17.11.09 Le Potentiel: Cinq questions à Robert Levi , par St. Augustin Kinienzi

1. A quoi tient la brusque floraison d’institutions bancaires
en République démocratique du Congo dans le contexte d’une économie en
crise?

La floraison des banques en République démocratique du Congo ne date
pas de la période de crise. Les gens on initié les démarches avant la
crise, justement à l’époque où l’économie présentait des signes
encourageants. Des institutions financières de certains pays sont très
liquides et profitent de cette abondante manne pour investir sur un
marché comme celui de la RDC ou il y a encore aujourd’hui sous
bancarisation. De plus, l’Afrique centrale est souvent laissée pour
compte. Et je pense qu’aujourd’hui, toutes ces institutions ne peuvent
pas ignorer la RDC. On n’arrête pas de dire que c’est un des pays le
plus riche du monde, et dont on ne cesse de vanter le potentiel.
Matérialisons ce potentiel qui est d’abord humain en le canalisant vers
une économie structurée et plus formelle grâce au système bancaire.
D’abord il y a une vraie richesse et donc stratégiquement c’est
intelligent de vouloir venir en RDC.

2. La BCC a initié l’opération vente des devises par voie
d’adjudication pour tenter de juguler l’inflation. Malgré cette
opération, la décote du franc congolais va s’aggravant. A quoi
attribuez-vous cette situation?

Les interventions ponctuelles d’une banque centrale pour essayer de
juguler l’inflation, c’est une chose. C’est ce que j’appelle « mettre
un sparadrap sur la paie ». Mais cela ne veut pas dire guérir la plaie.
Car il faut savoir pourquoi cette plaie ne se cicatrise pas. Pour avoir
des devises dans un pays, il faut qu’il y ait une économie qui tourne.
Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte de crise et l’économie est à
l’arrêt. En plus de cela, c’est la priorité des priorités, il faut
offrir une sécurité juridique aux gens qui travaillent dans notre pays
et à ceux qui veulent venir y travailler. C’est une condition sine qua
non pour penser développer une économie moribonde.

3. Depuis quand votre banque est installée en RDC, d’où vient-elle et que prévoit son plan d’extension?

La TMB est en fait une banque familiale. Ses promoteurs sont au
Congo depuis le début du siècle passé. Nous sommes opérationnels depuis
fin 2004 au Katanga, et 2008 à Kinshasa. Et je pense que nous sommes la
seule banque ayant un siège en province. Notre souhait est d’être une
banque vraiment congolaise, raison pour laquelle nous avons ouvert un
très grand siège sur Kinshasa et nous avons également racheté une
grande partie des bâtiments de la Banque du peuple, pour justement être
une banque à réseau. Moi, j’ai toujours pensé que la banque doit
d’abord s’adresser au marché intérieur, c’est-à-dire tout le monde a
droit à un compte en banque. On n’a pas droit de discriminer quelqu’un
parce qu’il a peu de moyens, en lui refusant l’accès au système
bancaire. Je crois que cela va à l’encontre du droit fondamental de
tout citoyen de sécuriser l’argent dont il dispose; Et la banque doit
être là pour lui offrir ce service. Le Congo, c’est un pays de plus 60
millions d’habitant mais, il y a à peine quelque centaines de milliers
de comptes bancaires. Ce qui veut dire que la route est ouverte. Mais
pour qu’on ait confiance dans les banques, il faut des mesures
d’accompagnement du gouvernement. On ne peut pas développer le secteur
bancaire si à tout moment le secret bancaire est enfreint, si à tout
moment on fait comprendre aux opérateurs que dans les banques des
informations peuvent être divulguées. Il ne s’agit pas de camoufler les
transactions illicites d’opérateurs, mais il faut les rassurer et
respecter le secret des affaires. Donc, c’est notre travail à nous
d’offrir un service et garantir cette discrétion mais il y a aussi le
travail de l’Etat qui est de dire à tous : « Passez par le circuit
bancaire, vous serez protégés ».

4. Quelle catégorie des clients sont chez TMB et quels services leur offrez-vous?

Ma première réalisation aura eté d’avoir créé la banque de proximité
en RDC. Quand j’ai démarré la banque, j’étais le premier à m’intéresser
aux gens qui travaillaient dans l’informel et qui n’avaient pas de
comptes en banque. Et c’est donc moi qui ai popularisé ceci; quand je
dis moi, c’est la TMB et justement la TMB a une vocation de banque
universelle. Mais je veux une bancarisation du pays; bancarisation veut
dire aussi aller dans des endroits où il n’y a pas nécessairement une
rentabilité immédiate, On parle des banques qui viennent massivement,
et c’est normal de ressentir cette concurrence parce les banques sont
toutes sur la capitale et très peu présentes ou actives en province. Il
est important d’aller à l’intérieur du pays, de montrer aux populations
que nous ne sommes pas des opportunistes et que la richesse se mérite
en allant la chercher, qu’on n’est là parce qu’il y a du minerai ….
On oublie tout le temps l’agriculture, une série de développements que
les bailleurs de fonds soutiendraient volontiers. Il y a tant d’espoirs
et de défis à relever.

5. Contrairement aux autres institutions bancaires, pourquoi TMB ne fait pas autant de publicité sur ses activités?

Nous faisons de la publicité. Mais il y a une manière de véhiculer
certains messages. Dans la ville de Lubumbashi, où j’ai commencé, j’ai
fait beaucoup de publicité et puis avec la crise, je me suis dit:
est-ce que ce n’est pas indécent de dépenser des sommes pareilles dans
des panneaux publicitaires par exemple, alors qu’on a une population
qui n’a pas de quoi manger? Ces sommes épargnées pourraient être
dédiées à du micro-crédit ou encore la construction d’écoles dans les
villages. C’est ce que j’appelle le marketing social. Je ne veux pas
faire la promotion de la TMB de cette manière-là, pendant qu’à quelques
kilomètres de moi, il y a des gens qui n’ont pas le minimum vital.

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