04.12.09 Le Potentiel: Cinq questions à Gilles Pison
1.Faire beaucoup denfants, est-ce une bonne ou une mauvaise chose pour lAfrique?
Il ny a pas si longtemps, les familles nombreuses étaient la règle
partout sur la planète. Cest assez récemment que lhomme sest mis à
limiter volontairement les naissances. Cela a débuté en Europe et en
Amérique du Nord, il y a plus dun siècle, suite à la baisse de la
mortalité infantile. Dès lors quil nest plus nécessaire de mettre au
monde beaucoup denfants pour quil en reste, la fécondité diminue.
Surtout lorsque les enfants deviennent une charge car il faut les
envoyer à lécole, leur assurer leur avenir et une bonne situation. Ces
deux mouvements appelés « transition démographique » se sont
progressivement diffusés partout, y compris sur le continent et
notamment en Afrique du Nord.
2. Mais pas en Afrique subsaharienne…
En fait, le processus est engagé. Même si les écarts demeurent avec
les autres régions du monde, la mortalité a baissé depuis cinquante ans
malgré le sida. Pour ce qui est de la fécondité, elle est en moyenne de
5 enfants par femme. Cest beaucoup moins que les 7 enfants dil y a
trente ou quarante ans. Mais il est vrai que lon ne retrouve pas les
baisses rapides constatées en Asie et en Amérique latine dans les
années 1970-1980.
3. Les traditions ont-elles une part de responsabilité?
Faire beaucoup denfants obéit avant tout à ce vieux raisonnement
selon lequel ils constituent une force de travail et une assurance pour
les vieux jours. Mais cela évolue, cest très net dans les villes, les
milieux instruits et les classes supérieures. Dans les campagnes, cest
plus lent, même si les femmes sont prêtes à utiliser la contraception,
dans un premier temps pour espacer les naissances.
4. Les religions constituent-elles un frein à la baisse des naissances?
Pas particulièrement. Lexpérience des autres parties du monde
démontre que cela nest pas déterminant. Prenez lIran, qui a connu une
forte baisse de la fécondité dans les années 1980-1990. Idem en Afrique
du Nord, où la transition démographique a été rapide. On exagère le
rôle des religions. Les imams ne sont pas un obstacle, pas plus, et
même finalement plutôt moins que les autorités catholiques, qui ont un
problème avec la contraception moderne.
5. LAfrique est-elle en mesure dabsorber une population de 1 milliard dindividus, voire de 2 milliards en 2050?
La baisse de la fécondité nest-elle pas une condition indispensable
au développement économique?
En 1950, le continent comptait 220 millions dhabitants. Le milliard
daujourdhui vit globalement mieux que ces 220 millions dhier. Et
pour ce qui est des 2 milliards en 2050, je ne pense as que la menace
soit alimentaire. A léchelle de la planète, nous sommes 7 milliards et
nous mangeons mieux quil y a deux siècles, lorsque nous nétions que 1
milliard. Lamélioration est donc réelle. En Afrique, la situation
nest certes pas idyllique mais la proportion de gens qui souffrent de
la faim a baissé depuis 1950. Ce défi peut être relevé. Il y a
suffisamment de terres pour nourrir tout le monde sur la planète. Quant
à lAfrique, elle devra sans doute continuer à importer une partie de
sa nourriture, même si le secteur agricole se développe. Cette question
fait débat. Ces deux phénomènes sont liés et fonctionnent dans les deux
sens. Lorsque la santé saméliore, que la mortalité diminue, et
Que les femmes sont plus instruites, on vient à souhaiter moins
denfants… Dans lautre sens, la diminution de la fécondité a des
effets économiques bénéfiques. On la constaté en Asie et en Amérique
latine : la proportion de jeunes a baissé et celle des personnes âgées
na encore guère augmenté. Résultat, les actifs nont jamais été aussi
nombreux en proportion, et cela explique en partie le boom économique
de ces pays.