25.11.09 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Jean-Marc Laplace par St. Augustin Kinienzi

 

1. Le secteur du fret maritime congolais connaît de difficultés. Comment Safmarine entend-elle opérer pour relever ce secteur ?

Safmarine opère dans le secteur du fret maritime congolais comme
tout armateur qui oeuvre dans les navires. Or, il se fait que la RDC
fait face à un problème : les frais d’escale sont très élevés, par
exemple le coût de pilotage de la Régie des voies maritimes (RVM) pour
les navires – cas du navire moyen de chez Safmarine, pour monter et
descendre le fleuve- s’évalue à 60.000 euros, soit environ 90.000
dollars. Quand un bateau est chargé au maximum de 5.500 tonnes et qu’on
a cette cargaison à décharger à Boma et à Matadi, que l’on a la chance
de repartir avec 5.500 tonnes, – ce qui n’est pas évident parce que les
exportations en RDC sont assez limitées- il y a presque 100 dollars
américains à payer par tonne. Ce qui couvre seulement la facture de la
RVM. A cela s’ajoute la facture manutention de l’Onatra. Et là encore,
l’Onatra fait avec les moyens qu’il dispose. Nous sommes obligés, nous
armateurs, de recourir aux services des engins privés pour effectuer
certaines opérations que l’Onatra n’est pas à même d’assumer dans les
délais raisonnables. Ce qui influe aussi sur le coût des escales. Dans
ces conditions, il faut ajouter à la facture officielle de l’Onatra
celle des tiers qui interviennent dans des opérations que l’Onatra
aurait dû effectuer. C’est cela qui explique les taux élevés de fret
vers la RDC.

2. Avec la construction du pont Kinshasa-Brazzaville, la RDC
perdrait une part importante de son marché sans la construction d’un
port en eaux profondes. Comment percevez-vous le problème à Safmarime ?

Le pont Kinshasa-Brazzaville est une opportunité pour la RDC, comme
toute ouverture ; même si elle peut entraîner des changements dans
l’organisation des trafics. Il ne faut pas oublier que l’extension du
port de Pointe-Noire ne sera effective qu’en 2035. Enfin, pour que les
trafics destinés à la RDC transitent réellement par Pointe-Noire, il
faudrait que ce port soit organisé différemment de ce qu’il est
aujourd’hui. Il faudrait aussi qu’il y ait une route et un chemin de
fer efficaces. Quel sera l’état des voies de communication en 2035 ?
Personne ne peut le prédire. Je pense, pour ma part, que les ports du
Bas-Fleuve continueront à jouer un rôle essentiel dans le trafic
maritime de la RDC. Et la remarque faite pour Pointe-Noire et
Brazzaville vaut aussi pour le port en eaux profondes de Banana. Ce
port, s’il a pour hinterland la région de Kinshasa, il faut qu’il y ait
des voies de communication performantes entre Banana et Kinshasa. Ce
qui implique, entre autres, un contournement complet de la ville de
Matadi, parce qu’on ne peut imaginer que tous ces trafics passent par
la route actuelle qui sinue au milieu de la ville de Matadi, entre le
pont Maréchal et le pont Mpozo. Construire le port en eaux profondes de
Banana, c’est une chose, mais il faut surtout penser à la connexion
avec la région qu’il dessert. Je pense que le port de Matadi a encore
un bel avenir.

3. Quelles ambitions affiche Safmarine dans un secteur où l’opérateur public est presque inexistant ?

Pour nous, la Compagnie maritime congolaise (CMDC) est loin d’être
inexistante, parce que la plupart des lignes maritimes qui desservent
la RDC aujourd’hui ne font que le trafic des containers. Il y a deux
lignes qui continuent à faire conjointement du container et ces qu’on
appelle du conventionnel. Elles sont justement exploitées par la CMDC
et Safmarine. Donc, nous sommes directement concurrentes, l’une et
l’autre. Bien sûr, Safmarine exploite d’autres lignes à part l’Europe
du Nord. Et la CMDC exploite exclusivement la ligne Anvers- Matadi. Son
service est performant, les taux de fret à ses clients sont très
concurrentiels.

4. Que faire pour aligner la RDC au réseau multimodal du transport ?

Le multimodal existe déjà en RDC, même s’il ne concerne aujourd’hui
que principalement à l’import des containers pour Kinshasa et à
l’export du bois. En amont, la desserte maritime de la RDC est déjà
organisée par les lignes conteneurisées comme Maersk Line, CMA et NDS
pour permettre un service multimodal complet. Les ports du Bas-Fleuve
sont desservis par ces lignes via des navires feeders qui acheminent
leurs containers depuis des ports de transbordement situés sur la côte
ouest-africaine comme Pointe-Noire. La RDC a été précurseur du
transport multimodal. On exportait par Matadi le cuivre du Katanga
depuis Lubumbashi. C’était déjà du multimodal. Ces exportations
passaient par le chemin de fer, la voie d’eau, puis à nouveau le chemin
de fer entre Kinshasa et Matadi. Maintenant, on parle de nouvelles
lignes de chemin de fer, de routes ; c’est peut-être une nouvelle
opportunité de desservir au départ des ports maritimes de la RDC des
régions éloignées ou plus à l’Est du pays qui, aujourd’hui, sont
desservies par la côte Est de l’Afrique.

5.Qu’est-ce qui attire Safmarine en RDC et comment entend-elle participer aux cinq chantiers de la RDC ?

Safmarine c’est l’héritière de la Compagnie maritime belge (CMBT
sœur aînée de la CMZ) et cela fait presque 100 ans que nous sommes
présent en RDC. Notre présence aussi séculaire se justifie dans la
mesure où nous avons un savoir-faire et croyons, comme j’ai souvent
l’occasion de le dire, aux ports maritimes congolais. Tous nos navires
font escale systématiquement à Matadi et à Boma. Mais nous avons aussi
ouvert, à la demande des clients locaux, une escale régulière au port
de Banana. Nous croyons en ce pays, en son potentiel et dans la mesure
de nos possibilités, si une escale est économiquement rentable, nous
l’inscrivons sur nos rotations. Comme c’est le cas pour Banana. Il est
évident que par exemple la région du Bas-Congo a un potentiel à la fois
énergétique mais aussi agricole évident. La seule façon de se
développer pour cette région, c’est effectivement d’avoir une
interconnexion avec le reste du monde. C’est là que nous pouvons jouer
notre rôle dans cette connexion.

Quant à notre apport aux 5 chantiers congolais, nous avons eu à
transporter du matériel de génie civil nécessaire à la réalisation de
certains axes de ces chantiers. Et généralement, les travaux des 5
chantiers sont ceux de génie civil. Safmarine espère donc pouvoir
encore participer à ces chantiers au travers du transport de matériaux
de construction.

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