11.11.09 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS A OLIVIER CHAZY

 

1. Pouvez-vous nous faire une brève présentation de l’association Karibu Kinshasa ?

Je vis en France et préside une association « Emmaüs Liberté » qui
est au service des personnes sans abris. Notre organisation, fondée par
un prêtre, l’abbé Pierre, est implantée dans 42 pays, et a pour mission
de lutter contre la misère et ses causes en rendant leur autonomie aux
personnes exclues.

J’ai créé, par ailleurs, en France une association qui
accueille des familles migrantes africaines, et à qui nous offrons un
toit provisoire en l’attente de leur relogement. Cette association
s’appelle Karibu. Je suis venu en 2002 à Kinshasa invité par une
famille de N Djili, qui avait vécu dans notre maison de France et dont
j’avais été le tuteur des enfants. C’est cette rencontre qui m’a ouvert
le chemin de Kinshasa. Notre mission consiste à soutenir la
réunification familiale des enfants des rues de Kinshasa à l’aide de
micro-crédits, d’aides financières à la scolarité et aux soins, de
formations à la gestion, au droit, aux activités génératrices de
revenu. Nous soutenons en outre quelques familles misérables habitant
Kinkolé.

2. Qu’est-ce qui justifie le choix de vous établir à
Kinshasa plutôt que dans une autre ville de la République démocratique
du Congo ?

Un occidental ne vient pas spontanément au Congo ni à Kinshasa. Il
faut des circonstances particulières qui ont pour moi été réunies grâce
à l’amitié d’une famille congolaise. Mon appartenance à Emmaüs Liberté
m’a ouvert le cœur et l’esprit à la souffrance que j’ai rencontré à
Kinshasa. Une fois sur place, j’ai fini par trouver des Congolais
déterminés, intègres, prêts à mener le combat contre la misère. C’est
grâce à eux que l’action continue. Aujourd’hui, nous accompagnons 134
enfants appartenant à 114 familles, avec 6 salariés et trois
superviseurs, en partenariat avec la coordination des associations
s’occupant des enfants des rues REEJER qui regroupe 170 asbl. Nous
constatons une grande motivation des enfants et de très bons résultats
scolaires. En revanche, une partie de leur famille restent dans la
misère. Soulager cette misère est très difficile, mais c’est une joie
profonde ; j’ai toujours présent sous les yeux les visages lumineux de
ces mamans pleines d’amour pour leurs enfants ; nous voulons être à
leur service, car cela répond à l’appel de Dieu lui-même, qui s’est
fait serviteur.

3. Quel regard portent les pouvoirs publics et la population sur votre action ?

Les pouvoirs publics estiment notre travail. La loi de protection de
l’enfance est une avancée importante. Nous recevons également l’estime
de la population, mais il faut une longue patience pour que quelqu’un
découvre que le service des plus souffrants est une tâche exaltante qui
doit être désintéressée et faite avec rigueur. Je saisis l’occasion,
ici, pour m’adresser aux autorités, et en particulier à la banque
centrale parce que notre association a été victime des errements d’une
structure financière soutenue par la coopération allemande (la GTZ), et
qui a fait faillite, les responsables ayant vidés les caisses. Notre
avoir et celui de milliers de petits épargnants ont été bloqués, et cet
argent fait défaut pour aider les familles misérables. Nous devons
encore poser la question aux forces de l’ordre : pourquoi rackettez
vous les familles pauvres ? C’est l’une des causes de départ des
enfants à la rue. Voulez vous voir les enfants dans leur famille ou
dans la rue ?

4. Quelles sont les causes de la présence des enfants
dans les rues de Kinshasa, combien y en aurait-il et quels sont les
dangers qui le guettent ?

D’après l’UNICEF il y a 13 900 enfants mineurs dans les rues de
Kinshasa, le chiffre réel est nécessairement plus élevé. Il y a deux
causes essentielles au phénomène des enfants des rues dans le monde
entier, l’urbanisation non maîtrisée et la misère. La majorité de
enfants que nous suivons ont fui parce qu’ils avaient faim. La place
d’un enfant est dans sa famille et à l’école, elle n’est pas dans la
rue. Celle-ci est dangereuse pour lui, la violence y est omni-
présente, et le détruit Aujourd’hui on trouve des nouveaux nés dans la
rue avec leur mère de 12 à 14 ans, ce sont des tragédies qui laissent
des traces très profondes toute la vie.

5. Existe-t-il une solution à ce phénomène, selon vous ?

Les solutions existent mais sont difficiles d’accès. Il faut que la
population mange à sa faim, et pour cela il importe de construire les
infrastructures nécessaires à l’écoulement de la production agricole
vers les villes. On peut également agir à la base, en mettant à l’abri
les enfants ou en les ramenant dans leurs familles, comme le
recommandent l’UNICEF et la Banque mondiale. D’après une enquête de
cette dernière sur Kinshasa, 55% des enfants vivant dans la rue
désirent revenir dans leur famille, mais les forces manquent pour ce
travail.

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