Qui tue, vole et viole à lest du Congo (RD). Retour sur le dernier rapport de HRW (JP Mbelu)
Cet avis
est pour HRW le fruit des missions denquêtes menées à lest de notre
pays. « Human Rigths Watch a mené 21 missions denquête sur le terrain
dans le Nord Kivu et le Sud Kivu entre janvier et octobre 2009, et a
constaté que des soldats de larmée congolaise avaient tué délibérément au moins 505
civils depuis le début de lopération Kimia II
entre mars et septembre. En outre 198 civils ont été tués délibérément
par des soldats de larmée congolaise et leurs alliés de larmée
rwandaise lors dune opération conjointe précédente qui a duré cinq
semaines et connu sous le nom dUmoja Wetu, fin janvier et en février ». En plus des soldats
de larmée congolaise et leurs alliés de larmée rwandaise, HRW « a
aussi documenté les attaques brutales menées en représailles par les
milices FDLR, qui sen sont pris délibérément aux civils congolais en
réponse aux opérations militaires du gouvernement. De fin janvier au
mois de septembre, les milices ont tué au moins 630 civils, nombre
dentre eux dans les régions de Ziralo, Ufumandu et Waloaluanda, à la
frontière entre les provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu. »
Présente
aux côtés de larmée congolaise, la Monuc est accusée par HRW davoir
soutenu des opérations ayant conduit à la commission des crimes de
guerre.
Une
première lecture du rapport de HRW donne limpression que lon est en
présence dun texte très bien documenté. Mais une autre lecture suscite
des doutes sur lidentité des forces en présence et soulève des
questions sur la politique miliaire menée chez nous.
Une
relecture citoyenne de notre histoire depuis le mois de janvier 2009
nous pousse à poser certaines questions : « Où sont passées les forces
soutenues par le Rwanda et opérant sur notre territoire ? » Le
récent rapport de HRW ne peut apporter de réponse à cette question. Or,
cest un secret de polichinelle : des Interahamwe recyclés au Rwanda,
des démobilisés de larmée rwandaise, des CNDP et des RCD acquis à la cause du Rwanda ont infiltré notre armée. Certains parmi eux sont aux commandes de lopération Kimia II. (Lun de nos articles intitulé Kimya II et ses secrets
avait, en son temps, cité certains noms dInterahamwe recyclés au Rwanda et participant à cette guerre dagression.)
Donc, il y a, à travers la façon dont lhistoire « officielle » de notre pays continue dêtre écrite à partir de New-York, des essais de sa falsification préjudiciables pour les générations futures et pour les amnésiques dentre nous.
Le
site de Benilubero traitant de lidentité des tueurs, violeurs et
pilleurs de ces derniers mois publie un article qui note : « Lidentité
des assaillants se dispute entre la population locale, pour qui les
assaillants sont des militaires CNDP/FARDC (dune part) et (dautre
part) le gouvernement, la Monuc et les Humanitaires pour qui les
assaillants sont des FDLR et les Maï-Maï Pareco. »
Le modus operandi
des assaillants (tuer, violer, piller, couper les membres et incendier
les habitations) donne beaucoup plus raison à la population locale
quaux officiels. « En lisant les versions officielles, note cet
article, on découvre que la population est la seule capable de bien
identifier les assaillants car lors des attaques les officiels du
gouvernement, la Monuc et les Militaires congolais ne sont jamais
présents sur le lieu du crime. Ils arrivent toujours quand le crime est
déjà commis. » (Lire Lubero : 6 morts et 150 maisons incendies à Busereka)
Connaissant
lidentité des assaillants, la population sorganise pour protester et
résister. «Le cas de la cité de Lubero où la population a brûlé un
véhicule de la Monuc et détruit certaines installations des ONG
internationales est un signe que la population voit et vit autrement la
paix annoncée par le régime de Kinshasa. En effet, le 28 octobre, la
cité de Lubero était paralysée parce que la population ne veut pas de
la présence de deux commandants anciens CNDP soupçonnés dentretenir
linsécurité sur laxe Kanyabayonga-Musienene. » (Ibidem)
Disons
que du point de lécriture de lhistoire « officielle » de notre pays,
le mixage et le brassage des CNDP et des FARDC, dans la précipitation
pour le besoin « de la paix des cimetières » vont de plus en plus être
mis en parenthèse. La responsabilité des officiels « Congolais » dont
Joseph Kabila et John Numbi dans cette opération de la mort semble être
évacuée de cette écriture de lhistoire. Demain, nos fils et filles
risquent de lire dans les archives de notre pays que larmée congolaise
a tué les populations civiles à lest de notre pays sans que les
détails concernant les Interahamwe recyclés au Rwanda, les militaires
du RCD demeurés inamovibles à lest et ceux du CNDP fidèles au Rwanda
ainsi que les accords secrets signés entre le Rwanda de Kagame, Joseph
Kabila et John Numbi soient mentionnés.
