07.12.09 CINQ QUESTIONS à Jean-Marie Elesse, par Angelo Mobateli
1. De peur que le concept de « tolérance zéro » ne provoque
un malentendu dans limaginaire collectif, au sein de la classe
politique congolaise et de son élite, comment pensez-vous éveiller
lesprit des Congolais sur son usage ?
Il y a eu dans notre pays un laisser-aller qui est cause des
anti-valeurs que nous déplorons. Et la lutte contre la corruption est,
à côté de celle contre le blanchiment dargent sale, un combat mondial.
Dans le contexte congolais, la « tolérance zéro » signifie quon
naccepte plus le laisser-aller. Et ce, dans tous les domaines de la
vie sociale, en commençant par le respect des institutions, de la loi,
des biens sociaux et des deniers publics. En effet, il est intolérable
et inacceptable que les citoyens, quels quils soient, puissent se
comporter au mépris des règles qui régissent la société. En fait, la «
tolérance zéro » suggère le changement radical de mentalité de la part
des Congolais.
2. Que répondez-vous à ceux qui disent que la « tolérance zéro » nest destinée à frapper que les faibles ?
Une certaine opinion affirme effectivement que cette opération ne
concernerait que les faibles et serait sous-tendue par les règlements
des comptes lorsque certaines personnalités sont inquiétées alors que
les « grands criminels », appelés couramment « kuluna en cravate »,
courent toujours les rues. Pourtant, ils sont cités dans différentes
conclusions denquêtes parlementaires, notamment les rapports Lutundula
et Bakandeja ainsi que ceux des biens mal acquis et des assassinats de
la Conférence nationale souveraine. Je dois dire à ce sujet quil ne
faut pas confondre une supputation, une présomption et une accusation.
Il y a des procédures à respecter en matière judiciaire. Cest aux
magistrats de se saisir de tous les rapports et davoir des
informations judiciaires, aidés en cela par leurs auxiliaires qui sont
la police judiciaire des parquets et les services de sécurité. Le
procureur général de République est interpellé à ce sujet. Il faut
éviter la diabolisation des citoyens, car tant quils ne sont pas
jugés, ils sont présumés innocents. Ce principe est constitutionnel.
Autrement, on tomberait dans la traque des gens sans des preuves
réelles.
3. Limpunité fait-elle courir un risque deffondrement à lEtat?
Un Etat de droit digne et respectable est celui où les citoyens, à
chaque échelon social, agissent dans le respect des normes et
sinterdisent des comportements répréhensibles que nous dénonçons tous
aujourdhui sous le vocable danti-valeurs. Cest à un type
dorganisation sociale extirpée de tous les avatars du passé que nous
aspirons. Parmi ces anti-valeurs tant décriées, il y a la gangrène de
la corruption qui a miné tous les secteurs de lEtat, notamment
ladministration publique, larmée, la police et les entreprises
publiques. Et, on accuse souvent la mauvaise la gouvernance et
limpunité, cest-t-à-dire le laisser-aller qui continue et qui tue
lEtat. Ayant appréhendé le risque deffondrement de lEtat congolais
si lon laisse cette situation se perpétuer, le chef de lEtat a lancé
lopération « tolérance zéro ». Lopinion est favorable au président
Joseph Kabila Kabange dans son engagement à lutter contre les
antivaleurs.
4. Quand le président Joseph Kabila avait dit en 2006 « fini la récréation », à quoi avez-vous pensé ?
Après les élections de décembre 2006 qui ont vu le chef de lEtat,
Joseph Kabila Kabange, élu au suffrage universel direct – ce, pour la
première fois dans ce pays -, cen était fini avec les régimes
totalitaires. Et, cétait le triomphe de la démocratie. Cela veut dire
que les pouvoirs ne sont plus concentrés entre les mains dun seul
homme, il y a aujourdhui séparation des pouvoirs. Un principe sacré en
toute démocratie. Le pouvoir législatif élabore les lois, le pouvoir
exécutif les exécute et le pouvoir judiciaire assume larbitrage et la
bonne administration de la justice. Lorsque le chef de lEtat annonce
dès lentrée de la présente législature « fini la récréation », la
magistrature, en tant que pouvoir indépendant, est une institution à
laquelle incombe la responsabilité de rechercher les infractions et de
faire respecter la loi. Il nappartient pas au chef de lEtat de le
faire.
5. Navez-vous pas le sentiment que rien na changé ?
En vertu du 3ème alinéa de larticle 69 de la Constitution disposant
que le président de la République « assure, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions », on
comprend aisément pourquoi il avait mis à la retraite et révoqué un
certain nombre de magistrats «véreux ». Récemment, ayant constaté un
certain laxisme du gouvernement en matière de finances publiques, il
fit remarquer au Premier ministre les dérapages financiers et prit des
mesures conservatoires. Cependant, comme toute action de remise en
ordre est en soi un processus, nous pensons quil faut un peu de temps
pour que le changement puisse sopérer. Déjà, au niveau du pénal, la
traque aux inciviques (petits et grands délinquants) a commencé.