tel que nous l'avons compris, c'est qu'il y a des
chantiers ouverts ici et là. C'est un aveu d'impuissance intellectuelle de sa
part lorsqu'il finit par applaudir une telle situation comme une preuve de
renaissance congolaise. Ce n'est pas l'ego de qui que ce soit qui est sollicité
mais l'accès à une meilleure qualité de vie. L'empressement à obtenir des
résultats impressionnants à conduit à la confusion. Une même ambition avec une
autre méthode aurait pensons-nous permis mieux que ce qui est fait
actuellement.
Aucun planificateur loyal et honnête en matière de
développement ne peut affirmer, sans être considéré de ridicule, qu'on peut
réaliser Cinq grands chantiers englobant tous les domaines et besoins de la vie
en société en un mandat de cinq ans.
Personne ne peut demander
une telle entreprise à autrui. Ce n'est pas parce qu'il y avait urgence dans
tous les domaines qu'il était louable de tout faire en même temps au risque de
ne rien faire du tout. Les Cinq chantiers sont impossibles à réaliser en Cinq
ans même dans les Etats bien structurés comme les Etats-Unis, la Chine,
l'Angleterre, la France ou l'Allemagne. Nous vivons en Occident et nous savons
avec quelle rigueur les grands travaux exécutés jours et nuits sont réalisés.
Les pays dits développés donnent du temps au temps afin que les œuvres
accomplies par chaque génération leurs survivent. Si nous avons nous-mêmes bien
compris le président Joseph Kabila, les Cinq chantiers n'ont aucune finalité
électoraliste mais reflètent son ambition de marquer l'histoire de sa
présidence. Dans ce cas, ce n'est pas un saupoudrage qui ne fera que noyer le
poisson qui l'intéresse, mais une volonté sincère de traduire dans les faits
que "Gouverner, c'est marquer culturellement son temps." . (Mawete
Makisosila, Gouverner, c'est marquer culturellement son temps, préface à
l'ouvrage d'Armand Mavinga TSafunenga : A la recherche d'un modèle de
développement culturellement durable. Pour bâtir une Vraie et Nouvelle
République Démocratique du Congo, Pyramide Papyrus Presse, Paris, 2007).
Nous croyons qu'il s'inscrit résolument dans cette dynamique. C'est pour cela
qu'il se soucie de la compétence de ceux à qui il veut faire confiance pour
réaliser son projet. C'est en substance l'objet de son interview au Times du 4
avril 2009, dans laquelle il affirmait qu'il n'y a que 7 personnes compétentes
au Congo.
L'impossibilité de réaliser les Cinq chantiers en temps
et en heure obligera le président Joseph Kabila à solliciter un nouveau mandat
en 2011. Il se résoudra pour cela à maîtrise son offre de
développement.
Nous soutenons que les Chefs d'Etat ont été
trompés pour plusieurs raisons dont les plus importantes sont, à notre humble
avis ceux-ci :
– Il était impossible de trouver les ressources
financières, techniques, humaines, etc. nationales et étrangères indispensables
à la concrétisation de ce projet pharaonique, en ce peu de temps, compte tenue
de la conjoncture internationale marquée par une crise financière, bancaire et
boursière d'une rare ampleur depuis la crise de 1929 ;
– il est
impossible de gérer, mettre en cinq ans de l'ordre là où tout le monde est
d'accord pour reconnaître l'existence depuis la Deuxième République d'un profond
désordre institutionnel, technique et social, que personne ne peut maîtriser
seule ou en tant que gouvernement en si peu de temps ;
– l'instauration
d'un système politique démocratique occidentalisé
pratiques sociales en vigueur dans l'espace politique congolais, qui est fait de
l'exclusion des opposants dans la gestion de la chose publique bloque largement
le fonctionnement des institutions de la quatrième République. La fuite des
cerveaux et de la main-d'œuvre a privé le pays de ses travailleurs les plus
brillants dans tous les domaines ;
Les planificateurs africains
confondent tous sans distinction le développement et ce que nous appelons, faute
de mieux, " infrastrucration ". De quoi s'agit-il
? Le développement selon eux consiste à mettre en place des politiques des
grands travaux sans vérifier s'ils sont en rapport réel avec les urgences en
matière de bonheur social. Il apparaît que la demande sociale est souvent plus
simple à satisfaire que l'offre de développement, les méga-infrastrures
construites à la va vite, en vu, souvent, de se faire réélire à volonté. Les
peuples ne sont toujours pas heureux alors que les infrastrures luxueuses et
toujours qualifiées de modernes sortent du sol. La construction des infrastrures
publiques nous fait oublier l'unité profonde du développement en tant qu'état de
santé, c'est-à-dire, un état de bien-être physique, mental, social, économique,
culturelle, spirituelle, bref un état de bien-être global. Le développement
n'est ni un problème de construction des infrastructures modernes ni celui de
croissance de la production industrielle ou de la mise en oeuvre d'un climat
d'affaires favorables aux investisseurs étrangers, c'est la mise en harmonie de
l'offre et de la demande en matière de gestion des ressources, des richesses et
des déchets, qui doit aller de paire avec la création d'emplois
durables.
Relancer l'économie sans relancer l'Homme Congolais
?
Nous avons lancé ce débat lors de la visite officielle de Mze
Kabila en France, en 1998. Dans son adresse à la communauté congolaise de France
et d'Occident qui s'est largement mobilisée à cette occasion, lui, aussi,
n'avait pas caché sa détermination à "relancer l'économie congolaise, tuer le
chômage, reconstruire le pays autrement, etc. " Lui, aussi, n'avait pas
suffisament été informé par son entourage et ses conseillers à différents
échelons que le mal congolais ne consistait pas dans le manque ou l'insuffisance
de grandes infrastructures qui caractérisent un pays développé, mais dans une
certaine crise de l'homme. C'est l'homme qu'il falait d'ord
relancer.