Et
puis, suffit-il de fustiger les assaillants et leurs complices pour
faire avancer lhistoire de notre pays ? Le dernier rapport de HRW
soulève tout un tas de questions auxquelles, nous, Congolais(es)
devrions toujours chercher à répondre. « Pourquoi la guerre se
poursuit-elle à lest de notre pays ? » Depuis le départ de Mobutu de
la présidence du pays jusquà ce jour, lenjeu principal na pas changé
pour les acteurs majeurs de cette guerre dusure : esclavagiser
les populations congolaises et piller leurs matières premières
stratégiques sans en payer le prix réel en prenant appui sur les
sous-traitants de la région des Grands-Lacs. Tant pis si cela aboutit à
la balkanisation du pays ! Lenvoi des criminels de guerre à la Cour
Pénal Internationale peut-il convaincre les acteurs majeurs de la
guerre qui sévit chez nous dy renoncer ? Non. Souvent, quand « les
cosmocrates » se débarrassent de certains de leurs sous-traitants,
cest signe quils en ont déjà préparé dautres. Est-ce un hasard que
la porte-parole de lex-procureur en chef du Tribunal pénal pour lex-Yougoslavie a sous-titré son livre publié en 2007 (Paix et châtiment) « les
guerres secrètes de la politique et de la justice internationales » ?
Est-ce un hasard que Florence Hartmann –parce que cest delle quil
sagit- soit poursuivie aujourdhui par la même justice internationale ?
Cest
vrai. Il faut juger tous les criminels impliqués dans la guerre chez
nous. Mais Bosco Ntanganda par exemple est-il plus criminel que Paul
Kagame et les autres initiateurs des opérations Umoja Wetu, Kimia I et II ?
Quand est-ce que les entreprises cotées en bourse au Canada et ayant
financé cette guerre dagression pourront-elles faire lobjet des
pressions « des maîtres du monde » pour quelles rendent compte de nos
six millions de morts devant la justice ?
Les
rapports falsificateurs de notre histoire ne participent-ils pas de
cette politique des pompiers pyromanes ? Cela dautant plus que
plusieurs ONG internationales sont aujourdhui la main civile de
limpérialisme occidental !
Il est peut-être plus que temps pour
que, connaissant le mode de fonctionnement de toutes ces machines de
défense de droits de lhomme et autres machins, nous puissions, nous
Congolais(es) assumé(e)s notre rôle de citoyens et citoyennes actifs de
notre histoire en organisant, le plus que nous le pouvons, des
contre-pouvoirs intellectuels, spirituels, culturels et
socio-politiques pour résister (au niveau local, régional et
international) contre cette guerre dusure et dautres qui pourront la
suivre. Les multinationales occidentales qui sen servent pour nous
piller sont, pour la plupart, plus puissantes que leurs Etats. Souvent,
elles se servent des hommes et femmes politiques du Nord comme garçons
et filles de course pour réaliser leur profit maximal. La rhétorique
sur la démocratie et le respect des droits de lhomme cache, souvent,
lhypocrisie de ceux qui, tuant par sous-traitants interposés,
voudraient convaincre quils croient en la capacité dautodétermination
et dautogouvernement des peuples.
Dieu
merci ! Plusieurs dentre nous ont compris. Nos populations de lest
aussi. Elles se sont engagées dans une dynamique de lutte pour la
liberté, légalité et la paix que plus rien ne pourra arrêter. Leurs
enquêtes de terrain sont imbattables. Elles ont compris quil ny a pas
de pain sans paix.
J.-P. Mbelu