Obasandjo, le Rwanda et la guerre d'agression du Congo. Essai de remise en question des appartenances d'un médiateur (JP Mbelu)
1. L'apport des NTIC et le lobby étasunien
Si les NTIC nous ont permis de comprendre (à
partir d'un site Internet comme celui de Benilubero et des SMS reçus de
nos amis du Grand Kivu) que l'identité de nos agresseurs n'a pas
beaucoup changé, la question du lien probable entre ces agresseurs,
leurs commanditaires et la médiation pour la paix ne nous semble pas
avoir fait l'objet d'une étude assez approfondie dans les médias
Congolais.
Le dernier numéro spécial du Le Monde diplomatique, Bimestriel n° 108 de décembre 209-janvier 2010, intitulé Indispensable Afrique(que nous recommandons à la crème intellectuelle Congolaise), vient jeter un tant soit peu de lumière sur cette question.
Son premier article intitulé Le « black business » cynique des Etats-unis nous aide à comprendre le lien entre les entreprises multinationales, le Rwanda et la médiation d'Obasandjo.
C'est
cet article que nous allons étudier. Son auteur, Jean-Christophe
Servant nous informe que « le 19 décembre 2006, M. Olusegun Obasanjo,
président sortant du Nigeria, était l'invité d'honneur d'un dîner
organisé dans la grande salle du Waldorf-Astoria à New York ». (p.6)
Les trois principaux investisseurs dans les hydrocarbures au Nigeria
(Chevron, ExxonMobil et Sell Nigeria) étaient représentés à ce dîner.
L'organisateur du dîner était M. Andrew Young, « figure emblématique du
mouvement pour les droits civiques, et cofondateur de la société
GoodWorks International (GWI), dont le siège se trouve à Atlanta ».
(p.6-7)
Qu'est-ce
que GWI? A quoi travaille-t-il?« GWI est un cabinet de conseil et de
lobbying qui, nous précise Laoulu Akane, correspondant aux Etats-unis
du quotidien nigérian The Guardian, « a tiré sa fortune de ses relations avec Obasanjo » (p.7) dont il facilite l'opacité des revenus. Notons bien: « le cabinet effectue des missions de « polissage d'image » pour le Nigeria, l'Angola, la Côte d' Ivoire, le Bénin, ou plus récemment pour le Rwanda et la Tanzanie, qui lui ramènent au minimum 220 000 euros par an.
Il travaille aussi pour plusieurs grandes sociétés américaines telles
que chevron-Texaco, mais aussi General Electric, Motorola, Mosanto ou
Coca-Cola, qui cherchent à pénétrer les marchés africains (ou à y
confirmer leur pénétration) ». (p.7. Nous soulignons)
De
ces citations, il ressort qu' Olusegun Obasanjo travaille avec un
réseau transnational (GWI) qui polit (améliore) son image, celle d'un
pays impliqué dans la guerre d'agression au Congo et celle de certaines
multinationales intéressées par les ressources du sol et du sous-sol
africain. Que ce Monsieur puisse vanter l'amélioration des relations
diplomatiques entre le Rwanda et la RD Congo pendant que plusieurs
compatriotes ne savent rien des accords secrets conclus entre entre les
deux pays avant le déclenchement de l'opération conjointe Umoja Wetu, cela nous semble participer de cette opération de polissage de l'image du Rwanda.
Il en va de même de tous ces récents rapports gommant le rôle du Rwanda
(à travers ses supplétifs du CNDP) dans les crimes de guerre et contre
l'humanité qui se commettent au quotidien à l'est de notre pays.
2. L' Alliance Sud-Sud contre le capitalisme sauvage
Il
est vrai que le travail de lobbying est reconnu officiellement aux
Etats-Unis. Ce qui inquiète, c'est le cynisme avec lequel il est mené
et la confusion qu'il entretient entre les intérêts platement
capitalistes (sauvages) et les questions d'ordre politique. Les
lobbyistes ou leurs amis deviennent des médiateurs dans la recherche de
la paix des cimetières au cours des guerres de prédation provoquées par
« les cosmocrates » qui financent les cabinets de lobbying chargés de
polir l'image de leurs sous-traitants transnationaux. La politique est
prise en otage par les oligarchies d'argent.
Il
est important pour les journalistes Congolais et pour une certaine
élite politique et intellectuelle alternative Congolaise d'approfondir
ce genre de question. Cet approfondissement pourrait conduire à la
remise en question permanente de multiples appartenances des médiateurs
qui sont souvent imposés dans les conflits et la guerres que nous
connaissons et sur les critères de leur choix. L'affairisme, le
clientélisme et le cynisme marquent profondément l'expansion du
capitalisme sauvage à travers notre continent. Il prospère là où il
crée des désastres. Souvent (pour ne pas dire toujours), les
sapeurs-pompiers participent de la pyromanie.
Si
nous voulons inventer une autre Afrique et un autre Congo, notre
rapport aux capitalistes du désastre doit être chambardé du tout au
tout. L' Alliance Sud-Sud initiée par Hugo Chavez et Mouammar Kadhafi
devrait devenir l'un des horizons incontournables de toutes nos luttes
présentes et à venir. Pour cause. Le capitalisme sauvage peaufine au
quotidien les stratégies d'ensorcellement de nos coeurs et de nos
esprits. Et pourtant, il a atteint, comme dirait Amin Maalouf, un
niveau d'irresponsabilité morale très très avancée. Faire de l'
Alliance Sud-Sud l'un des horizons de nos luttes présentes et futures
devrait dorénavant être compté parmi nos raisons de vivre et/ou de
mourir.
J.-P. Mbelu