Nous ne croyons pas à la mauvaise vcolonté politique
des chefs d'Etat africains. Nous croyons qu'ils sont souvent dépassés par
l'ampleur des magouilles commises par ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre
leurs politiques.
L'état dans lequel se truve un pays ne peut
pas dépendre de la bonne ou mauvaise volonté du seul chef d'Etat mais de toutes
les valeurs partagées par tous ceux qui ont des responsabilité
niveaux. Le rapport des élites avec leurs cultures et les intérêts étrangers
déterminent l'évolution des Etats africains. Dans un contexte mondial dominé par
l'économie de la prédation et de la violence, ne gagnent des batailles
politiques et économiques majeures que ceux qui font preuve de loyauté, de
lucidité et de foi en leurs idées.
"Les batailles les plus
meurtrières se font en temps de paix. Elles se font par la
désinformation.
Ainsi pensent les stratèges de toutes
origines. Il y a plus des morts en temps de paix avec la crise économique et la
dégradation des valeurs et des institutions autochtones. C'est cela qu'il faut
craindre des opinions telles que celles de François Soudan. Ceux qui considèrent
que tout va bien lorsque leurs intérêts sont préservés sont légion en ce qui
concerne le discours sur l'Afrique. A la demande de mieux être ete de mieux
vivre, on ne propose aux Africains, la démocratie, les élections au quotidien,
les brasseries, les crèmes éclaircissantes, le sida, etc. Ecoutez la chanson de
Sam Mangwana intitulée "Colon gentil", dans laquelle il cite cette
situation paradoxale dans lquelle se trouve l'Afrique. On donne toujours aux
Africains ce qui n'est pas bon pour eux. On leur applique ce principe qui veut
que " Ce qui est bon pour l'Occident est bon pour l'Afrique."
Combien d'entre nous savent que seul l'historien français considérait que
l'Afrique a une civilisation. Il y a de quoi à ne pas s'étonner que certains
affirment que l'Afrique n'est pas encore entrée dans l'histoire.
Il y a donc
trop d'allusions dans l'article de Francçois Soudan qui méritent que
l'intelligentsia congolaise étudie. Ce n'est pas un honneur d'aillerus fait au
gouvernement congolais lorsque François Soudan étale les réalisations en cours.
"Si ton ennemi te donne un conseil, fait le contraire de ce qu'il t'a
proposé" disait Cicéron, grand stratège grec de l'Antiquité.
L'alternance électorale n'est pas une alternance démocratique.
Plaidoyer pour un dépassionnement du débat.
Entre 1960 à ce
jour, tous les pays africains ont changé au moins une fois de chef d'Etat.
beaucoup l'ont fait plusieurs fois, pacifiquement ou violement, par coup d'Etat,
la situation ne s'est pas trop améliorée et s'est même dans beaucoup de pays
très largement dégradée. L'opinion africaine est toujours tendue, attentive à
des solutions miracles qui ne surviennent pas.
C'est vers un dépassionnément
du débat que nous devrons tendre. Nous ne devrons pas avoir peur de débattre.
Les raisons légitimes qui poussent à applaudir ou vilipender tel chef d'Etat ou
tel autre politique sont souvent subjectives, suggérées et orientées par les
représentations livrées par l'opinion étrangère dominante. Ce qui explique que
l'opinion étrangère se substitue continuellement à l'opinion nationale.
Autrement dit, l'opinion publique est en réalité une opinion étangère. Les
Congolais qui ont commenté l'article de François Soudan l'ont fait
sentimentalement, sans argumenter. Ils ont été pris dans le piège du
prêt-à-porter conceptuel. Sont-ils eux-mêmes et leurs familles heureux de vivre
la situation actuelle du Congo ? S'ils sont sincères, ce qu'ils ont un problème
: qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent de leur pays. Notre propos est
d'affirmer que la situation est difficile et ne peut être traitée à la légère.
Nous sommes conscients que la conjoncture internationale accroît les
contraintes. Il nous faut donc travailler dans le durable que dans le
provisoire. François Soudan applaudit le provisoire : il est contre la
Renaissance congolaise. Le gouvernemetn congolais n'a pas besoin
d'applaudissements, y compris dans la perspective de préparer sa rélection, il a
besoin de fédérer les compétences congolaises éparpillées à travers le monde
pour fonder sa légitimité par un consensus autour de son action. Adhesion n'est
pas conscience.
Rien ne se fait ?
Le Congo
travaille et se transforme depuis son indépendance. Il se trouve confronté en
permanence aux défis de la pertinence du contenu, du taux de couverture
nationale et du rythme de la mise en oeuvre des différentes politiques de
développement qu'il a adoptées. C'est la prise de conscience et la prise en
charge de ces problématiques par les institutions nationales qui méritent d'être
abordées que des applaudissements intéréssés. Combien de nouvelles autoroutes,
écoles, universités, conservatoires, ponts, cités, etc. qui sont déjà construits
à 30, 50 ou 70% François Soudan a dénombré pendant son séjour au Congo ? C'est
en ces terms qu'il doit informer et éclairer l'opinion. Que François Soudan
reprenne sa bésogne inachevée. Ce sera à son honneur de ne plus accabler
l'opinion africaine.
Mawete Makisosila
Homme de culture
Chercheur
et consultant – Paris